Un obstacle ne se traverse pas, il se déplace
✯ La route est calme et bien vide en ce beau jour de… dimanche, si sa notion du temps s’avère correcte. Il conduit tranquillement sur une petite voie de campagne, se permettant d’aller au pas tant qu’il n’y a personne. Et avec le peu de circulation, ils pourront facilement le doubler également.
Cela lui offre la merveilleuse possibilité d’observer les alentours, d’admirer le paysage, et même d’éventuellement s’arrêter – après avoir vérifié qu’aucune voiture n’approche – pour prendre des photos.
Il y a principalement des champs et quelques rizières. Au-delà, il aperçoit aussi des débuts de forêts. Malgré le nombre d’habitants dans le Monde des Morts, la déforestation n’est pas intense, contrairement à celle du Monde des Vivants apparemment.
Au contraire, même, puisque les morts ont tendance à prendre plutôt soin de la nature.
(Cela lui rappelle qu’il va devoir investir dans un nouveau camping-car tôt ou tard. Son actuel commence à être hors des normes respectueuses de l’environnement. Mais y penser lui pince le cœur. Il s’est tellement habitué à cet habitacle…)
Tandis qu’il regardait sur le côté, il revient un bref instant à vérifier la route.
Et c’est là. Le périsprit d’une grosse caisse en bois. Trop proche pour qu’il puisse dévier et l’éviter. Trop proche pour qu’il puisse s’arrêter avant. Consciemment, il sait qu’il ne craint rien à le traverser. C’est juste que… cela le dérange toujours, d’une certaine manière.
Il freine aussi fort que possible, fermant les yeux à la violence de l’arrêt, même s’il ne roulait pas vite.
Une absence… Non, pas exactement. Un manque ? Une impression de ne plus être complet. Toujours conscient, mais pas uniquement. C’est de courte durée. À peine dix secondes, peut-être. Il n’a pas rêvé. Il était ’ailleurs’. C’était étrange.
Il rouvre les yeux et, lentement, descend de son camping-car.
Une surprise l’attend. Le périsprit de la caisse en bois ne se trouve plus au même endroit. Il est maintenant dans l’herbe, sur le bas-côté. Il fronce les sourcils. Peut-être a-t-il été déplacé par un vivant juste à ce moment-là ? Ce n’est pas improbable, mais cela reste une étonnante coïncidence.
Une longue minute s’écoule durant laquelle il ne bouge pas, restant là, à fixer le périsprit. Il se sent au bord d’une légère transe…
Une voiture arrive au loin, le conducteur ralentit pour se stopper à côté de lui alors qu’il le doublait. « Bonjour, vous allez bien ? Vous êtes en panne ? » Un japonais parlé parfaitement lui parvient.
Il reprend ses esprits, clignant des yeux et quittant enfin la caisse en bois du regard, pour se tourner vers le nouveau venu. Il s’incline aussitôt pour s’excuser. « Ah, bonjour… Oui, je suis désolé. J’ai aperçu quelque chose, donc je me suis arrêté pour vérifier… » Il explique précipitamment, moitié mensonge, moitié vérité.
L’homme suit la direction dans laquelle il regardait, n’apercevant probablement rien, puis hausse les épaules. « Eh bien, si tout va bien alors… Bonne journée monsieur. » Il acquiesce, refermant sa fenêtre, et poursuit son chemin sans attendre de réponse.
Il s’incline légèrement une fois de plus alors que la voiture s’éloigne, puis jette un nouveau coup d’œil au périsprit.
« Avec le temps, vous pourrez voir tous les périsprits. Mais également tous les posséder. »
C’était ce que l’érudit aux cours sur les Poltergeists, aux Catacombes, avait expliqué, des décennies auparavant.
Cela fait déjà pas mal d’années qu’il voit d’autres périsprits, plus seulement les appareils photos. Toutefois, il n’a jamais essayé de posséder ces autres objets. Il avait tellement peiné avec son objet de prédilection… Il ne souhaitait pas revivre l’expérience de si tôt.
Ce doit être un hasard.
C’est évidemment un hasard.
Mais si cela est bien le cas, alors ce manque… À quoi est-il dû ? Quelle était cette sensation plus restreinte ? Inhumaine ? Comme s’il était enfermé dans quelque chose de plus étroit ? Inanimé ?
Cela ressemble à celle qu’il ressent lorsqu’il possède un appareil photo…
Il déglutit. Cela ne lui coûte probablement rien d’essayer… Il ne veut pas espérer pour rien non plus. Un hasard ou un coup de chance.
Il baisse les yeux vers ses mains. Il ferme les yeux, serre les poings. Il inspire profondément, et expire.
Rouvrant les yeux sur le périsprit, il se concentre. Fort. Juste au cas où. Comme il le fait pour posséder un appareil photo ou pour transférer son énergie dans un cristal, il visualise mentalement un viseur à travers lequel il regarde avant de figer le paysage sur la pellicule. Via ce ’viseur’ mental, il fixe la caisse en bois.
Longtemps. Longtemps. Longtemps.
Et…
Un changement se produit.
Ce n’est qu’un bref ’manque’, avec l’impression de ’se regarder’ et de regarder le périsprit en même temps. C’était comme être des deux points de vue à la fois, mais pas tout à fait.
Le choc le traverse. A-t-il vraiment réussi ? Et dès la première tentative, cette fois ? N’est-ce pas un autre coup de chance ?
Alors il réessaye une seconde fois. Pour être sûr.
Cette fois, il maintient la possession quelques secondes de plus, soulevant même la caisse en bois du sol de plusieurs centimètres. Avant de la laisser retomber. Peut-être un peu trop brusquement, parce qu’il grimace et s’excuse auprès du périsprit pour cela.
(Il est bizarre à s’excuser de cette façon, ce n’est pas la première fois qu’on le lui fait remarquer.)
Et tandis que la caisse en bois commence à être déplacée, non pas par lui, mais sûrement par des vivants, ce coup-ci, il n’en revient toujours pas. Il y est réellement parvenu. C’est…
Peut-être que l’au-delà a-t-il décidé d’être clément avec lui, par rapport à ses tous débuts où maîtriser ses capacités était un défi insurmontable ?
Il ne sait pas.
Et par précaution, lors de son arrêt dans la ville la plus proche, il tente de posséder d’autres périsprits-objets. Au moins cinq ou six… Ou était-ce une dizaine ? Il a perdu le compte, mais jamais les mêmes. Ses possessions fonctionnent avec succès. Il y croit maintenant. Il ne rêve pas.
Pour une fois, il en est heureux. Il devra raconter cela à Kaoru-san. Et puis Adrian-onii-san. Et puis Carter-sensei. Tous ses proches qu’il aime. (Un jour, à Hiroshi aussi.)
Cela lui offre la merveilleuse possibilité d’observer les alentours, d’admirer le paysage, et même d’éventuellement s’arrêter – après avoir vérifié qu’aucune voiture n’approche – pour prendre des photos.
Il y a principalement des champs et quelques rizières. Au-delà, il aperçoit aussi des débuts de forêts. Malgré le nombre d’habitants dans le Monde des Morts, la déforestation n’est pas intense, contrairement à celle du Monde des Vivants apparemment.
Au contraire, même, puisque les morts ont tendance à prendre plutôt soin de la nature.
(Cela lui rappelle qu’il va devoir investir dans un nouveau camping-car tôt ou tard. Son actuel commence à être hors des normes respectueuses de l’environnement. Mais y penser lui pince le cœur. Il s’est tellement habitué à cet habitacle…)
Tandis qu’il regardait sur le côté, il revient un bref instant à vérifier la route.
Et c’est là. Le périsprit d’une grosse caisse en bois. Trop proche pour qu’il puisse dévier et l’éviter. Trop proche pour qu’il puisse s’arrêter avant. Consciemment, il sait qu’il ne craint rien à le traverser. C’est juste que… cela le dérange toujours, d’une certaine manière.
Il freine aussi fort que possible, fermant les yeux à la violence de l’arrêt, même s’il ne roulait pas vite.
Une absence… Non, pas exactement. Un manque ? Une impression de ne plus être complet. Toujours conscient, mais pas uniquement. C’est de courte durée. À peine dix secondes, peut-être. Il n’a pas rêvé. Il était ’ailleurs’. C’était étrange.
Il rouvre les yeux et, lentement, descend de son camping-car.
Une surprise l’attend. Le périsprit de la caisse en bois ne se trouve plus au même endroit. Il est maintenant dans l’herbe, sur le bas-côté. Il fronce les sourcils. Peut-être a-t-il été déplacé par un vivant juste à ce moment-là ? Ce n’est pas improbable, mais cela reste une étonnante coïncidence.
Une longue minute s’écoule durant laquelle il ne bouge pas, restant là, à fixer le périsprit. Il se sent au bord d’une légère transe…
Une voiture arrive au loin, le conducteur ralentit pour se stopper à côté de lui alors qu’il le doublait. « Bonjour, vous allez bien ? Vous êtes en panne ? » Un japonais parlé parfaitement lui parvient.
Il reprend ses esprits, clignant des yeux et quittant enfin la caisse en bois du regard, pour se tourner vers le nouveau venu. Il s’incline aussitôt pour s’excuser. « Ah, bonjour… Oui, je suis désolé. J’ai aperçu quelque chose, donc je me suis arrêté pour vérifier… » Il explique précipitamment, moitié mensonge, moitié vérité.
L’homme suit la direction dans laquelle il regardait, n’apercevant probablement rien, puis hausse les épaules. « Eh bien, si tout va bien alors… Bonne journée monsieur. » Il acquiesce, refermant sa fenêtre, et poursuit son chemin sans attendre de réponse.
Il s’incline légèrement une fois de plus alors que la voiture s’éloigne, puis jette un nouveau coup d’œil au périsprit.
« Avec le temps, vous pourrez voir tous les périsprits. Mais également tous les posséder. »
C’était ce que l’érudit aux cours sur les Poltergeists, aux Catacombes, avait expliqué, des décennies auparavant.
Cela fait déjà pas mal d’années qu’il voit d’autres périsprits, plus seulement les appareils photos. Toutefois, il n’a jamais essayé de posséder ces autres objets. Il avait tellement peiné avec son objet de prédilection… Il ne souhaitait pas revivre l’expérience de si tôt.
Ce doit être un hasard.
C’est évidemment un hasard.
Mais si cela est bien le cas, alors ce manque… À quoi est-il dû ? Quelle était cette sensation plus restreinte ? Inhumaine ? Comme s’il était enfermé dans quelque chose de plus étroit ? Inanimé ?
Cela ressemble à celle qu’il ressent lorsqu’il possède un appareil photo…
Il déglutit. Cela ne lui coûte probablement rien d’essayer… Il ne veut pas espérer pour rien non plus. Un hasard ou un coup de chance.
Il baisse les yeux vers ses mains. Il ferme les yeux, serre les poings. Il inspire profondément, et expire.
Rouvrant les yeux sur le périsprit, il se concentre. Fort. Juste au cas où. Comme il le fait pour posséder un appareil photo ou pour transférer son énergie dans un cristal, il visualise mentalement un viseur à travers lequel il regarde avant de figer le paysage sur la pellicule. Via ce ’viseur’ mental, il fixe la caisse en bois.
Longtemps. Longtemps. Longtemps.
Et…
Un changement se produit.
Ce n’est qu’un bref ’manque’, avec l’impression de ’se regarder’ et de regarder le périsprit en même temps. C’était comme être des deux points de vue à la fois, mais pas tout à fait.
Le choc le traverse. A-t-il vraiment réussi ? Et dès la première tentative, cette fois ? N’est-ce pas un autre coup de chance ?
Alors il réessaye une seconde fois. Pour être sûr.
Cette fois, il maintient la possession quelques secondes de plus, soulevant même la caisse en bois du sol de plusieurs centimètres. Avant de la laisser retomber. Peut-être un peu trop brusquement, parce qu’il grimace et s’excuse auprès du périsprit pour cela.
(Il est bizarre à s’excuser de cette façon, ce n’est pas la première fois qu’on le lui fait remarquer.)
Et tandis que la caisse en bois commence à être déplacée, non pas par lui, mais sûrement par des vivants, ce coup-ci, il n’en revient toujours pas. Il y est réellement parvenu. C’est…
Peut-être que l’au-delà a-t-il décidé d’être clément avec lui, par rapport à ses tous débuts où maîtriser ses capacités était un défi insurmontable ?
Il ne sait pas.
Et par précaution, lors de son arrêt dans la ville la plus proche, il tente de posséder d’autres périsprits-objets. Au moins cinq ou six… Ou était-ce une dizaine ? Il a perdu le compte, mais jamais les mêmes. Ses possessions fonctionnent avec succès. Il y croit maintenant. Il ne rêve pas.
Pour une fois, il en est heureux. Il devra raconter cela à Kaoru-san. Et puis Adrian-onii-san. Et puis Carter-sensei. Tous ses proches qu’il aime. (Un jour, à Hiroshi aussi.)