"parle-moi un peu de toi"
ft. ginny
Ginny la rassura sur son talent presque inexistant, et la brune s’était contenté de hausser les épaules en guise d’unique réponse : pour dire vrai, son piètre niveau d’artiste ne la dérangeait pas plus que ça. Ce n'était pas comme si elle prenait ses gribouillages au sérieux, après tout.
Alors qu’elle se préparait à mettre les voiles, la blonde lui raconta son parcours pour le moins complet, menant Junko à prendre comme note mentale le nom de sa bande dessinée. Elle comptait bien garder cela pour elle, mais elle prévoyait déjà d’aller acheter tous les tomes dès que l’occasion se présenterait… Et qu’elle se trouverait enfin un moyen de se faire quelques ossements, aussi.
La dessinatrice en herbe lui avait adressé un joli sourire en prenant soin de la rassurer, et ses mots manquaient de mettre le corbeau dans l’embarras : d’un côté, ça avait fonctionné, un peu. De l’autre, la nature douce et protectrice dont elle faisait déjà preuve à son égard avait suffi à la faire chavirer, chose qui n’arrangeait pas son cas si l’on considérait son niveau de stress déjà élevé.
Incapable de répondre, elle n’avait que hoché la tête, juste assez longtemps pour que c'en devienne comique.
En chemin, Ginny finit par lui rendre la pareille en lui demandant de parler d’elle alors qu’elle sema à nouveau quelques bribes d’informations sur son passé.
“Parle-moi un peu de toi”. Sans trop savoir pourquoi, cette question avait tendance à la terrifier. Junko avait calmement cherché ses mots, le regard fixé sur ses bottines, et les mains occupées à jouer avec les manches de son pull pour s’aider à réfléchir.
Que dire, quand elle savait pertinemment que la réponse serait si morose ? Comment tourner les faits pour qu’ils sonnent satisfaisants, ou du moins pas totalement ridicules face à la vie -et la mort- si bien remplie de sa colocataire au sourire éclatant ?
La vérité, voilà. Sauf que la réalité,
sa réalité, elle en avait un peu honte, quand elle y pensait trop.
“Ben… Je suis morte récemment, mais avant ça… J’ai vécu près d’ici toute ma vie. Enfin, “ici”... Le vrai ici. Tokyo, quoi. Le Tokyo des vivants, tu sais ?”
Elle s’embrouillait déjà, et en était bien consciente. On respire, on déglutit, et on reprend.
“... J’étais programmeuse. C’était bien, même si pas vraiment. C’était un peu ennuyeux, souvent. Mais, au moins, j’étais sur mon ordinateur. J’aimais bien les ordinateurs, avant. Maintenant, c’est plus compliqué. Mais ça va, je suppose.”
C’était évasif, mais honnête. La tâche était accomplie, aussi maladroitement qu’elle l’ait été.
Après avoir relevé les yeux, la brune se rendit enfin compte du monde qui les entourait : trop rapide, trop fréquenté, trop…
Trop. Alors elle s’était concentrée sur le son de la voix de Ginny, en faisait de son mieux pour ne pas percuter un passant alors que ses yeux étaient rivés sur ses lèvres, comme pour tenter de mieux l’entendre.
Malheur, elle s’interrompt, et l’ermite fronce légèrement les sourcils en répondant du tac au tac :
“Non, continue. J’aime bien quand tu parles.”
Que cela soit pour ne pas s’obliger à mener la conversation d’elle-même ou pour éviter de trop penser à la foule, une fois encore, sa franchise était utilisée à bon escient, aujourd’hui.