Tu sais1. Certains jours sont comme ça. Il n'y a rien que tu puisses faire. Certains jours sont tout simplement… ça : de mauvais jours. Tout le monde a des mauvais jours dans sa vie, ce n'est pas grave, ça passera. Tu sais que ça passera ; ils ne restent jamais. C'est ça qui est bien, avec le temps, c'est qu'il bouge constamment. Il est un peu comme toi, à toujours courir dans tous les sens2.
Mais aujourd'hui est différent, pas vrai ?
Tu n'arrives pas à mettre le doigt dessus. C'est frustrant. Une voix, tu l'entends à l'arrière de ton crâne ; elle est plus forte que tout le reste. C'est frustrant ; c'est tout ce que tu retiens, avec tes larmes aujourd'hui.
Koichi, tu es un puzzle. Et tu te détruit lentement. Au lieu de rassembler les pièces, tu les jettes au feu ; dans les bras d'autrui, espérant être aimé. Mais Koichi, mon trésor, comment pourraient-ils aimer quelqu'un comme toi ? Personne ne parle de toi, avec un grand sourire, quand tu n'es pas là. On ne parle pas de toi, tout simplement.3
Parce que tu es trop.
Qu'est-ce qu'on te disait quand tu ressentais beaucoup trop ? Ah, les mots sont loins, maintenant, comme ce regard où il pleut. Tant pis, ce n'était rien. Comme toi. Non, arrête, ne me fait pas dire ça. Tu ne le mérite pas. Tu ne mérite rien.4
Douloureuses révélations : tu ne fais attention à rien. Tu ne fais jamais attention de toute façon, tu fuis presque la réalité. As-tu besoin d'air ? Tu as l'impression d'étouffer. Et enfin, un choc. Un accident, un regard qui n'aurait jamais dû arriver.
Un pur hasard, et tu le rencontres. Mais la vérité, c'est qu'il t'oubliera, comme tous les autres. Il n'est pas plus important, alors fuit pendant qu'il est encore temps ; ce sera moins difficile comme ça. Tu auras moins mal.
- -- Pardon.
Tu t'excuses, d'une petite voix. Pourquoi, au fond ? Il n'avait qu'à regarder devant lui, après tout ! Ce n'est pas à toi de faire attention pour les autres ! Mais toi aussi, tu as été inattentif. Ce sera pas la dernière fois.
Tes yeux rougis, fuyant. Pas un sourire, non pas cette fois. Tu as du mal à faire semblant. Aujourd'hui est de trop. Et tu t'apprête à partir, parce que c'est tout ce que tu sais faire, n'est-ce pas ? Fuir. Tu as passé ta vie à fuir, ne fait pas ça avec ta mort non plus. Tu n'as nulle part où te cacher. Ce royaume est le dernier endroit. Profites-en pour devenir plus que ça.
Tu ne le deviendras pas, n'est-ce pas ? Statu quo de ton existence, rien a changé en neuf ans. Parfois, je suis désolé pour toi.
Alors que tu te retournes, tu l'entends : un objet qui se fracasse la gueule contre le sol. Un truc dur. Tu aimerais, parfois, le faire toi aussi. Inutile folie. Tu es immobile, surpris par ce bruit soudain. Et enfin des cris. À ta grande surprise, ce n'est pas la voix ; ce n'est pas ta voix. Tu as l'impression que tout s'est ralenti, et tu le vois enfin. Tu le regardes réellement. Il te donne l'impression d'un choc électrique. Lumière étonnante dans le noir. Oh, tu le sais, ça ne durera pas. Mais pour un instant, un instant seulement, tu as envie d'écouter.
Et tant pis si ce sont des injures, parce que ces cris, ils ne viennent pas de toi. Et tu souris.