Le ciel était gris pale, les nuages se bousculant au-dessus des buildings à la recherche d'une échappatoire. Le vent glacé soufflait dans les rues bondées de monde, chacun étant bien capitonné sous plusieurs couches de vêtements pour faire face au froid. Ça sentait le goudron et la patate douce, la vendeuse de la boutique d'à-côté souriant aux clients qui repartaient de son étale, ravis. Etsu les observait en souriant, les mains calées dans les poches de ce long manteau noir qui la couvrait. Il était en retard. De quinze minutes. Pourtant, ça n'avait pas vraiment d'importance.
Saturne allait retrouver Jupiter.
Elle lui avait envoyé ce message, pas complètement par hasard. Elle avait su qu'il lui dirait qu'il viendrait, qu'il squatterait son moment au planétarium, qu'il lui demanderait la suite de son histoire, racontée sur les marche de la bibliothèque. Dire qu'Etsu avait prémédité tout cela n'était pas complètement faux. Puisqu'elle l'avait bien senti, dès lors première rencontre, qu'une chose naissait entre eux. Une chose qui n'avait pas encore de vrai nom, pas encore un vrai lien. Mais une chose à laquelle elle tenait, très fermement, sans totalement sans rendre. La japonaise ne voulait pas trop se poser de questions pour l'instant. Et puis, ça ne servait pas vraiment à grand chose, Susanoo ne répondait jamais vraiment à ses questions.
Un petit sourire naquit sur ses lèvres alors qu'une petite bourrasque souffla dans ses longues mèches brunes, les sortant presque de sa lourde écharpe noire. Susanoo était un peu... étrange ? Ou mystérieux ? La jeune femme ne savait pas vraiment comment le définir. Par moment, il était malicieux, taquin au possible et beau-parleur, comme ces garçons dans les séries pour adolescentes qui au lycée, étaient entourés de groupies. Puis par moment, il était plus calme, plus doux, plus... accessible. Comme si le vrai Susanoo se montrait à elle, sans farce ni attrape, sans masque ni défense. Il lui souriait et sans comprendre, Etsu était aux anges. Comme quand l'enfant qui se cachait dans le cœur du jeune homme se montrait parfois. Espiègle et attentif, aux yeux brillants et curieux. Un nouveau sourire apparut, la nécromancienne ne regardant même pas son portable pour vérifier l'heure. Elle savait qu'il allait venir, qu'il viendrait au rendez-vous.
Car c'était presque un rendez-vous.
Et d'un coup d'un seul, Jupiter arriva du fin fond de l'univers.
Ses cheveux étaient un peu ébouriffés par le vent, ses joues un peu rougies par le froid. Il avait ce sourire accroché aux lèvres, ce regard taquin, cet air indescriptible qui le caractérisait tant. Puis il lui lança cette remarque, qui la fit sourire d'un air mi-amusé mi-réprobateur, ses perles claires observant le garçon. Un pull jaune, un pantalon noire, des chaussures blanches. Etsu sourit, un peu plus amusé. Le destin faisait exprès ou quoi ?
- Tu es en retard.
Ni reproche ni colère. Juste de la candeur et de la malice. Comment pourrait-elle lui en vouloir de toute manière ? Etsu n'était pas certaine qu'elle y arrive un jour.
L'ambre rencontra le chocolat. Un instant. Un court instant. La jeune nécromancienne se tourna complètement vers le garçon, remarquant son sac en plastique dont un tissu qu'elle connaissait bien ressortait. Nouveau sourire. Il avait pensé à l'écharpe. Cela la fit presque rire, une petite voix lui murmurant qu'il n'y avait pas pensé tout seul. Elle le regarda encore, comme par habitude, comme attiré comme un aimant.
Comme si Saturne ne pouvait rien contre Jupiter.
- Mais heureusement il n'y a pas grand monde.
Il n'y avait jamais foule dans le vieux planétarium. Parfois personne. Et personne ne dérangeait personne. Il n'y aurait pas d'interruption. Pas de fuite, son portable étant éteint. Pas de pause ou de pub. Cette fois-ci, Etsu espérait bien, sans vraiment le dire, que cet épisode irait jusqu'à la fin.