Shop scowting ft. Olympe

Mission accomplie. Sans avoir embarassé quiconque, sans avoir prix de retard, sans s'être perdues non plus, elles avaient retrouvé le droit chemin. D'un simple geste de la main gentillet, elle lui pardonnait de s'être enflammée dans leur petite excursion. Bien qu'elle avait la tête ailleurs, Olympe s'y était retrouvée aussi à fureter de vitrine en vitrine, avec cette bohême qu'elle mettait souvent de côté, l'âge n'aidant pas.

Elle se laissait guider par l'instinct de Maya, prenait place à une table en terrasse et commandait sa boisson. Elle comptait fermement rester cramponnée à sa chaise jusqu'à la dernière seconde de répit qu'elles pourraient s'accorder. Déjà parce qu'elle n'avait simplement plus envie de marcher, quelle idée, et surtout parce qu'elle adorait ces ambiences-là.

En bonne compagnie, inondée de soleil en extérieur, à parler de projets et d'amibitions plutôt que de regrets. Voilà qui lui plaisait vraiment, ses petits bonheurs sincères qui permettent de supporter le passage du temps interminable. Reste cependant qu'il lui tenait à coeur de reprendre l'entrepreneuse, puisque incapable de lire dans ses pensées.

"Parler de concurrence, c'est quand même rude. Quand les tables en extérieur sont remplies dans tous les bistrots de la rue, c'est qu'il n'y a pas tant à se soucier de se marcher sur les pieds."

Elle prenait le temps de balayer l'intérieur du bâtiment des yeux, qui semblait avoir une certaine identité visuelle. QUelque chose de difficile à nommer, mais qui constituait un ensemble harmonieux, entre le rustique et l'ancien. Voilà qui semblait pertinent à évoquer.

"Pour le coup, tu voyais quoi comme décoration? Ça pourra être important pour ce qui touche à la disponibilité des prises électriques, l'arrangement des meubles, tout le tsoin-tsoin... Enfin, je pourrais te recâbler la batisse sur mon temps libre, mais ça risquerait de prendre du temps selon mes commandes." Elle finissait de parler en prenant le manche de sa -microscopique- tasse entre le pouce et l'index, perdue dans ses pensées, mais finalement reprenait la parole hâtivement avant de lui laisser le temps de répondre. "Et puis c'est important de prendre en compte la luminosité de la pièce, aussi, surtout en décorant avec du bois sombre. On pensera aussi à demander comment le bâtiment est chauffé, ça peut engranger des frais monstrueux s'il faut rénover l'installation."

Incertaine de si elle venait de lui couper la parole, elle prenait le temps de s'excuser.

"Enfin, pardon, je te laisse parler..."

Oui, bon, elle s'emballait aussi, mais c'était bien la preuve qu'elle aussi voulait s'impliquer intimement dans le projet.

Un délice. La terrasse était inondée de soleil. L’odeur de la tisane à la menthe poivrée se mélangeait aux odeurs florales du début de printemps. Maya se laissait bercer par l’instant, ravie de cet instant de répit et les bras légers, ravie de cette petite détente improvisée avec Olympe.

Laquelle se lança d’ailleurs bien vite dans un grand discours, que Maya écouta avec attention, hochant la tête à chacune de ses paroles, ouvrant de grands yeux à l’évocation de détails auxquels elle n’avait point songé, soufflant doucement sur sa tasse pour la refroidir entre deux gorgées.

Se plongeant dans la réflexion à la question d’Olympe, elle porta sa main à son oreille droite, jouant mécaniquement avec ses piercings, tout en prenant le soin de peser ses mots en réponse.

— Mmmh, alors j’ai une idée plutôt précise de la décoration que j’aimerais… Quelque chose de chaleureux, chic et coloré. Entre la déco bohème et ethnique. Coloré et avec moult plantes. Et des fleurs séchées, aussi.

Un instant de discernement lui permit de se rendre compte qu’elle n’évoquait que la décoration pure, et non le mobilier ou l’agencement du lieu – peut-être plus pertinents que la couleur du papier peint ou le style des plantes, en l’état.

— Au niveau de l’installation, une petite cuisine me suffit. J’aurais seulement besoin d’un plan de travail, d'une taille moyenne. En revanche, j'aurais besoin de suffisamment de prises et place pour pouvoir y installer mes robots de cuisine, ainsi que les appareils de cuisson. Et dans tous les cas, en-dehors de la cuisine, j’aimerais un bar donnant sur le reste de la pièce – pour les encaissements, le café… Tout ça.

Les yeux dans le vague, perdue dans l’immensité bleue au-dessus de leurs têtes, Maya se remémorait ses recherches sur le net, les images qui lui avaient plu et qu’elle avait enregistré avec émotion et enthousiasme dans un coin de sa tête.

— L’autre jour à l’Agence, je suis allée voir sur l’un des ordinateurs pour m’inspirer, faire des croquis. J’aime bien l’idée d’avoir quelques tables et des chaises, mais aussi de nombreux fauteuils et canapés avec des tables basses. Des coussins. Ça donne tout de suite un côté très chaleureux. Et j’ai envie que ce soit chaleureux !

Elle sourit et reporta son regard dans celui d’Olympe - avant de cligner des yeux sous la lumière des mirettes de son amie et les baisser cette fois vers sa tasse, bien moins éblouissante.

— Du coup, il faut en effet que ce soit lumineux. Ça pourrait vite devenir surchargé si l’endroit est sombre, avec toutes les couleurs. Et vu l’utilisation électrique dont j’aurais besoin, il faut en effet quelque chose qui fonctionne bien et qui ne soit pas dangereux. Tu es tellement prévoyante, c'est formidable, je n’aurais pas pensé à tout ça, reconnu-t-elle avec un sourire ravi, tout en récupérant son calepin pour noter les remarques d’Olympe avec des petits tirets. Mordillant pensivement le capuchon de son stylo, elle lui demanda : Est-ce qu’il y a d’autres choses sur lesquelles nous devrions être vigilantes ?

C'est fou tout le bien que peut faire le simple geste de s'asseoir. Olymple en venait presque à bénir quiconque a eu l'idée pour la première fois de poser son derrière plutôt que ses pieds sur le sol. Un très lointain ancêtre pour sûr, mais l'un des plus honorables.

Sa pauvre boisson sifflée en deux gorgées, il ne lui restait simplement qu'à écouter les ambitions et projets de Maya. C'est qu'elle avait semblé avoir réfléchi à tout également, de son côté. En vérité, la bricoleuse ne s'y connaissait que très peu en matière de décoration, et se contentait d'hocher la tête pour signifier qu'elle comprenait l'idée générale.

En plus de se projeter l'image mentale, se dressait une machination interne digne d'un complot. C'est qu'elle prévoyait déjà y implanter le coin privilégié des réunions des chimères-commères de seize heure, et devait s'assurer que l'arrangement de la salle leur permette de réserver un coin de paradis. Quelle tâche immense, que de manigancer en silence.

Le temps de placer ses pions et d'avancer ses plans, elle croisait le regard de sa comparse, juste le temps qu'il fallait pour la voir baisser les yeux, et se rappeler qu'elle était venue en premier lieu pour l'aider elle, les messes basses pouvaient attendre.

"Les prises électriques sont rarement un problème, il suffit de poser des multiprises ici et là, ce qui m'inquiète surtout c'est la consommation des appareils et ce que le réseau pourra fournir. Bon, rien d'insurmontable avec un peu de rustine généralement, mais c'est toujours du travail en plus. Pour la place, je peux pas vraiment aider à moins de sortir l'artillerie"

Il fallait entendre "à moins de casser un mur pour faire de deux pièces une", mais le contrecoup de la maneuvre en terme de rénovation serait terrifiant. Inutile de s'étendre dessus. Reste qu'elle rougissait au compliment, soufflant à peine un merci gêné. Pour ce qui tenait des précautions, elle se mettait à fixer les cieux, creusant sa mémoire.

"De tête, ce qui me vient, c'est qu'il faudra être vigilantes plus tard lors de la signature des contrats. Faires attention à ce que tout soit aux normes, c'est une horreur administrative parfois incompréhensible. J'ai la chance d'y avoir affaire souvent par extension de mon travail, si tu as un doute tu pourras m'appeler."

C'était presque un aveu qu'elle comptait soutenir le projet du début à la fin, manquait simplement la verbalisation formelle de sa dévotion. C'est qu'elle y trouvait un interêt, n'oublions pas, qui engageait également son cercle proche. Peut-être que son zèle se trouvait en réalité là.

Non, notre chimère aurait aidée sa consoeur aidée de manière désinteressée s'il l'avait fallu.

"Ça me fait plaisir, que tu me fasse confiance avec ta petite entreprise. Voilà, j'avais envie de le dire, tôt ou tard."

Même après des décennies, on ne savait pas toujours trouver les mots justes. La sincérité transcendait souvent le sens strict du Verbe, en général.

Maya hocha la tête et nota consciencieusement sur son calepin les paroles d’Olympe, entourant un mot ici et là pour le mettre en évidence. Elle ne pouvait nier, toutefois, que les mots “normes” et “horreur administrative” lui hérissaient fortement le poil - surtout celui de sa queue et son cuir chevelu, en fait, à défaut d’en avoir sur les bras et les jambes grâce aux potions qu’elle prenait. Elle grimaça et l’avoua par ailleurs à sa comparse, d’une voix un peu mollassonne.

— Aaah l’administratif, quelle angoisse… J’ai pas hâte.

Elle fit la moue, puis releva les yeux pour croiser le regard d’Ollie, soulagée de l’avoir à ses côtés - clignant des paupières après l’éblouissement que lui provoqua ce croisement de regard. Elle ne serait pas seule face à cette épreuve : son amie lui proposait son aide, et un sourire et une lueur infiniment reconnaissante dansaient dans les yeux de Maya. C’était un lourd poids en moins sur ses épaules d’avoir quelqu’un sur qui s’appuyer, qui pourrait lui venir en aide et la conseiller face à cette montagne de paperasse qui s’annonçait.

Elle sirotait pensivement sa tisane quand Ollie lui avoua le plaisir que sa confiance lui procurait. Elle déglutit et reposa sa tasse pour la regarder - et s’éblouir, à nouveau -, laissant un grand sourire chaleureux éclairer son visage. Elle sentait que les mots d’Olympe étaient emplis de sincérité ; Une sincérité partagée, car Maya avait toute confiance en Ollie. Celle-ci avait toujours été là pour elle, dès son arrivée dans le monde des morts, et elle l’avait aidée à sortir et prendre confiance en elle. A croquer la vie - la mort - à pleine dents. Et, aux yeux de la plus jeune des deux chimères, si elle était épanouie et heureuse à ce jour, c’était bien grâce à son amie à tentacules. Et elle ne pourrait jamais la remercier assez pour ça.

— Oh, ben, tu sais, bredouilla-t-elle, émue, tu m’as apporté beaucoup, et je ne serais peut-être pas dans ce projet aujourd’hui sans toi. Tu as toute ma confiance, t’es une amie en or, vraiment, ajouta-t-elle, levant une nouvelle fois des yeux rapidement éblouis vers son amie, à la fois souriante et embarrassée d’exprimer l’envergure de son amitié pour Olympe.

Elle regarda sa tasse, intimidée - et aussi pour éviter de s’éblouir une quatrième fois en l’espace d’une minute, certainement. Un sourire sincère dansait sur ses lèvres, et quand elle reprit, un rire ponctua ses paroles.

— En plus, tu connais énormément de choses avec ton travail, c’est hyper impressionnant. Crois-moi, j’en aurais des gâteaux à t’offrir pour te remercier de ton aide !

Olympe regardait sa comparse mettre en lettres ses paroles, avec la dévotion d'un scribe ancien. Comme si ses paroles étaient une sagesse incarnée, un savoir caché. La déformation professionnelle est telle qu'elle a l'impression d'énoncer des évidences, mais elle conçoit à l'instant que tous ces détails ne peuvent pas venir spontanément à quiconque ne s'y confronte pas quotidiennement.

Au moins, elle acquiesce aux complaintes de Maya, un sourire aux lèvres. Forcément...

"L'administratif, moins on s'y confronte, mieux on se porte."

Bon, si son sourire naissait de cette complicité, un autre facteur y jouait. Voir la pauvre chimère tenter de croiser son regard pour le fuir en boucle avait un certain ressort comique. Malgré le côté émouvant de la scène et des mots prononcés.

Un peu embarassée par les éloges, elle les fuit en tendant à son amie la paire de lunettes de soleil qui lui pendait au coup depuis des heures, comme lui louant une bénédiction.

"Tiens, ça aide..."

Remarquez, inutile de la regarder directement dans les yeux pour voir que le faisceau clignotait un instant, le temps qu'elle cligne des yeux en entendant parler d'une récompense culinaire. Pour sûr, son attention est captée.

"Tu sais, l'entretien de locaux et la remise aux normes c'est de loin ma principale activité, alors forcément, je connais. Si tu me demandais des conseils de marketing ou de publicité à la place, ton affaire coulerait en une semaine!"

Non pas qu'elle le souhaitait, évidemment. Surtout que venait de rentrer dans l'équation autre chose, une promesse alléchante, un sucre pour la fourmi, un appât pour l'abeille.

"Et je n'oserais pas refuser les gâteaux, oui..."

C'était plus sobre que hurler "oui je veux", mais le fond restait le même. La grecque avait tenté plusieurs fois de se donner à la pâtisserie et autres arts culinaires, mais forcé de constater qu'un pauvre beignet industriel et un sandwich triangle vainquaient de loin chacune de ses tentatives. Quelques biscuits par-ci par-là seraient une bénédiction.

"Bon, il va bientôt falloir y aller, non?"

Repartir pour une course effrénée, à se torturer les appendices. Quelle idée de venir sans ses béquilles, aussi.

La plus âgée des deux chimères tendit à sa compère les lunettes qu’elle avait sur elle en toutes circonstances, bien consciente de l’éblouissement que pouvait provoquer ses mirettes lumineuses. Maya accepta avec reconnaissance les lunettes solaires et écarta les branches pour les chausser - elles étaient un peu étroites pour sa tête ronde, mais feraient l’affaire pour le temps de leur échange. Habituellement, lorsque Maya savait qu’elle voyait Ollie, elle essayait d’emporter une paire avec elle - mais pas aujourd’hui ; Aujourd’hui, elle avait tout bonnement été trop préoccupée par l’opération de visites de locaux pour y penser.

Elle sourit à son amie qui, très modestement, affirmait que ses compétences en matière d’entretien et de normes n’avaient rien d’extraordinaire. Mais aux yeux de Maya, ça l’était - d’ailleurs, elle-même n’avait aucune compétence en marketing non plus, et elle comptait bien sur le bouche-à-oreille pour lancer sa petite activité plutôt que sur des opérations de publicité de grande envergure. Des cartes de visite ou des flyers, à la limite…

— Chacun ses forces ! Je suis une bille en marketing aussi, lui avoua-t-elle avec un petit rire.

En tout cas, elle était ravie de savoir que la promesse de sucreries en remerciement plaisait à son amie. Voilà quelque chose qu’elle maîtrisait et qu’elle serait, de surcroît, ravie de faire.

La question d’Olympe sembla ramener Maya sur terre, qui pendant un instant en avait presque oublié de surveiller l’heure - mais ça allait, elles seraient pile-poil dans les temps.

Maya acquiesça, puis fit signe à son amie de l’attendre une minute pour aller payer, prête à insister si Ollie ne voulait pas que Maya règle les deux consommations. Ollie l’accompagnait déjà pour la journée ; c’était la moindre des choses de lui offrir le café, et la chimère vachette ne lui laissait pas le choix.

Elle ressortit rapidement après avoir réglé, rangea calepin et stylo dans son sac, rendit les lunettes de soleil à son amie et reprit la lourde caisse à outils, parée pour la première visite de la matinée.

— Allons-y ! N'empêche, on a de la chance, c'est parfait une belle journée comme ça pour vérifier la luminosité, non ? J'ai hâte de voir ce que ça va donner, cette première visite.

Le stress commençait à remonter pour Maya, et la jeune chimère qui se disait que l’agent.e immobilier.e serait peut-être déjà devant les lieux sentit son estomac se serrer en espérant que ce ne soit pas un homme. Heureusement qu’Ollie l’accompagnait, ça enlevait une partie de l'inquiétude.

— D'ailleurs, ça te gêne pas si je pose la caisse à outils à l'entrée pendant la visite, ou tu préfères que je la garde avec nous ?

Maya pouvait tout à fait comprendre si Ollie avait un lien particulier avec ses outils et préférait éviter de la poser loin de leurs regards - et en même temps, Maya ne dirait pas non à s'en décharger le temps de la visite pour se consacrer pleinement à ce qui serait sous ses yeux !

Bon, si Olympe ne pouvait s'empêcher de le remarquer, elle devait faire des efforts surhumains pour ne pas le mentionner: les lunettes de soleil n'allaient vraiment pas à Maya. Plus encore, ça lui donnait un air parfaitement ridicule, rejoignant très rapidement le comique. Au moins, la chimère se retenait de rire par de grands efforts, et s'excusait mentalement auprès de sa collègue de les lui avoir tendues.

Bon, loin d'être richissime, Olympe proposait de partager l'addition une fois, mais certainement pas deux. N'y voyez pas de l'avarice, simplement un sens de la charité bien ordonnée. Non mais ça semblait faire plaisir à Maya, surtout, rien ne sert d'insister. Tant mieux quand même. Et puis, elle avait la présence d'esprit de lui rendre sa paire de lunettes, au moins les premières impressions seraient sauvées.

"Pour évaluer la luminosité, je pourrais servir de comparaison, au moins."

Non, mais ça fait jamais de mal un peu d'humour et d'autodérision. Reste que si sa compère se montrait très excitée et anxieuse à la fois, la grecque demeurait bien plus stoïque et imperturbable. Elle était plus extérieure au projet naturellement.

Hélas, un fardeau ne saurait qu'être porté, et la pauvre petite lui demandait à enfin se débarasser de l'encombrante mallette. Bon, il fallait quand même comprendre que la moitié du gagne-pain d'Olympe s'y cachait -bien que dans une organisation spatiale parfaitement incompréhensible-, elle ne pouvait certainement pas se permettre de la perdre de vue.

"Je peux la reprendre si tu veux, je pète la forme maintenant."

C'était un peu mentir, mais pour le bien de son amie. Forcé de constater qu'en faire un sac à dos serait pertinent, mais la pauvre n'en avait jamais eu l'idée. Dommage, pensez à la lui souffler si vous la croisez.

"Bon, j'aurais l'air vraiment étrange avec, mais c'est mieux que de la perdre. Et puis rien ne m'interdit de porter des trucs lors des visites, si?"

Heureusement, d'ailleurs.

L’humour d’Ollie fit sourire sa compère, et allégeait peut-être un peu le poids du stress sur ses épaules de vachette.

Maya hocha la tête et, parce qu’Olympe lui assurait être en pleine forme et préférait ne pas abandonner sa malette, elle la lui tendit en masquant son soulagement - mais tout de même un peu inquiète de voir son amie à tentacules devoir gérer la lourde malette. Maya s’était toujours dit que ce ne devait pas être pratique, les tentacules, pour se déplacer. A raison, d’ailleurs, puisque son amie avait régulièrement des béquilles pour faciliter la chose. D’ailleurs, s’interrogea la chimère vachette, est-ce que ça ne sera pas trop difficile pour Olympe d’enchaîner les visites sans ses béquilles ? Ça fait beaucoup de marche, d’un lieu à un autre. Mais Maya se dit que, si elle n’avait pas pris ses béquilles pour s’encombrer d’une malette, c’était certainement qu’elle s’en sentait capable. Ou qu’elle était trop gentille et se donnait du mal pour aider Maya - ce qui lui vaudrait moult pâtisseries en remerciement, assurément.

Elles arrivèrent bientôt devant le lieu de rendez-vous avec l’agent immobilier pour la première visite ; Une femme habillée d’un tailleur attendait devant une porte ouverte à côté d’une grande vitrine donnant sur la rue. Avec un sourire chaleureux, Maya s’approcha pour saluer l’agent, se présenter et présenter rapidement son amie ; Après l’échange des formalités d’usage et quelques paroles anodines, l’agent entra dans le vif du sujet et fit entrer les deux demoiselles.

Un moment d’adaptation fut nécessaire à Maya pour s’habituer à l’intérieur sombre et chasser les tâches de lumière devant ses yeux ; L’intérieur était assurément moins lumineux que l’extérieur et ne semblait pas particulièrement bénéficier de l’éclairage naturel de la lumière du soleil à l’extérieur. La pièce principale, un peu étriquée, devrait être rafraîchie avant tout. A première vue, le lieu n’emballait pas Maya, mais la jeune chimère garda son ressenti pour elle, n’osant pas dire à haute voix qu’un simple regard lui donnait envie de rebrousser chemin. Elle fit quelques pas hésitants à l'intérieur, puis s'approcha des murs, du comptoir, ouvrant les portes et regardant les détails, énumérant à haute voix les quelques atouts du lieu et les inconvénients qui lui sautaient aux yeux : la luminosité, la forme de la pièce qui n’était ni carrée, ni pratique, les murs défraîchis… Mais un bon emplacement, une grande cuisine avec de multiples prises…

— T’en penses quoi, toi ? Demanda-t-elle en se tournant vers Olympe, fronçant les sourcils en quêtant son avis d’experte, tandis que l’agente immobilier rappelait les atouts du bien et le loyer.

Olympe laissait Maya faire les présentations, et volontiers, parce qu'avec sa dégaine de mécanicienne cambouisée, elle faisait peut-être mauvaise impression. Enfin, elle ne devait pas être le profil le plus atypique à visiter des locaux, dans le monde des morts. Non, en fait elle devait se tenir dans la moyenne, sûrement.

Puis finalement, il était tout à fait bien venu qu'elle reste plutôt en retrait, parce que son premier réflexe aurait été de couper l'agente immobilier pour lui mettre devant les yeux les innombrables défauts de la bâtisse dès l'entrée. Il fallait comprendre que retaper ce genre de détails faisait partie de ses occupations, alors les voir du premier coup d'oeil aussi.

Et puis bon, le temps que Maya s'adapte à l'obscurité, elle à largement eu le loisir de tout balayer de ses phares. Clairement, elle aurait préféré faire son compte rendu en privé et à l'abri des écoutes indiscrètes, mais sa copine chimère la questionne devant le visage de leur accompagnatrice. Coincée, elle se résout à rendre un diagnostic un poil dur.

"Ça pourrait vraiment devenir un endroit charmant, avec les travaux appropriés, je suis sûre." Toujours commencer par des compliments pour amener la critique. En fait, la grecque parlait presque comme si elle avait peur de blesser la pauvre employée de l'agence immobilière en insultant sa propre maison. Reste qu'il fallait dire tôt ou tard la vérité. "Mais rien n'a été rénové ou au moins refait depuis la construction du lieu, et il ne date pas d'hier. Il suffirait de renverser un peu d'eau trop près d'une prise pour que tout flambe en une minute. Bon, sans parler de l'isolation, on risque de mourir de chaud en été, je crois. Et puis, l'angle du mur n'est pas parfaitement droit..."

Bon, allez savoir d'où elle le sortait, ça, mais elle était formelle. Et pas besoin d'équerre ni rien, l'instinct suffisait. Comme piégée par la dureté de la réalité, elle ressentait un besoin de viscéral de se défendre de toute malice en relevant un autre point positif. Comme pour se dédouaner de n'être qu'une ronchonne qui trouve toujours tout à redire.

"Enfin, auprès d'un passionné de bâtisses d'avant-guerre, ça aurait une valeur sentimentale immense, hein."

Non mais même ses compliments avait des relents d'insulte, donc quelque part, c'est qu'il n'y avait rien à sauver. Au moins, elle se sentait un courage passager, et épargnait à Maya le devoir de faire tomber les mauvaises nouvelles, ayant mis elle-même les pieds dans le plat.

"Je crois que ce n'est pas vraiment ce que recherche mon amie..."

Elle avait presque honte de le dire, allez savoir pourquoi.