Sa réponse est à l’image du reste de la discussion : direct, incisive, brusque. Tu aimerais dire violente mais la réalité c’est que brute et brusque lui vont bien mieux que violente et tu saurais pas expliquer pourquoi. Elle explose encore un peu plus, laissant la colère gagner du terrain. Elle te mentionne un nom que tu connais pas, une certaine Jenny. Mais t’as pas besoin de la connaître pour comprendre à travers les mots de la catcheuse qu’elle est importante pour elle ; suffisamment pour lui passer l’envie de voir les gens heureux. Et d’une certaine manière, tu comprends -un peu. Toi aussi t’as eu cette période où voir les gens être heureux, épanouis ça te mettait mal. Ça te rendait misérable, envieux, au point d’avoir déjà souhaité le malheur de parfaits inconnus. C’était pas beau et tu détestes repenser à cette période mais t’essayes de te mettre à sa place. Sauf que tu as pas le temps d’y penser plus longtemps ou même de lui répondre qu’elle se déplace de nouveau.
Et qu’elle commence à se défouler sur des casiers.
Elle crie, elle hurle, elle insulte. Et elle
frappe inlassablement. T’as à peine le temps de réagir que ses poings sont encore plus dans un état déplorable, que sa tête frappe contre le métal du casier. Tu oses toujours pas la toucher, alors tu te tiens suffisamment près d’elle pour essayer d’interrompre quelques coups de tête dans le casier avec ta main ; c’est qu’elle a la tête dure. Tu parles doucement, lui répétant que
ça va aller. Ton intuition te fait comprendre qu’essayer de l’arrêter serait futile alors tu te contentes de rester là. L’écouter. Essayer de limiter les dégâts autant que possible ; des choses que n’importe qui proche d’elle aurait dû faire y’a longtemps déjà, plutôt que de l’abandonner. Ou pire. Puis les insultes se transforment en grognements et les cris en larmes ; une éternité semble passer dans ce vestiaire, comme s’il se retrouvait déconnecter du reste du monde. Et puis elle s’épuise, les coups se font plus lents et plus mous avant de s’arrêter complètement. Elle te regarde avec ses yeux baignés de larmes, le visage rouge.
La colère est devenue tristesse. Elle t’insulte encore, tu ne réagis pas. Elle se confie d’une manière très maladroite -mais franche. Et tu es étonné de te rendre compte d’une chose ; tu la comprends. Peut-être même un peu trop. Toi aussi t’as jamais vraiment voulu faire le deuil de Noah mais t’as pas eu le choix, ça s’est imposé malgré toi. T’avais peur de l’oublier, de passer à autre chose. Et maintenant tu te retrouves avec un demi-deuil pas fini entre les mains sans savoir quoi en faire, alors tu l’ignores et tu glisses ça sous le tapis
avec tout le reste. Tu soupires, non pas de colère ou de frustration mais plutôt de tristesse. De nostalgie. Elle balance la poubelle et ça te fait quand même légèrement sursauter d’entendre l’impacte contre le lavabo -qui réussi à tenir le coup. Heureusement qu’elle était en plastique. Elle respire, elle se calme et elle se regarde avant de reposer ses yeux sur toi.
« Non… Je peux plus continuer à vivre comme ça, je peux plus continuer à être comme ça, c’est infernal… Mec, emmène-moi aux urgences s’il te plait, j’ai besoin d’aide, j’ai trop mal.
Prends tes affaires j’t’emmène. Tu peux m’attendre dehors deux minutes ? J’fais au plus vite. »Tu la regardes sortir et tu te retrouves à nouveau seul. Tu souffles fort et tu as besoin de t’asseoir quelques secondes. Alors que tu poses ton dos contre un casier, tu balayes la pièce du regard ; tout est à refaire. Entre le sang, le casier défoncé et la poubelle qui gît au sol … C’est encore pire qu’avant ton passage. Tu appelles ton employeur et t’expliques la situation sans mentionner Sadie ; tu restes vague autant que possible. L’échange est bref mais heureusement que tu sais gérer et t’arrives à obtenir l’autorisation de revenir le lendemain pour reprendre à zéro. Gratuitement, évidemment. Une fois l’appel passé, tu soupires avant de te lever, récupérer tes affaires et sortir rapidement pour rejoindre Sadie.
Dehors, tu la vois discuter avec une petite. Tu attends près des portes, la laissant terminer avant de la rejoindre ; la voir sourire te rassure un peu. Ses mains dans les poches, tu n’arrives pas à t’empêcher de sourire légèrement.
« Elle avait l’air mim’s la petite. Bon, j’ai pas trouvé de pansements mais si tu veux … »Tu lui mets ton manteau sur le dos ; après tout c’est qu’il fait froid en ce moment. Tu te permets de lui fait une très légère tape amicale sur le bout de l’épaule avant de continuer.
« Tiens, mets tes mains dans les poches de mon manteau s’tu veux. De toute façon il est bon pour un tour au pressing … Comment tu te sens ? Prête à y aller ? Oh et … »Tu marques une pause.
« Si t’as besoin, ou envie, de papoter sur le chemin tu me dis. »Résumé
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Tantine le bro qui essaye d'écouter Sadie au mieux, de l'aider et d'éviter qu'elle se fasse trop mal
Puis il accepte de l'emmener aux urgences et il lui demande comment elle se sent