Vamployer les grands moyens - [Louis & Zdenka]

Allez savoir pourquoi, aujourd'hui, Zdenka se permettait une sortie. Plus encore, une sortie pour remplir un peu sa garde-robe, qui pourtant ne pouvait pas vraiment se plaindre de manque, mais passons. C'était en réalité autant une excuse pour voir Louis qu'une réelle quête de fringues de bon goût. Bon, le goût exquis du vampire en matière de vêtements faisait que son avis aurait un réel poids dans ses choix, l'été venait de débuter enfin et elle se devait d'être présentable.

Mais ça n'est pas ça que vous voulez savoir, je vous connais. Non, vous voulez du croustillant. Tenez, prenez, petits curieux. Certes, la polonaise s'était permise quelques fantaisies concernant l'horloger, avait cru déceler dans son air réservé une pointe d'interêt. Sans parler de coup de foudre ou d'amour infini, elle lui trouvait un petit quelque chose. L'histoire lui donnera tort, mais pour le moment, elle peut y croire. Il lui fallait dans l'instant simplement se rapprocher du dandy, elle avait touts les espoirs du monde.

Naturellement, elle lui serre chaleureusement la main quand il arrive enfin -elle s'était permise une bonne heure d'avance-, tente un peu de scruter ses airs pour deviner son humeur du jour.

"Louis, c'est un plaisir de te voir."

Oui, non, pas bonjour ou salut. Elle mettait la charrue avant les boeufs peut-être, mais pardonnez un coeur en pleine excitation.

"Tu es ravissant, aujourd'hui."

C'était d'usage, mais sincère tout autant. Et puis, entendre pareille politesse en retour lui ferait grandement plaisir, aussi. Et puis, encore fallait-il le remarquer, mais elle avait fait un effort tout particulier pour se rendre présentable.

S’il y a bien quelque chose que Louis apprécie par-dessus tout - c’est chiner. Louis adore faire les magasins, regarder les vêtements, apprécier les évolutions de la mode. Il achète rarement néanmoins - il n’en a pas tant l’occasion. L'argent peut facilement venir à manquer, alors il ne le dépense qu’à bon escient. C’est tout un programme, il a toujours été très organisé comme garçon.

Sauf chez-lui.
Où c’est plutôt le bordel.

Alors il se réjouit, de cette petite sortie entre amis. Ou peut-on vous nommer des amis ? Louis l’ignore, mais c’est le cas dans son esprit. Il s’est vêtu d’une petite chemise rosé, avec une cravate stylisée d’un bleu ciel parfait. Sa sempiternelle canne et le voilà arriver à ta rencontre. Il te rend ta poignée de main, évitant de trop serrer tes doigts fins. Un sourire - il s’amuse en avance, à dire vrai.

“Louis, c'est un plaisir de te voir.”
“Le plaisir est réciproque.”
“Tu es ravissant, aujourd’hui”

Il sourit timidement.

Dans le fond, tu l’intimides bien assez - probablement ton statut. Louis n’a jamais eu autant d’argent, avant ou après sa mort. Quand bien même sa manière d’être pourrait laisser imaginer le contraire. Et puis tu aides la Camarilla, c’est gênant un sens, généreux en un autre. Louis ne sait pas quoi en penser, il aimerait bien refuser tes dons, mais il ne peut se le permettre.

“Toi également.”

Il redresse sa cravate, l’air un poil gêné probablement.

“Qu’avais-tu prévu pour cet après-midi ?”

Une sortie dans les magasins, certes.
Mais dans lesquels ?

Naturellement, Zdenka doit lever le menton pour le regarder dans les yeux, et tant que c'en est légèrement comique. Bon, elle a vraiment l'habitude, alors ça ne la gène pas tellement d'être au côtés de géants.

Et puis, des deux, c'est bien Louis qui à l'air un peu mal à l'aise. Évidemment, la polonaise impute ça à sa modestie grande face au compiment qu'elle lui a fait de but en blanc. Remarquez, elle n'est pas tellement indifférente au fait de le recevoir en retour, mais se tient plus flattée qu'autre chose.

Du reste, elle n'avait pas vraiment planifié quoi que ce soit. Puis, sincèrement, elle n'avait pas non plus envie de mesurer à la minute une feuille de route. Quitte à le décevoir, elle l'avoue presque avec fierté.

"Moi? Rien."

Et puis, c'était aussi une occasion de briser son image de femme fermée et hermétique. Froide et raide. Quitte à se faire paraître plus enfantine qu'en réalité, au moins sous son apprence adulte. Elle sourit, alors, espièglement.

"On a juste à marcher au hasard, et à s'arrêter si quelque chose attire notre attention. Il faut savoir se surprendre, quand même."

Ce que le vampire ne pouvait pas savoir, cependant, c'est que les deux risquaient de s'arrêter très souvent, et pas par sa faute. Avec un peu de chance, il aurait même l'occasion de la voir en tenue traditionnelle polonaise, si le hasard voulait bien faire les choses.

Pour le moment, elle partait devant, mais se doutait qu'il n'aurait pas grand mal à la suivre, du haut de ses gigantesques jambes. Elle le jalousait un peu, quand même, voir au dessus de la foule lui avait toujours fait envie.

“Moi ? Rien.”

Louis cligne des yeux, surpris en un sens.
Il ne s’y attendait pas, ce serait mentir que d’affirmer le contraire.

“... Ahaha ! Ça me convient bien !”
“On a juste à marcher au hasard, et à s'arrêter si quelque chose attire notre attention. Il faut savoir se surprendre, quand même.”
“Parfait, dans ce cas !”

Il sourit et rit largement, sans gêne aucune - la surprise l’a toujours aidé à se décoincer, et il faut avouer que la situation reste un brin comique. Louis apprécie bien ces sorties improvisées. Il lui arrivait de faire les mêmes avec Camille - mais Camille n’est plus là depuis un moment désormais.

Il n’a jamais vraiment pensé à la suite.
Désormais, sa vie amoureuse se trouve au point mort.

Il claudique tranquillement jusqu’à une vitrine, un magasin chic de costume masculin et féminin. Il apprécie un instant la chemise ornée de fleurs minuscules, qui irait - il faut avouer - parfaitement bien avec son veston beige. Ajoutez à la tenue une cravate brune, couleur des fleurs, et un pantalon assorti. Ou peut-être faudrait-il privilégier une tenue plutôt dans les tons bleutés. Un casse-tête, il est vrai, qui s’arrête néanmoins bien rapidement lorsque Louis remarque le prix de la chemise en question.

Bien au-dessus de son budget.
Il toussote.

“Urm, eh bien… Des repérages de ton côté, peut-être ?”

Elle le remarque assez rapidement, et se retient de le formuler, mais Louis a cette aura irrésistible qui entoure sa stature tranquille. Comme une nappe de noblesse, un contour magnifique. Pour le moment, elle suit le vampire comme le ferait une dame son chevalier galant, oublie son statut quelques instants.

À l'insu des deux protagonistes cependant, un grain de sable se glisse dans les rouages de leur idylle -la sienne, surtout, mais elle partait déjà fort mal-, et le destin se met en mouvement. Si de son côté, Zdenka ne trouve pas tant son bonheur, elle observe du coin de l'oeil Louis, et remarque son temps d'arrêt au milieu de leur quête.

"Pas encore, mais ce n'est qu'un début."

Une veste rouge bordeaux avait certes piqué son interêt, non pas de par son existence ne tant que tel, mais de ce qu'elle pourrait donner après y avoir ajouté de la dentelle et des boutons dorés. Cependant, la polonaise avait plus dans l'idée de trouver de quoi profiter du soleil. Elle a tout de même plus important à régler, avant.

Elle le rejoint, trifouille à son tour les chemises pour homme, s'arrête comme par hasard sur celle qui a retenu son attention, et lui sourit gentiment. Elle se demande s'il ne l'a pas reposée par peur de paraître ringard en portant des motifs de fleurs, et veut l'encourager dans son choix.

"Tu devrais l'essayer, elle t'irait comme un gant."

Piégé, l'horloger.

“Pas encore, mais ce n'est qu'un début.”
“Hm c’est vrai que l’on a tout l’après-midi.”

Il se veut être tranquille, chiner paisiblement au milieu des boutiques et des rayonnages. Louis n’a pas dans l’idée de se laisser rattraper par le temps, vous avez encore bien quelques siècles devant vous n’est-ce pas ? Il faut alors trouver de quoi les occuper, il est vrai.

Il te regarde fouiller les chemises pour homme, et t’arrêter sur celle qui avait retenu son attention plus tôt. Louis lance une moue quelque peu embêtée.

“Tu devrais l'essayer, elle t'irait comme un gant.”
“Oh tu crois ?”

Il la fixe de nouveau, réfléchit un instant. Le prix le bloque, bien évidemment qu’il n’a pas les moyens de s’offrir un tel vêtement. Même en réfléchissant à ce qu’il possède sur son compte - l’horlogerie ne fonctionne pas très bien, il faut avouer qu’il fait des produits luxueux mais que lui-même ne peut se le permettre.Et puis qui se soucie du temps qui passa, lorsque l’on a près de huit-cents ans devant soi ?

Pas grand monde.
La montre est un produit de mode.

“Ah, comme tu le souhaitera.”

Il finit par céder, par coquetterie il est vrai. Il ne peut certes pas se permettre de l’acheter, mais qu’est-ce qui l’empêche de l’essayer ? Rien ni personne, il faut croire. Il cherche sa taille - Louis est grand et mince, l’un des pires combo qui soit à ses yeux, puisque tout vêtement n’étant pas trop petit pour lui est forcément trop large.

Il a appris à faire des retouches, depuis le temps.

Il se dirige en cabine, se cache de ta vue et commence l’essayage. Il retire sa cravate, son veston et la chemise qu’il porte déjà, constate avec peine les quelques cicatrices qu’il porte, puis enfile la chemise qu’il ne pourra jamais s’offrir. Un vrai gâchis, il est vrai. Elle est ravissante.

Il ressort, boutonnant le dernier bouton au niveau du cou.

“Alors ? Un avis ?”

Bon, comprenez bien ce qui se passe: dans l'esprit de Zdenka, aucune raison au monde ne peut s'interposer entre le fait de vouloir posséder une chemise, et le fait de la posséder réellement. Alors, plutôt que d'attendre qu'il se change, elle repère pour lui deux autres vêtements encore -un polo bordeaux du plus bel effet et une chemise orange-rose flashy à palmiers qui ne lui plairait certainement pas-, puis constate le résultat.

La chemise lui va à peu près pour sûr, et la polonaise n'allait certainement rien lui apprendre, mais rien ne vaut l'honnêteté. Il nage dedans, un peu...

"Hm, il faudrait la cintrer, un peu." Mais bon, quitte à faire des commentaires négatifs, autant les compenser. "Mais elle t'irait à merveille, je pense. Je te donnerais l'addresse de mes couturiers."

Louis était assez grand pour déchiffrer tout seul que s'il n'avait pas les économies suffisantes pour se permettre un vêtement, les retouches en plus seraient parfaitement déraisonnables. Surtout en piochant dans les contacts de la poltergeist.

Tant qu'elle le tient, Zdenka lui tend ses propres trouvailles en le regardant dans les yeux, Ou plutôt fait de son mieux tant la différence de taille la force à lever la tête.

"Je t'ai trouvé ça, aussi."

Quitte à vouloir l'endetter sur dix ans, autant voir jusqu'où on pouvait le pousser. Jusqu'au refus, en théorie, mais bon. Il était trop gentil pour ça, pas vrai?

“Hm, il faudrait la cintrer, un peu.”
“Comme attendu.”
“Mais elle t'irait à merveille, je pense. Je te donnerais l'adresse de mes couturiers.”

Louis fait une moue.
Il ne précise pas qu’il ne l’achètera jamais.

Louis aime chiner, il est vrai. Et pourtant il est étonnamment précis lorsqu’il s’agit de se racheter des vêtements. Bien sûr, il ne peut pas y aller tous les quatre matins. Alors il prévoit, économise. On se dit que l'argent ne gouvernerait plus dans le monde des morts, et voilà le résultat. Louis est resté dans la classe moyenne basse comme il l’a été toute sa vie.

Ce n’est pas une tare, du moins c’est ainsi qu’il le voit.
Louis n’est pas des plus à plaindre - il vit bien, comprenez.

Tu lui tends deux autres vêtements. Un pull bordeaux en effet très sympathique - mais qui coûtera probablement le même prix que la chemise qu’il ne peut déjà pas s’offrir - et une chemise à palmier aux couleurs criardes, pas du tout dans son style. Il ne l’aurait même pas regardé si tu ne lui avais pas tendu, pour tout avouer.

“Je t’ai trouvé ça, aussi.”
“Ah ! Autant le pull. Autant la chemise…”

Il n’a même pas besoin de gesticuler pour se faire comprendre.

“Tu penses réellement que ça m’irait ?”

Il n’a jamais essayé de s’habiller de la sorte. Parce que ça ne lui plaît pas, alors il n’essaye même pas. Il s’habille avec ses goûts, et non pas ceux des autres.

“Et pour toi, alors ? Tu as des trouvailles ou tu préfères avoir également de l’aide ?”

Elle s'en était un peu doutée, mais la chemise ne convenait absolument pas aux gouts de vampire. De là à ce qu'il refuse même de souiller sa propre personne en l'essayant, cependant, c'était extrême. Il pose quand même la question par politesse, et Zdenka tente immédiatement d'esquiver tout jugement.

"Non, bien sûr que non, je voulais voir ta réaction."

Avec un air espiègle et amusé sur le visage. Un petit mensonge pour cacher qu'effectivement, oui, bien sûr, elle aurait voulu voir Louis enfiler une chemise un peu décontractée pour une fois. Bon, une défaite qu'elle avale, tant pis, elle repose ses trouvailles en rayon, et vagabonde le temps que Louis se change.

Et puis, il faut croire que le vampire s'épuise déjà d'être son jouet, et se propose de l'assister. Forcé de constater, un tailleur blanc lui a attiré l'oeil, qu'elle saurait parfaire avec une broche dorée, mais restait cependant une inquiétude.

"J'avais reperé ça, mais bon... Tu crois que le magasin l'aurait à ma taille?"

Parce qu'évidemment, il lui manquait presque quinze centimètres pour prétendre le porter. Les deux personnages avaient leurs propres troubles verticaux, fallait-il croire. Ou alors, elle pourrait peut-être découvrir un style à tenter de nager dedans, qui sait?

“Non, bien sûr que non. Je voulais voir ta réaction.”
“Mettons que je préfère les motifs discrets.”

Comme les petites fleurs sur la chemise qu’il a essayé plus tôt - c’est si dommage qu’elle soit pour lui hors de prix. Vraiment, il se dit bien qu’il pourrait tenter de trouver un modèle fortement similaire dans un magasin plus populaire. C’est possible, après tout les modes se ressemblent. Il a presque hâte de voir ce qu’il adviendra dans quelques siècles.

Verra-t-on les fraises revenir sur le devant de la scène, comme au XVI° siècle ?
Ou les jupes si larges qu’elles ne passent plus les portes ?

Que de questions sans réponses qui n’attendent qu’à être résolues.

“J'avais repéré ça, mais bon... Tu crois que le magasin l'aurait à ma taille ?”
“Oh bonne question. Il faudrait demander.”

Une solution efficace, il est vrai. La plus efficace même.
Louis observe le tailleur en silence, en examine les coutures et les ourlets. Franchement, ce n’est pas si compliqué, et il cache bien une machine à coudre dans les placards de son bureau - ou de son étagère de bibliothèque géante, mais il s’avère qu’il s’agit là de la même chose dans son appartement.

“Je devrais bien pouvoir t’arranger ça, le cas échéant. Quelques ourlets et retouches, rien de bien compliqué.”

Il dit ça naïvement, comme si tu avais besoin des retouches d’un ami et que tu ne connaissais pas de couturiers qui pourraient te faire payer ce service bien trop cher.

“J’ai été célibataire toute ma vie, il a bien fallu que j’apprenne à coudre.”

En vérité, c’est même lui qui faisait les retouches aux costumes de ses camarades, lors de la Grande Guerre.