heart to heart
“Je faisais ça de mon vivant, quand je croisais une jolie fille ou un joli garçon…”
Grillée. Évidemment.
La comparaison que Ginny lui avait offerte était loin d’être élogieuse, surtout pour Junko et sa fâcheuse tendance à ne retenir que le négatif, particulièrement lorsqu’elle était le sujet principal de la discussion.
Les gens ne l’aimaient pas.
La trouvaient bizarre.Cette description ne lui était que trop familière. Peut-être que cette Abby Oxton était sa jumelle d’une autre vie, qui sait.
Et quand la blonde s’était excusée de radoter, le corbeau n’avait même pas pris la peine de la rassurer, trop occupée à fixer ses pompes avec une mine déconfite.
Pourtant, elle continuait d’écouter. Silencieuse, concentrée sur sa glace, mais toujours attentive pour autant. Note pour plus tard : Ginny est bavarde.
Très bavarde. Une fois de plus, ça l’arrange.
En même temps, avec une vie comme la sienne, le besoin de se confier coulait de source. Ce récit mouvementé était presque difficile à croire lorsqu’il sortait de la bouche d’une demoiselle aussi boute-en-train que Ginny, et pourtant, douter de la véracité de ses propos lui était impensable.
Il lui suffisait de lui adresser un regard discret pour voir la peine sur son visage, et ça, même le corbeau réussissait à l’interpréter. C’est dire.
“Ta glace est bonne ?”
La question l’avait surprise, tant elle changeait du tout au tout le ton de la conversation.
“... Oui.”
Ça aurait été une bonne occasion de la remercier, mais l’esprit de Junko était ailleurs.
Étonnamment, écouter une jolie fille raconter le récit d’une vie sans demander la pareille était une situation idyllique pour la brune, et pourtant… Tout cela lui donnait envie de s’ouvrir à elle, au moins un peu. Ce désir faisait son bout de chemin avec un naturel déconcertant lorsque l’on prend en compte sa nature discrète.
Peut-être était-ce un moyen de se montrer reconnaissante pour son honnêteté.
Alors elle avait hésité, laissant le doux bruit du silence planer quelques instants, puis avait finalement pris la parole. Lentement, timidement, Junko s’était lancée :
“... Ma vie était plutôt… Vide. Surtout comparée à la tienne. Pour moi, l’adrénaline, c’est devoir passer un coup de fil. Remplir mes factures. Dire bonjour au caissier.”
Elle avait marqué une pause en reposant son regard au sol, se laissant le temps de méditer sur le sujet.
“J’ai toujours envié ceux qui vivent pour de vrai. Mais je sais pas faire ça. Je sais même pas si c’est vraiment ce que je veux.”
Finalement, ses yeux sombres s’étaient posés sur Ginny, marqués par un air interrogatif et quelque peu inquiet qui ne lui ressemblait pas.
“... Tu crois que c’est possible, toi ? De commencer à vivre après la mort ?”