Ça rentre par une oreille et ça ressort par l'autre. En l'occurrence, l'expression n'a jamais été aussi véridique car toute phrase communiquée par l'agacé à son interlocuteur n'a aucune pertinence pour ce dernier qui se contente de même pas la prémâchée mais chiffonner ces mots envoyés aux oubliettes. Quand bien même ça peut avoir de la pertinence, Brendan, aussi têtu soit-il, n'en retient rien puisque si égocentrique, il pense que seul lui détient la vérité universelle ou que du moins, il peut l'imposer.
Le roi pouvait bien être souffrant que Brendan s'en ficherait. Actuellement, seul son intérêt compte puisque son ami l'a, maladroitement, réveillé pour lui, en croyant pourtant bien faire par des attentions particulières. À croire que vouloir trop lui en donner et le bercer dans le sens du poil ne va pas puisque ça lui hérisse, justement.

Électrisé par l'adrénaline qui s'empare désormais de lui, la bête grommelle un soupçon vis-à-vis du sermon que lui inflige Urie pour le retenir. Encore moins que la délicatesse, le commandement est loin d'être un pouvoir autoritaire sur l'insolent qui finit par ne plus se plier aux demandes de son tuteur, à priori. Dans cette optique autocentrée, le jeune homme se contente de braver la porte en actionnant le bouton de porte fait lui aussi de sucre ; rien de plus immonde.

Il sait qu'Urie va le suivre. Il l'entend même. Et même si ce dernier n'a pas avoué de vive voix qu'il considérait son acolyte comme un animal de compagnie, la pensée s'est montrée très forte. Or, si des plaintes menaçantes continuent de le suivre, c'est bien que les rôles sont aussi interchangeables. Alors comme ça, ils sont inséparables. Sans qu'Urie ne puisse vraiment le remarquer puisqu'il n'a de vue qu'au dos fuyant dans les couloirs du fauve épais, cette dernière sourit à cette pensée. S'il s'inquiète, c'est bien qu'il est réellement quelqu'un qui lui est fidèle.
Ceci dit, il s'agit là d'une rêverie candide qui finit par lui coûter cher. Effectivement la vie comme la mort ne se plient pas à Brendan comme il l'entendrait et ne veulent lui rendre service. La meilleure chose, c'est peut-être de le ridiculiser devant la seule personne qui lui voue, malgré les chamailleries et les taquineries quotidiennes, un certain respect. En un instant, ça s'effondre.

— Mais c'est quoi cette Agence de merde ? Depuis quand on autorise des gens en roller ?

Immanquablement, alors qu'il s'est mis à songer à sa relation plus que coopérative avec le japonais, la grosse masse s'est vu percuté par un grand adolescent défiant d'ailleurs sa hauteur de plein fouet. Certes, son poids devrait lui permettre de ne pas chuter et rester stable mais par un concours d'énergie, la cinétique l'emporte pour que finalement, celle de pesanteur s'écroule et que l'homme finisse sur ses fessiers, pestant après son avenir rempli d'infortunes. C'est d'ailleurs quelqu'un qu'il compte rajouter à son tableau de chasse ou plutôt de meurtre mais la célérité du jeune homme en fuite l'a empêché de vraiment se faire une idée du portrait de ce dernier hormis un point blond au loin.
En attendant, il est davantage occuper à marmonner sa douleur postérieure et tenter de se redresser. Pendant ce laps de temps, il est évident qu'Urie a eu le temps de le rattraper. Spontanément, le garçon se met à rire en voyant l'autre lui courir après encore et toujours mais se sent rassuré, au final, de pouvoir être épaulée. Encore assez loin, il se permet de lui hurler après pour se faire entendre.

— Encore à la tra-

Il aurait bien voulu continuer sa phrase mais quelque chose cloche au point où il hausse un sourcil d'incompréhension. Il ne comprend pas pourquoi sa voix sonne si différemment. Elle est toujours plus ou moins rauque et très puissante mais c'est comme si l'instrument et son timbre propre ont été remplacés par d'autres. Comme pour ne pas jouer faux, il plaque ses deux paumes sur sa bouche et attend qu'Urie parvienne jusqu'à lui pour voir s'il détecte lui aussi ce changement ou si le vampire se fait juste des illusions. Pour ce faire, il se redresse avec une paume plaquée sur le sol un peu trop lumineux des couloirs (peut-être d'ailleurs trop glissant car trop bien nettoyé ce qui expliquerait l'incident furtif) mais au même moment, la tête abaissée vers son jogging, ce dernier s'abaisse subitement. Pas le temps pour jurer, le garçon fait l'étonnante découverte de jambes plus affûtées mais surtout moins velues comme si elles ont été épilées.
Quelques secondes après, son caleçon menace de tomber mais, sans comprendre, il cache une pudeur que pourtant, il n'est pas si gêné de dévoiler même devant son meilleur ami. Après tout, ils ne sont qu'entre garçons dans des couloirs aussi vides.

« Entre garçons ». C'est une expression qu'il peut vite remballer lorsqu'il peut voir son reflet inhabituel reflété par le sol lustré du couloir. Ce n'est pas lui qu'il voit mais une femme lui ressemblant très fortement. Ses traits sont moins carrées mais pas pour autant fins puisqu'un carré plongeant noir les accentuent. Toutes ces preuves à l'appui, le machiste ne peut plus le nier : Il est devenu une femme ! C'est sans doute la plus grosse farce qu'on peut lui faire !

Franchement, dégoter une explication pour la localisation peu sage et encore moins prudente d'un flacon de ce type à l'arrière de son pantalon. Surtout qu'il n'est pas un grand adepte de potions, c'est assez inouï qu'elle se retrouve là. Bien qu'il en ait dans l'armoire, ça peut toujours servir. Celle-ci y était mais il ne l'a jamais pris. Lui, en tout cas. Lorsqu'il y pense peut-être plus fortement, Brendan croit se souvenir qu'un de ses colocataires lui a tourné autour tout à l'heure et vraiment sans raison. le tube à essai étant assez fin, il n'a pas dû être reconnu sensoriellement parlant par le garçon qui s'est entêté à chasser l'enquiquineur par des fausses baffes lancés dans les airs. Bien qu'il les décoche, ça n'aurait pas été pour si peu. Néanmoins, les conséquences d'une telle taquinerie reviennent à lui faire regretter de ne pas avoir cogner la cible. Et très sincèrement, il ne préfère vraiment pas répondre à la question qui pourrait intensifier les railleries internes d'Urie à son égard.
Pour écarter ceci, la présente jeune femme se met à jeter un regard noir à son vis-à-vis, plus haut perché pour le moment et le blâmer plutôt que des fantômes qui mangeront sa vengeance bien plus tard. À croire qu'il profite de situation, désormais, puisqu'il évoque la galanterie :

— Et ça t'aurait dit de me relever ? Je te jure...

Suite à cela, il se redresse seul et par chance, l'ancien homme reste toujours plus grand en tant que femme. Le détail n'a pas été indiqué par les deux amis mais tout deux savent que ça reste un critère physique et concret qui permet d'avoir, malgré le caractère superficiel, toujours plus de pouvoir sur l'autre. Ceci explique sans doute pourquoi les lèvres plus charnues se mettent à sourire discrètement sans plus de commentaire alors qu'Urie doit fulminer sur ce point de faiblesse qui, qu'importe la situation, reste éternel.

Finalement, la situation lui déplaît mais il ne peut vraiment pas en vouloir à Urie ce pourquoi il grince seulement des dents en regardant ailleurs dans les couloirs, à la recherche de tous les acteurs qui ont pu commettre cette métamorphose à la fois ridicule et sordide. Le vampire n'a vraiment pas tort ; rester dans les locaux et être l'objet de l'attention ne le séduit pas plus que cela. Néanmoins, la jeune femme qui aurait voulu éviter de se pavaner dans ce dédale de la honte remarque que son partenaire est pour le moins embarrassé face à la métamorphose.
Bien évidemment, son intention n'est absolument pas d'handicaper Urie et il est tout aussi incommodé de son état mais à y choisir, le brun sait qu'une pointe de moquerie peut jaillir dans le discours d'Urie ce qu'il veut absolument éviter donc il vaut mieux qu'il bannisse une exclusion du monde avec son ami comme seul interlocuteur pour le temps de cette potion. C'est pourquoi l'américain décline la proposition d'un hochement de tête négatif.

— Je sortirai pas d'ici avant d'avoir tout régler. Premièrement, il me faut des vêtements. Certes, m'habiller en femme ne va pas me plaire du tout mais j'ai pas envie de finir dénudé avec ce corps...

Rejetant sa physiologie momentanément et de plus en plus lorsqu'il constate ses mains plus fines comme ses bras non pas maigres mais plus élancés, il se met à grogner discrètement puisqu'une femme ne peut se le permettre. Non, réellement, il se remet à grogner plus fortement puisqu'il ne peut pas être une femme t s'approprier un tel état.
Ne pouvant se débarrasser de cette carcasse, il se résolve tout de même à en cacher les défauts en emboîtant le pas vers l'appartement dans lequel ils se sont retrouvés à cause de la piscine à boules, les doigts prisonniers dans les sangles destinées à accueillir une ceinture qu'il ne porte jamais.

Ceci dit, Brendan revient très vite sur ses pas en faisons marche arrière et cognant Urie qui se trouvait derrière lui. Profitant de sa présence, il lui demande un service de plus de cette voix douce et jouée :

— Dis, Urie, tu voudrais pas regarder dans la poche arrière de mon pantalon après l'étiquette de la fiole. Enfin, s'il y en a une, évidemment. Parfois, y a des dates. Ça pourrait nous dire jusqu'à quand cette merde dure ?

Finalement, c'est à se demander si cette apparence n'a pas ses avantages que Brendan, selon ses préconçus, construit tout de même de lui-même. Surtout que l'ex-homme profite de l'embarras du jeune homme pour lui demander quelque chose de particulièrement incongrue. Qui irait toucher les fesses d'une femme et surtout la fouiller ?

Encore une fois, ce n'est pas qu'il n'en a pas la moindre idée mais mieux vaut éviter qu'il sache le pourquoi de cet emplacement. Le choix irritant déjà bien assez la nouvelle jeune femme, il ne faudrait pas non plus que cela irrite davantage Urie qui voudrait la retenir de se volatiliser encore pour une énième vengeance qui ne connaît vraisemblablement aucune fin. Il se contente donc de déglutir lorsqu'on lui pose la question et se remue de sorte à faire sortir la fiole de son origine.

Semblerait-il néanmoins qu'il n'y ait pas seulement une seule fiole mais deux puisque le plus petit s'estomaque d'appréhension et d'insurrection à cette découverte qu'il clame à Brendan. Tandis que son camarade coule rapidement dans l'effroi des liquides magiques, la pince que réalisent ses doigts viennent rencontrer son nez un peu moins épaté que celui plus masculin. Il remue la tête pour s'extirper de ce contexte, trouver un autre point dans l'espace pour échapper à sa position. Mais à priori, il semble coincer pour un bon moment dans ce corps peu utile à ses yeux et une opportunité pour l'ancien militaire de le taquiner davantage, en plus de l'appeler par ce prénom inexistant qu'est « Brendana ». Ces quelques minutes sont bien suffisantes. Pourquoi l'élargir pour une durée aussi longue ?
Pourquoi empirer la situation aussi ? Entre la plaisanterie narquoise émergente et le triste sort cocasse auquel il a été prédestiné, il ne peut pas tolérer grand chose. Mais devoir supporter un autre facteur qui pourtant est censé l'aider à se diriger vers un habilleur spécial dans un cas de figure aussi désespéré menace vraiment le faire sombrer au plus bas.
Au moment où la victime prononce le nom de la potion coupable, il n'en faut pas plus pour que ses mèches brunes mais toujours courtes par le carré finissent pas s'agiter et se détourner sur un visage assez désorienté. Sans discuter, Brendan attrape les épaules de son partenaire qui s'évade peu à peu :

— Qu'est ce que t'as dit ? Une potion d'amnésie ! Mais c'est quoi ce gros merdier encore ?

La force de la jeune femme si vive se transmet lorsqu'elle griffe presque les épaules de son vis-o-vis qu'elle secoue pour le ramener à la raison. Sa brutalité n'évolue pas d'un pouce et elle cherche probablement à infliger à Urie, inconsciemment, toutes les représailles qu'elle réservait jusque là pour chacun des coupables et non pas pour le seul qui l'a aidé à se maintenir jusque là.
Finalement si Urie perd la mémoire, il sera vraiment dans de beaux draps car il n'aura absolument aucun moyen de retourner rapidement à cet état normal ou même d'entretenir cet état qu'il juge comme foncièrement problématique. Qu'en est-il donc de ce tailleur de l'appartement Kiss ? Il aurait très bien pu s'y rendre avec l'amnésique en main mais puisqu'il ne connaît pas le chemin et l'autre homme n'arriverait sans doute plus à le rediriger, l'affaire s'avère être un véritable échec.

Ceci dit, ne baissant que très peu les bras, la vampire essaye de remonter ses hanches mais oublie que ses bras sont dénudées par le débardeur qu'elle porte. En tout cas, même face à cette honte, elle ne compte pas se laisser aller. Plutôt optimiste, Brendan compte bien voir plus loin que la défaite et est toujours obstiné à gagner. Après tout, les joueurs du club de puzzle ne vont pas le reconnaître mais le mieux à faire et peut-être de s'occuper de ce maudit roi. Sa force n'étant pas optimale, il vaut mieux que l'américaine s'occupe d'un cas individuel et personnel pour pouvoir masquer sa réelle identité. On ne comprendrait sans doute pas qu'une inconnue ait voulu en apprendre plus sur Bara Yamazaki, une femme qui n'a rien à voir avec elle.

Avant de s'atteler à cela, Brendan a peut-être le temps de se changer, comme il l'avait prévu, à l'appartement Michalak. Sans discuter et expliquer le topo au pauvre Urie qui ne fait que subir,e t cette fois-ci, profondément, les caprices de son ami, sa main agrippe fermement son bras pour l'attraper et l'entraîner vers l'appartement. Or, avant qu'il ne puisse atteindre la porte, une personne qui lui est étrangère s'interroge devant une porte encore ouverte. À croire que même s'il s'agissait de son ancien appartement, le japonais a gardé une nonchalance au point de plus fermer la porte d'entrée. Voyant les deux personnes approcher du logement, ce type s'étonne en posant ses yeux sur Urie.

— Oh Urie ! Tiens je ne savais pas que vous aviez une petite amie. Je faisais le tour de l'Agence et voilà que je tombe sur un appartement sans habitant mais avec la prote ouverte et maintenant sur vous. Vous pourriez peut-être m'aider ?

Le sang de la dénommée « petite amie » ne fait qu'un tour et s'attarde à ses joues maintenant vulgairement pimpantes. Des sueurs froides coulent dans le cou de Brendan alors que ses yeux s'écarquillent. Cette soirée devient de plus en plus bordélique et le plus responsable ne peut même pas gérer tous les problèmes maintenant.
Regardant son partenaire à qui il tient toujours le bras, il espère qu'il se réveille mais c'est peut-être un peu vain. Il secoue son bras légèrement mais finit vite par le tirer et l'amener dans l'appartement. Depuis l’entrebâillement de la porte, l'inconnue suspecte passe sa main et sa tête pour s'adresser à l'obstacle qui se présente devant elle.

— Il habite ici. C'est tout. Bonne soirée.

Violemment, elle referme la porte derrière elle et souffle un bon coup pour essayer d'évacuer le stress gagnant. Son coeur bat vraiment la chamade suite à tout cela au point que ça tambourine dans son dos. Jamais il n'a ressenti une pression aussi forte.
Non, impossible. Ca ne peut pas être lui. C'est la porte ! Ce chewing-gum est en train de toquer à la porte qui est derrière son dos !