Care rituals for temporary healing ✯ ft. Abraham

✯ La crise ’existentielle’ – de panique, de remise en question et d’inquiétude – de Zelda est apaisée. Elle a repris le contrôle de ses capacités. C’est un véritable soulagement, aussi bien pour elle que pour lui. Cela devrait aller pour elle durant son absence.

Ainsi, il a pu reprendre la planification (dans les grandes lignes) de son prochain voyage.

Il compte repartir bientôt. Cela commence à le… démanger ? Vider ? Il n’est pas trop sûr du terme qu’il recherche pour expliquer le sentiment qu’il ressent. Cela fait juste trop longtemps – un peu plus de deux mois – qu’il stagne à Tokyo.

Mais avant de quitter la capitale, il lui reste une chose très importante à faire.

Il contacte donc Abraham – saon patient·e ? Ami·e ? Comparse lecteur·trice ? Certainement saon ami·e depuis tout ce temps – pour l’informer de son départ à venir, et lui demander s’iel désire un rituel avant.

Il n’impose pas, jamais. Il sait que les effets des rituels durent plus longtemps que les cristaux. Mais il sait également que cela demande une certaine proximité que tout le monde ne souhaite pas. Lui-même a du mal à en proposer à des inconnus. Et même s’iels se connaissent depuis plusieurs années, il préfère toujours demander.

La réponse est oui. Une date est convenue.

Il s’affaire les jours suivants à rassembler les fournitures nécessaires à un – plusieurs (au cas où) – rituel.

Heureusement, il n’a pas besoin de tout acheter. Il a tendance à stocker des ingrédients parfois – les huiles essentielles ou les craies –, même si ce sont surtout des pierres.

Il retrouve également ses vieux journaux des années où il suivait les cours sur la Poltergeistie, la description des rituels se trouvant à l’intérieur. Ils ne sont pas réellement nécessaires, il les connaît – d’une façon ou d’une autre – par cœur. Mais cela peut sembler plus rassurant s’il donne l’impression de suivre les indications à la lettre. Peut-être…

Le reste du temps… eh bien… il le comble en créant des cristaux. Et atteint vite ses limites après le premier à cause du peu d’énergie ectoplasmique qu’il maintient.

Ah.

Il voit même ses mains devenir légèrement translucides.

Bon.

Cela le pousse à errer dans la ville, cherchant des périsprits à posséder pour restaurer son énergie, pour ensuite la transférer dans des cristaux ; principalement des péridots, peut-être une ou deux améthystes dans le lot. Il a récemment remarqué qu’il pouvait en créer quelques-uns de plus. Cela pourra servir.

✯

Le jour vient, et il se rend, comme promis, chez Abraham. Peut-être un peu en avance, il n’aime pas être en retard, il considère cela comme impoli. Mais il espère ne pas être arrivé trop tôt non plus, et que cela dérange.

Il porte un vieux sac de voyage, qui en a vu des vertes et des pas mûres, sur son dos, contenant tout ce qu’il a préparé au cours des derniers jours et ses vieux journaux dans ses bras. Et il a veillé à garder son énergie au maximum – exceptionnellement – pour pouvoir réaliser les rituels sans encombre.

Et donc… il toque à la porte. Et attend nerveusement que saon ami·e vienne lui ouvrir.

✯ Il attend. Il n’attend pas très longtemps. Des pas lui parviennent de derrière la porte, puis le cliquetis d’un verrou, et la porte s’ouvre, laissant apparaître Abraham dans l’entrebâillement.

« Bonjour. » Il répond poliment à la salutation en s’inclinant légèrement. Une vieille habitude parmi tant d’autres, même si cela peut sembler parfois un peu trop formelle et sans personnalité. Heureusement, saon ami·e le connaît depuis assez d’années pour ne plus s’arrêter à cela.

Invité à entrer, il oblige, murmurant un petit ’ojamashimasu’, et retire ses chaussures sur le côté pour ne pas salir les lieux. D’autres habitudes typiquement japonaises.

L’une des premières choses qu’il constate en s’aventurant davantage dans le petit appartement, c’est qu’il a été rangé… ou réaménagé autant que possible pour gagner de l’espace. Comme à chaque fois. La seconde, nettement plus importante… C’est qu’Abe a l’air de vraiment souffrir rien qu’à marcher.

Il grimace intérieurement à cela. « Je suis désolé… J’aurais dû te contacter plus tôt… » Il se sent coupable. Il a trop traîné à proposer d’organiser un rituel. Lui demander comment iel va devient complètement inutile.

Il note aussi la marque claire dans le cou de saon ami·e. Il n’a pas le souvenir d’une telle marque la dernière fois qu’iels se sont vu·es. Elle ne saigne pas, mais cela ne veut rien dire avec les conséquences de la zombification… Peut-être est-ce plus récent qu’il n’y paraît.

Abaissant son sac à dos, il fouille à l’intérieur pour sortir un petit pot contenant de la pommade pour les blessures. Il est content d’avoir été prévoyant, en supposant que ce ne soit pas trop tard.

« Tu… » Il commence, désignant la marque sur son propre cou et le pot. « T’es-tu blessé·e récemment ? Je peux tenter de la soigner si c’est le cas… »

Ah. Mais Abby souhaite probablement le rituel d’accalmie en premier. « Je veux dire, après le rituel d’accalmie. C’est certainement plus urgent. » Il est ici pour cette raison précise après tout. Alors il pose délicatement le pot sur la table, et revient à sortir le contenu de son sac : craie, poudre d’arnica, des huiles au goût douteux, des plantes… et plusieurs (sept) cristaux scintillants.

Il divise les fournitures selon leur rituel respectif, et récupère la craie et un tapis parmi ceux pour celui d’accalmie. Il doit dessiner le cercle sur le tapis. Il ne veut pas tacher le sol. « Puis-je ? » Il s’enquiert toujours poliment.

✯ Il ne se sent pas plus à l’aise lorsque saon ami·e repousse ses excuses. Ce n’est pas parce que le cristal avait encore de l’énergie que cela fonctionnait aussi bien qu’au début. Pourtant… il choisit de ne pas insister. Iels finiraient par tourner en rond, et iels n’aiment pas spécialement s’attarder en conversations fastidieuses.

Alors il se contente d’acquiescer, essayant d’ignorer la culpabilité qui le ronge un peu. Il ne faudrait pas que les émotions prennent le dessus et viennent perturber le rituel.

Avoir ses ressentis sous contrôle total n’est pas chose aisée. Sauf peut-être pour les Poltergeists les plus âgés.

(C’est probablement pourquoi la lampe au plafond s’est brièvement balancée.)

Il penche la tête sur le côté, s’éloignant de la table et de ses fournitures, et s’approche du bureau où Abe a posé sa précédente citrine. « Hm… » Il la touche du bout de son index, puis la ramasse entre ses mains. Il concentre son énergie sur la pierre… mais rien.

Pas de lueur blanche-bleutée.

Juste une sensation qu’il connaît assez bien. C’est comme si des portes shōji se dressaient entre lui et son énergie. Des portes habituellement ouvertes, sauf que désormais, elles sont maintenues fermées.

Une sensation qu’il ressent à chaque fois qu’il atteint sa limite pour créer des cristaux. Son précepteur des Catacombes, il y a quelques décennies, avait mentionné cette limite.

Il secoue la tête et repose la pierre sur le bureau. « Dans l’immédiat, je ne peux pas… Toutefois, si cela ne te dérange pas que je te l’emprunte, dès que je peux, je la recharge et te la renvoie. » Il fait ensuite un signe vers la petite collection de cristaux lumineux sur la table, certains en collier, d’autres en bracelet… « Bien évidemment, je ne te laisse pas sans rien. » Même s’il n’y a pas que des citrines parmi les différentes pierres.

Après cela, il remarque la nouvelle marque blanche sur le cou de saon ami·e, et propose de la soigner. Mais ce·tte dernier·ère refuse à nouveau, préférant, comme il s’y attendait, le rituel en premier.

Bien qu’il oblige, récupérant la craie et le tapis, il aimerait pouvoir faire plus pour Abby. Il y a une différence entre avoir conscience, constater, savoir… et véritablement comprendre ce que la zombification cause comme réels dommages sur une personne. Ses capacités permettent peut-être d’apaiser les douleurs… Malheureusement, cela ne reste qu’une méthode temporaire. Il ne peut pas les guérir purement et simplement.

De son avis, seuls les Nécromanciens sont en mesure de résoudre cette situation… Un fait plutôt ironique, puisque certains d’entre eux sont la cause-même de tout cela.

« Merci. » L’accord obtenu, il étale le tapis sur le sol, et entame le dessin du cercle dessus avec la craie, laissant ses instincts Poltergeists prendre la relève.

Un premier rond, puis un deuxième légèrement plus petit à l’intérieur. Dans celui-ci, il trace un Z, puis un autre dans l’autre sens. Cela divise le cercle en quatre parties, et donne un nœud papillon également. Deux lotus et deux motifs représentant un objectif d’appareil photo dans deux de ces parties, une phrase latine et divers traits dans les restantes.

Son cercle est légèrement différent du classique.

Cela fait déjà un moment qu’il l’a modifié. C’est venu naturellement, ajoutant principalement un symbole rappelant son périsprit de prédilection. Il n’est guère sûr que cela change quelque chose… Au moins, les effets sont toujours aussi efficaces qu’avant.

« Bien. » Il se redresse, vérifiant son cercle, et hoche la tête, satisfait. « Deuxième étape. » Il se relève pour ramasser la poudre d’arnica, et la concoction étrange d’huiles essentielles.

Il se tourne vers saon ami·e, et lui adresse un petit signe de tête. « Tu peux maintenant t’allonger dessus. Doucement pour ne pas effacer les traits. » Une habitude honnêtement inutile de répéter les mêmes ’consignes’. Iels les connaissent tout·es les deux depuis des années.

Et pourtant, il continue de les dire… Il désigne le flacon de poudre d’arnica dans sa main. Une fleur connue pour être un anti-inflammatoire et anti-douleur très puissant. « Bien que je suppose que ce ne soit pas le cas… Je préfère demander par précaution… Es-tu devenu·e allergique à la fleur d’arnica, dernièrement ? » Cela pourrait être un problème si c’est le cas. Il n’est pas tout à fait certain que le rituel fonctionne avec une plante alternative.

(D’une certaine manière, il a l’intuition qu’Abraham serait tenté·e d’expérimenter le rituel avec des plantes alternatives pour voir si cela marcherait aussi. Dans le pire des cas, cela n’aurait juste aucun effet, de toute façon.)

✯ Il espère sincèrement que saon ami·e n’est pas trop déçu·e par son refus, même si c’est seulement temporaire. Il y a une petite différence entre compréhension et acceptation. Parfois il y en a aussi une entre ce qui est dit et ce qui est pensé.

Mais il a promis de recharger la vieille citrine, et il tient toujours parole. Elle reviendra entre les mains d’Abraham sous peu.

Il achève le cercle du rituel et se redresse pour inviter Abe à s’y allonger, tandis qu’il récupère la poudre d’arnica et la concoction d’huiles essentielles. Et, alors qu’il pose sa question habituelle, il perçoit l’impatience, les discrètes crispations sûrement causées par la douleur… et aussi les petites lueurs de curiosité en voyant les motifs du cercle.

Maintenant qu’il y repense, il ne lui a peut-être jamais expliqué leur sens.

À cette pensée, il grimace intérieurement car vraiment ? Cela aurait dû être une des premières choses qu’il présente, et pas uniquement pour assouvir l’intérêt de saon ami·e. C’est une question de confiance, après tout.

Il se promet de lui dire ou de lui demander après.

Pour l’instant, il acquiesce à la réponse, très vite suivie par la question arborant une touche d’empressement.

« Oui. Je vais répandre la poudre d’arnica sur ton corps maintenant. » Il attend le petit signe d’approbation avant de commencer. Il débouche la bouteille et saupoudre Abby, veillant à éviter son visage pour ne pas lui en verser dans les yeux ou autre.

Parfois, cela lui donne l’horrible impression de suivre une recette. Que Mate Atarau le sauve (ou le tue, de préférence). Pourquoi les rituels doivent-ils fonctionner de cette façon ?

Chassant cette autre pensée, il ouvre l’autre bouteille contenant le mélange d’huiles. Il inspire silencieusement, rassemblant son courage – ce n’est guère sa faute s’il n’apprécie pas le goût –, et l’avale. Là encore, il n’a jamais trop su si boire la mixture d’un coup ou progressivement faisant une quelconque différence…

Essayant d’ignorer la saveur qui s’attarde sur sa langue, il se concentre et canalise son énergie ectoplasmique sur le rituel. Il prononce également les mots de l’incantation. En français, car il a toujours trouvé que l’incantation sonne mieux ainsi, avec les rimes.

« Par les étoiles scintillantes dans le ciel,
Par les murmures du vent doux et réel,
Je tisse des fils de guérison divine,
Pour que tes blessures s’apaisent et déclinent. »

Au fur et à mesure, une lueur blanche-bleutée émane et se répand autour d’eux. Les lignes crayonnées s’illuminent d’un blanc chatoyant, et c’est comme si des étoiles apparaissent et que le son du vent chante au rythme des mots. Des traits se dessinent d’une étoile à l’autre, traçant des constellations, qui viennent ensuite s’enrouler soigneusement autour d’Abraham.

Cela prend quelques minutes avant que tout ne s’éteigne petit à petit.

Il regarde saon ami·e, et s’abaisse doucement pour voir s’iel a besoin d’aide, s’iel se sent étourdi·e ou n’importe quoi d’autre dans le cas où le rituel n’aurait pas fonctionné tout à fait correctement. « Est-ce que ça va ? »