Lyo vit, presque avec satisfaction, les yeux de la chimère se remplir de larmes. Il l'avait blessée, c'était exactement ce qu'il voulait. Qu'elle paye parce que lui se sentait mal. L'égoïsme. La lâcheté. Mais au moins, soufflait une voix malsaine tout au fond de lui : elle n'oubliera pas un connard pareil. Une victoire bien amère pour le combattant de l'oubli. Les larmes coulaient sur ses joues si douce. Elle aurait fendu le coeur de n'importe qui, mais pas celui de Lyosha, trop planqué derrière ses peurs et sa cruauté. Il se réjouissait de l'effet qu'il avait eu sur elle, elle qui paraissait si confiante, si heureuse. Il allait tourner les talons, la laisser seule, pauvre loque chialante. Mais il se passa quelque chose. Quelque chose d'horrible.
Elle se mit à crier.
Un cri suraigu, surpuissant. Lyo plaqua les mains sur ses oreilles, les dents serrées. Il avait l'impression que le son entrait par chacun de pores de sa peau pour le transpercer. Chacune de ses cellules criait au supplice, ses tympans, fines parois de peau vibraient, à la limite de la rupture. Un gémissement de douleur s'échappa de cette bouche qui, peu de temps auparavant se réjouissait du malheur des autres. Son crâne, déja douloureux était sur le point d'exploser. Le hurlement s'éteignit enfin, laissant Lyo pantelant. Le silence fut assourdissant. Bourdonnant. À la fois terriblement et délicieusement vide. Encore chancelant, une main sur la table pour se retenir de tomber, il ne vit pas la souris s'approcher. En revanche, il sentit parfaitement ce pied qui entrait en contact de manière plutôt violente avec la partie la plus sensible de son anatomie. Un grognement de douleur lui échappa. Il n'avait plus assez de mains pour soutenir et son crâne douloureux et son entrejambe explosée. Sans parler de son amour propre en miette. La souris s'enfuit, repli stratégique intelligent, Lyo était fou de rage.
- Toi, la prochaine fois que j'te vois, je t'éclate ! Tu vas pas t'en tirer comme ça ! hurla-t-il la voix chargée de haine.
La chimère n'avait pas intérêt de recroiser son chemin. En effet, il avait marqué sa mémoire mais elle avait marqué la sienne et de manière indélébile. Il se redressa lentement, les dents serrées par la rage et la douleur. Il envoya s'éclater contre le mur les deux verres qu'elle avait sorti plus tôt et sortit en boitillant. Il rentra jusque dans sa chambre où il s'affala, imaginant mille et une manière de faire payer cette sale petite peste.
Quelle journée de merde.