L'adolescente conta son histoire, doucement, lentement, en souriant, à un enfant à l'air indifférent mais au regard empli de curiosité et d'intérêt. Dans la bulle qui s'était formée et qui se formait toujours lorsqu'ils étaient tous les deux, un air tranquille et tendre se jouait encore pendant que leurs voix résonnaient sous la grande coupole qui ne les intéressaient plus tant que ça. C'était le conte qui était le centre de l'attention à présent. En tout cas, en apparence.
Etsu l'écouta réagir à la suite de l'histoire, affichant un rictus amusé avant d'émettre un petit rire chaleureux. Susanoo restait toujours aussi mystérieux et malicieux, comme un enfant prêt à gravir un mur avec assurance ou un lycéen joueur. Fidèle à lui-même, il n'en disait pas trop mais juste assez pour que la brune le comprenne, saisisse l'ampleur de ses propos et sourit en conséquence. Même quand, d'un air plus morose, il laissa échapper cette remarque sur les rumeurs. Un simple murmure, soufflé dans la pièce et perdu dans les étoiles. Un simple murmure qui arracha un regard bien plus doux à la nécromancienne qui observa alors le jeune homme aux traits tirés par la lassitude pendant un quart de seconde. Juste un quart de seconde avant qu'il ne redevienne ce garçon malicieux et mystérieux, désireux d'en savoir toujours plus. Et la brune se demanda si un jour le châtain lui parlerait librement.
Peut-être dans dix ans. Dans trois mois. Ou deux semaines. Peut-être pas demain et encore moins dans l'heure. Etsu savait que ce n'était pas pour tout de suite le moment où le jeune homme lui parlerait sans se trop en dire, sans se poser de questions, sans se sentir frustré de ne pas répondre aux questions. Peut-être même qu'avec le temps, il répondrait même naturellement à ses interrogations et qu'alors, elle en saurait bien plus sur lui. Mais pour l'heure, elle devait juste se contenter du peu d'informations qui filtraient d'entre les lèvres fines de Susanoo. Des petites informations que l'enfant qu'était la japonaise rangeait soigneusement dans sa petite boite à trésors. Et le fait que le châtain ait un problème avec les rumeurs alla rejoindre dans la boite les autres petits de la personnalité de Susanoo.
- Tout le monde voulait savoir de qui il s'agissait. Hommes et femmes. Car la princesse ne se montrait que rarement et sortait peu de son palais. On disait qu'elle était magnifique et nombreux étaient ses prétendants. Seulement, elle les repoussait tous, ne voulant en aucun cas se marier.
La voix de la jeune reprit place dans la grande salle, comme si c'était sa place, avec un naturel déconcertant. Mélodieuse et claire, comme toujours. Le conte semblait tellement plus doux ainsi, contrairement à la première écoute de la nécromancienne quand elle était enfant. Une écoute plutôt froide, la voix de sa mère résonnant étrangement dans la chambre tandis qu'elle répondait à un rare caprice de son enfant. Un souvenir qu'Etsu gardait gravé dans sa mémoire, sans trop savoir pourquoi. Sûrement parce que la fin de l'histoire l'avait profondément marqué à cette époque. Une faible sensation de trouble passa dans le cœur de la jeune femme qui chassa bien vite cette pensée, continuait de conter cette histoire qu'elle aimait tant sans pour autant réellement comprendre le pourquoi du comment.
- Cependant, un jour, ce fut le roi en personne qui se présenta pour lui demander sa main. Elle l'avait pourtant rejeté maintes fois mais celui-ci insista fortement. À tel point que la princesse prit peur et le repoussa de toute son âme. Ce fut si violent que sa détresse se fit sentir jusque sur la lune. Après ce jour, la princesse se retrouva dans un profond désespoir, au grand damne de ses parents qui ne comprenaient pas ce qui lui prenait quand elle leur avoua qu'elle venait du peuple de la lune et qu'ils viendraient la chercher pour la ramener.
Il y avait de la langueur mélangée à la douceur des paroles de Saturne. Elle était un peu ailleurs, racontant son histoire tout en regardant devant elle de ses yeux ambrés où scintillaient un éclat étrange. Une myriade de souvenirs se bouscula dans sa tête, la rendant un peu absente quand elle tourna les yeux et tomba sur les perles chocolat de Jupiter.
Puis Saturne sourit, oublia sa peine et reprit place dans leur univers.
- Puis, le fameux soir, le vieil fit entourer la maison de centaines de soldats afin de protéger la princesse. Même le roi en envoya. Mais rien n'y fit. Le peuple de la lune arriva sur leur nuage en grand cortège et prirent avec eux la princesse après l'avoir couvert d'une robe de plumes qui efface tous ses souvenirs de la terre, sa tristesse et son amour. Elle retourna alors sur la lune, laissant derrière elle ses parents accablés par le chagrin et un roi profondément ému.
Ses doigts vinrent remonter une mèche de cheveux, un petit sourire étirant ses lèvres fines avec amusement et mélancolie. Une triste histoire pour une rencontre dans un planétarium. Mais une bonne histoire pour ceux qui souhaitent se rapprocher des autres. Après tout, c'était bien grâce à elle si ils étaient là tous les deux.
Et aussi un peu grâce à l'univers.
- Ce n'est pas le conte le plus joyeux qui soit, pas vrai ?