La ptite cacahuète

La ptite cacahuète

Jin ∞ Kaori

Une semaine.
Cela fait maintenant une semaine que j’ai décidé de mettre fin à mes jours. Les cauchemars ne me quittent pas, même si la violence n’est plus mon quotidien. Je les revois m’insulter, me frapper, je les vois même rire de ma mort en me traitant de tous les noms, de lâche aussi. Jusqu’au bout j’aurais été quelqu’un d’horrible à leurs yeux, jusqu’à commettre la faute suprême.
Serrant mon coussin contre moi, je soupire alors que les larmes coulent encore sur mes joues. Les crises devraient se terminer non, maintenant que je n’ai plus à les affronter ? Pourtant la crainte demeure toujours. Et si les gens de ce monde découvraient qui j’étais, découvrais mon secret… Et si l’histoire se répétait ? Sauf que je ne peux pas mettre fin à mes jours ici vu que je suis mort… Ils ne doivent pas savoir…
Je me lève et commence à me préparer. Je n’ai pas besoin de travailler pour le moment et j’en profite pour me reposer. Je redécouvre les joies de sortir dans le parc, de croiser des personnes et de leur sourire timidement, simplement. Cela ne va pas plus loin et c’est tout aussi bien.
Une semaine.
Et pourtant les vieilles habitudes restent. Quand je croise mes colocataires, je les évite par peur. Si je sens leur regard sur moi, je fuis me cacher dans ma chambre. Je parle peu de ma vie passée et me présente tout simplement. Je ne parle pas de mon ancien métier, je ne parle pas de mes collègues ou de ces derniers mois d’extrême solitude. Je parle du moi d’avant, celui qui aimait encore vivre. Après tout, qui voudrait parler à quelqu’un de toujours triste.
Je me dis que ça devrait aller mieux maintenant, qu’il faut juste laisser le temps faire. Pour l’instant on est gentil avec moi, mais mes collègues aussi étaient gentils et amusants avec moi au début. Je refuse de vivre cela une nouvelle fois, je ne le supporterais pas.
Aujourd’hui, j’ai décidé de prendre mon carnet à dessin et de redécouvrir ma passion. Oui j’étais architecte et je dessinais déjà beaucoup, mais les bâtiments ne sont pas toujours fascinants à dessiner (même si j’adorais mon métier). Une fois prêt, je mets ma veste claire et sort. Je marche sans vraiment savoir ce que je cherche, j’ai encore tellement à découvrir ici. Je regarde autour de moi. Le parc ? Non, je le faisais de mon vivant et je veux m’en détacher pour le moment. Les rues ? Pas très intéressant les gens sont trop pressés pour rester plus de cinq minutes dans mon champ de vision.
Je tourne la tête et remarque le chapiteau. Vert ! Que c’est original !
Un cirque !
Je marche d’un pas décidé jusqu’à ma destination . Les représentations ne sont pas pour tout de suite et cela me rassure. Je veux juste du calme pour dessiner. On me dit même au niveau de l’entrée qu’il n’y a pas de soucis tant que je n’embête personne. C’est presque en sautillant que je vais m’installer sous le chapiteau alors que les personnes s’entrainent. Je me mets au fond, je me fais tout petit et commence à dessiner. L’éléphant qui porte un chapeau amusant, le clown qui jongle avec maladresse (du moins veut-il le faire croire), l’acrobate qui s’élance avec élégance dans le vide, la danseuse qui semble bouger avec le vent. C’est gracieux, drôle, paisible.
Je me mordille la lèvre inférieure alors que je dessine. Reflexe lorsque je suis concentré.
Je commence une feuille, deux, trois… Je ne m’arrête pas vraiment et je regarde en même temps le spectacle. Je me sens même sourire, un vrai sourire ! Depuis combien de temps cela ne m’était pas arrivé ? Certainement depuis ma première agression…
On pourrait croire que je regrette de m’être suicidé, il paraît que certaines personnes le sont, mais ce n’est pas mon cas. Pour l’instant j’ai tout simplement l’impression de revivre, les couleurs semblent plus éclatantes, les gens plus gentils et je peux tout simplement commencer une nouvelle vie.
Alors que je suis concentré à dessiner, je ne remarque pas la personne que les gens sont tournés vers moi, encore moins que les répétitions ont été stoppé pendant qu’une personne semble voler dans ma direction en exécutant une multitude de mouvements improbables.
Je sursaute presque, faisant tomber mes feuilles de dessins… Zut !
- Je… pardon je… je voulais pas déranger !..
- Hellooooooooooo ! T'es qui ? Tu crois faire quoi, là ? Et aussi… Elle te plaît ma nouvelle manucure ?
Je cligne des yeux rapidement, me demandant s’il ne se moque pas de moi. Il ou elle d’ailleurs, je saurais pas trop dire tellement cette personne est excentrique, tout le contraire de moi.
- Elle est… jolie…
C’est bien ça qu’il faut dire non ?
- Je… Je suis juste venu dessiner et j’ai trouvé ça intéressant de représenter le mouvement et l’excentricité du cirque… Enfin si je dérange je peux m’en aller, on m’a dit que je pouvais venir mais peut-être que non…
Je parle beaucoup trop mais c’est la nervosité. Cette personne me met un peu mal à l’aise tout en étant pas désagréable… Etrange comme sensation. Je ramasse maladroitement les dessins qui sont tombés un peu autour de nous.
Je me redresse presque vivement pour fuir le plus rapidement possible… Bon sang, ils me regardent tous, leurs sourires en coin et je sens tout mon corps frémir, des sueurs froides m’envahir. Ils ne sont pas mes collègues de boulot, je le sais mais j’ai encore du mal à réaliser que je ne les reverrais plus, ou alors le plus tard possible (par pitié).
- Pardonnez-moi… Je dois y aller, et j’adore vos chaussures, voilà !
Le vert citron était si peu répandu et pourtant si pétillant. Je ne mentais pas, il était l’originalité que je n’avais jamais eue, les couleurs qui avaient terni. Il était plein de vie et j’espère un jour retrouver ce bonheur, sans l’excentricité de Mon…made… De la personne à côté de moi !

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Jin  ∞ Kaori

Comment j’ai fait pour me retrouver dans cette pagaille.
Je suis en train de rassembler mes dessins voulant fuir au plus vite. Cette nouvelle vie, je ne m’y suis pas encore faite et j’ai toujours l’impression qu’on pourrait me démasquer.  Non, je n’assume pas vraiment qui je suis car personne n’a jamais fait en sorte que j’assume… Vous voyez ?
Si seulement j’avais rencontré une personne, une seule personne qui aurait été là pour moi, qui m’aurait soutenu je n’aurais peut-être pas mis fin à mes jours, car j’aurais eu cette personne pour m’accrocher à la vie. Je pense à mes parents aussi, oui ils étaient là mais comment auraient-ils réagi s’ils avaient appris que… Que les filles ne me font aucun effet car j’aime les… les ho… RHA JE PEUX PAS !
Alors que je tente de fuir, la personne me retient et je ne sais pas vraiment quoi faire. Il a bien vu que j’étais timide, et il faut dire que ce n’est pas vraiment difficile à voir, mais est-ce grave de dire que ça m’agace qu’il l’ait remarqué et qu’il s’en amuse surtout. Qui peut adorer les personnes timides, ça n’a aucun intérêt, nous restons dans l’ombre des personnes brillantes et extravagantes… Non ?
- ? Viens on devient potes, et si tu veux jte montrerai des numéros et tu pourras me dessiner, bien sûr .
Je cligne des yeux plus rapidement. Pourquoi il veut devenir pote avec moi… On se connait à peine et puis… Et s’il savait… Mais ca fait longtemps que j’ai pas eu de potes moi, une personne à qui me confier plus ou moins… Et puis je suis dans le monde des morts, je peux me créer une nouvelle vie. Je repars de zéro, c’est plutôt une bonne chose non ? Et en plus il veut bien que je continue de dessiner… Je peux au moins essayer !
Je remarque son regard vers les autres qui reprennent leur entrainement comme si de rien était. Un petit sourire rassuré se dessine sur mes lèvres. Ouf, même si je suis un inconnu, ils ne font plus trop attention à moi.
- Bon, alors, pour commencer on va aller en coulisse, tu veux boire un truc ? Roh, bien sûûûûr que tu veux boire un truc ! Viens !
Je n’ai pas le temps de répliquer quoi que ce soit qu’il me prend la main et me traine littéralement en coulisses. Je n’en aurais jamais demandé autant. Pourtant me voilà bel et bien au centre de la magie, et cette fois c’est un sourire franc qui se dessine sur mon visage. C’est tellement beau et mystérieux à la fois.
- Ton prénom ? Waw comment c'est joli ohlàlà ! Non en vrai c'est moche, mais t'inquiète c'était obligé, par rapport à mon prénom, que tu te sentes inférieur. Moi c'est Jin, mais tu peux m'appeler Spade. J'aime bien les petits pois au wasabi.
Je le regarde un instant avant de rire franchement, en écho avec son propre rire. Il rentre si bien dans son personnage de cirque, c’est tellement amusant !  Depuis quand je n’ai pas ris comme ça moi ? Aussi spontanément ? J’ai l’impression que cela fait une éternité.
- Je m’appelle Kaori. Pourquoi vous appelle-t-on Spade si je peux demander ? Et il se trouve que j’aime bien aussi. Je pourrais en préparer pour la prochaine fois que je viendrais dessiner si vous voulez.
J’ai envie qu’il m’apprécie je crois. Cela fait si longtemps qu’on ne m’a pas pris pour une bonne personne et qu’on me juge sans réellement me connaître. Mais je pense qu’il peut comprendre cela. Une personne aussi excentrique doit avoir l’habitude des regards posés sur lui, des insultes peut-être aussi pour être si différent. Peut-être que lui saura comprendre ce que je traverse, même si dans le fond je ne lui souhaite pas vraiment.
- Il se trouve que j’ai soif effectivement, c’est gentil en tout cas de ne pas me mettre dehors… Je ne voulais vraiment pas déranger vos entrainements , je lui avoue, sincère.
J’espère qu’il ne m’en voudra vraiment pas, je serais vraiment gêné si c’était le cas. Moi qui voulais me faire le plus discret possible, il faut croire que je suis vraiment pas doué pour cela.

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Jin ∞ Kaori

Plus on avançait, moins je semble comprendre cet homme. Il ne semble pas vraiment avoir de logique, du moins une logique logique vous voyez ? Il semble avoir sa propre logique qui fait qu’il semble toujours amusé de tout, qu’il semble se moquer de tout et qu’il semble surtout heureux.
Alors je décide de rentrer dans son jeu. Je n’ai jamais vraiment été à ce point spontané mais je commence un nouveau départ non ? Il pourra peut-être m’aider.
Je vois bien que ma proposition de cuisiner semble l’intéresser. J’ai toujours aimé cuisiner, plus pour les autres que pour moi-même. Dernièrement je mangeais très peu et ne cuisinais plus. Ca peut-être plutôt bien de m’y remettre, même pour mes colocataires !
- Oh, on met rarement les gens dehors de par chez nous. Sauf quand ils sautent trop loin au trapèze, donc en général ça n'arrive pas, mais... Tu aurais voulu que l'on te mette dehors ? Si tu veux je peux t'envoyer valser dans les airs, après avoir bu un coup ? Tu sais quoi, on en reparle plus tard, tu es étrange un peu, je sais pas si on te l'a déjà dit. T'es pas très gai comme gars. T'as quel âge ? Et tu bosses où ? Si tu aimes te jeter, je peux t'embaucher comme acrobate ? Enfin, je sais pas si tu ferais l'affaire...
Je me sens pâlir au fur et à mesure de ces mots. J’essaye de me montrer prudent mais je ne voulais pas qu’ici on voit spécialement ma tristesse. Faut croire que j’ai encore du travail à faire de ce côté-là. Non je ne suis pas très gai comme gars. Même mort j’ai l’impression de devoir jouer un rôle, de ne pas vraiment être moi-même alors que je pourrais… Enfin pas totalement, je ne suis pas encore prêt à subir le regard des autres. Je baisse la tête… Me jeter, ca je sais faire oui. Enfin je l’ai fait une fois et cela a été fini. Je suis presque soulagé qu’il abandonne l’idée rapidement, je n’ai pas tellement envie de devenir acrobate. Enfin, c’est ce que je crois alors qu’il est en train de lever mes bras pour regarder ma force je suppose. Peine perdue, j’ai perdu tellement de poids ces derniers mois qu’on dirait un… Mort.
- T'as pas trop de style mais ça peut le faire, c'est à toi de voir. Bref.
Ah non, il abandonne pas vraiment.. Je soupire.
- C’est très gentil mais… Non ça ne m’intéresse pas vraiment.
Nous arrivons dans une sorte de salle de pause. Il y a des casiers, une table. Même si cela semble minime, il n’empêche que ça reste chaleureux à mes yeux. Je prends la canette que me donne Jin et je le remercie avant de l’ouvrir.
Je détourne le regard, comme s’il pouvait lire dedans… N’importe quoi. Pourquoi je suis aussi timide, parce que j’ai peur qu’on me brise à nouveau.
- Bon. Mon gars, j'imagine bien que t'aimes pas en parler mais... Pourquoi t'es aussi timide ? Tsais jvais pas te manger hein ! T'as été traumatisé pendant ta vie ou quoi ? ...
Oui, j’ai été traumatisé, maltraité, souillé…
- Oh. OOOOH !!! Comment t'es mort ?
Je redresse la tête et souris un peu. Ce qui est bien avec lui, c’est qu’il pense tellement vite qu’il passe d’un truc à un autre, et que je n’ai pas vraiment besoin de répondre à toutes ses questions. Comment je suis mort, je n’ai pas vraiment envie de lui raconter… Il est tellement extravagant qu’il pourrait le croire…
- J’ai été mangé par des piranhas lors d’un voyage en Amérique du Sud.
C’est plutôt sympa comme mort non ? Pas super agréable mais c’est comme si j’avais voyagé alors que je n’ai jamais quitté le Japon. Je prends une gorgée de ma boisson et je n’ose pas lui demander comment il est mort. En vérité c’est super personnel non, on doit pas demander ce genre de chose !
- Ça fait longtemps que vous travaillez au cirque ? Ça doit vraiment être passionnant en tout cas, j’avoue avec un réel intérêt.
Je ne suis pas de cet univers mais j’ai toujours aimé ce genre de spectacle. Ça a toujours eu le don d’éveiller ma créativité, chose qu’il me manquait cruellement ces derniers temps mais qui semble enfin revenir.

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Jin  ∞ Kaori

La panique.
C’est ce que je ressens alors que je vois Jin s’agiter autour de moi.
On parlait de piranhas, il était presque mignon en me mettant en garde et me prévenant que ça mordait. Oui, on me l’avait dit et je ne suis pas mort comme ça de toute façon, mais ça, il n’a pas besoin de le savoir. Il m’explique qu’il est dans le cirque depuis le début de sa mort (Dieu sait quand cela remonte), et qu’il en est devenu le maître. C’est si drôle comme tournure de phrase, mais si rafraichissant à la fois.
Mais voilà que soudainement j’ai froid, ma peau se glace, ma colonne se fige, mes doigts tremblent.
Je connais la personne depuis peu mais j’ai bien vu qu’il était une personne allant à fond. Il passe d’un sujet à un autre en un clin d’œil, d’une envie à une autre aussi bien qu’une femme enceinte (pour ce que j’en sais).
Parce qu’il est évidemment acrobate, et que la seule fois où je m’y suis essayé c’était pour que ce soit l’unique fois.
Voir ce que je vaux la haut ?
Je n’ai jamais eu le vertige, cependant la dernière fois que j’ai contemplé un paysage de haut me rappelle ce qui m’a amené ici. Si j’ai été aussi haut et ce qui a fait que je suis tombé aussi bas c’est ma dépression, c’est ma tristesse, c’est ma solitude et ma peur, mon dégoût, mon angoisse, mes frayeurs, ma panique, mes craintes, ma détresse, mon manque d’envie, l’envie de vivre…
- Tu vas voir, ça fait un peu peur au début, mais on s'habitue. Et la vue de là haut ! Ma-gni-fi-que !
Il me tend un baudrier que je prends par réflexe, mais je ne l’écoute déjà plus alors qu’il l’enfile comme si de rien n’était. Je ne le vois plus et je suis de retour dans le monde des vivants, de retour parmi mes hantises, de retour parmi mes troubles, mes terreurs…


- Je peux t'appeler Kao, Kao ? Allez viens Kao, on va s'amuser ! Enfile-le ! Hop hop hop !
Sa voix est comme floue, et je ne comprends pas tous les mots, mais je sais que je ne veux pas le faire.
- Non, je murmure si bas qu’il ne doit même pas m’avoir entendu. NON, je dis plus fort en jetant le baudrier par terre, les larmes me montent aux yeux et je passe mes mains dans mes cheveux, tirant dessus alors que les souvenirs sont encore trop vifs.
Ce n'est même plus à Jin que je parle, mais à mes propres fantômes.
- Je ne veux pas… Je ne peux pas… Je peux pas, arrêtez...
Je me sens soudainement si mal. Je remarque un seau vide et me jette dessus alors que je commence à vomir. Mon Dieu, je vais me faire virer de cet endroit à coup de pied au cul et Jin ne voudra plus jamais me revoir. Lui qui riait et semblait si content, il ne peut pas savoir ce que sa profession ouvre en moi…
Je me sens un peu tremblant,  les larmes coulant sur mes joues. Je ne veux pas me montrer comme ça devant les gens, qu’est-ce qu’il doit penser de moi bon sang… Il doit me trouver ridicule, idiot, et en plus je viens de vomir dans son seau. J’ai encore beaucoup de chemin à faire dans ce monde, avant de pouvoir prétendre dire que ce que j’ai vécu m’a rendu plus fort…

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Jin  ∞ Kaori

Je reste accroché au sceau comme s'il était devenu l'une des choses les plus importantes de ma vie. Il faut dire que j'ai quand même la honte d'avoir fait ça... Je vais devoir lui acheter un sceau tout neuf afin de me faire pardonner. L'odeur d'ailleurs n'est pas du tout agréable et même si je devrais être pâle au vu de ma crise, je pense que je suis surtout rouge de honte.
Mais il ne semble pas vraiment m'en vouloir et je le regarde avec de grands yeux alors qu'il est en train de me parler. Je ne suis pas certain de tout comprendre, mais il me parle du râteau que je viens de mettre au baudrier... Un râteau ? Les gens peuvent vraiment faire ça avec des objets ? J'en suis pas vraiment sûr, mais Jin lui en semble certain. Mais il ne parle pas seulement de ça, comme depuis notre rencontre (il y a donc vingt minutes), il passe d'une conversation à une autre sans qu'on puisse vraiment le suivre.
Il aime la liberté, je pense comprendre cela, je l'admire même parce que je sais qu'il a le courage de le faire contrairement à moi. Avec le cirque, on s'en bien que les regards il s'en moque et qu'au contraire, il joue de son extravagance. J'ai toujours adoré ce genre de personne, qui vive pleinement tandis que je me suis enfermé dans une spirale terrible à la fin de ma vie. J'étais avant assez joyeux et je ne vais pas vous dire comment, mais j'ai gagné un concours de la meilleure Marylin...
Il me rappelle un peu mon adolescence, naïf mais en même temps pleinement conscient du monde qui nous entoure. Il me rappelle ce moment où j'étais heureux et où tout semblait si facile. C'est peut-être pour ça que je n'ai pas vraiment envie de partir (enfin si, maintenant je veux partir vu ma crise de nerf... La honte).
- Ah que je suis content de t’avoir rencontré jcrois qu’on se comprend vraiment super bien. 
Je cligne rapidement des yeux. Depuis quand on ne m'a pas dit une si jolie chose. Les yeux encore humides, les larmes qui coulent encore sur mes joues, voilà que je me mets à sourire bêtement en le fixant.
- C’est drôlement joli quand tu pleures, tu devrais te dessiner comme ça tu es très euh… très esthétique !
Je ne le quitte pas des yeux, comme hypnotisé par ce qu'il dit. Je sens qu'il ne veut pas me dire quelque chose de blessant. C'est étrange ce qu'il est en train de dire et en même temps je sens clairement que c'est un compliment. Il s'approche de moi et commence à essuyer mon visage et je ferme les yeux me laissant totalement faire. C'est plutôt agréable de se faire chouchouter... Il finit même par me prendre dans ses bras et me chantonne une petite chanson. Elle reste dans la tête, je pourrais l'engueuler pour ça mais impossible. Je me permets même de fermer les yeux, me laissant aller contre Jin. Cela fut clairement trop court...
Depuis combien de temps on ne m'avait pas chouchouté ainsi lorsque j'étais en larmes... Ma mère me faisait souvent ça, mais elle n'a jamais su l'enfer que je vivais, je ne lui en ai jamais parlé. J'avais honte et je ne pouvais pas me confier, j'avais trop peur de perdre ma famille en plus.
Il finit par se reculer et je fais même une petite moue. J'aimerais lui dire de recommencer, ou plutôt de continuer encore, et encore... Mais je vais m'abstenir, il risque de prendre peur et je pourrais perdre le seul ami que j'ai dans le monde des morts.
- Tu sais, moi aussi j’ai vécu des histoires d’amour difficiles. Tu vois, mes parents ont jamais été hyper marrants dans le genre coincés qui n’aiment pas les paillettes. Et j’aimais un garçon, là, jsais plus son prénom.
Je cligne rapidement des yeux. Il aimait un garçon... Il aimait un garçon et il m'en parle sans aucune honte, sans aucune peur. Il n'a clairement pas peur de ma réaction et là, je suis clairement en train de l'admirer. Si je lui disais que j'aimais moi aussi les garçons, il ne me rejetterait pas lui... Mais je ne m'en sens clairement pas capable pour le moment, j'ai encore besoin de temps.
- Enfin je l’aimais, façon de parler hein, l’amour, moi, jsuis pas très pote avec lui. Donc je fais des sourires et des farces un peu plus gentilles que d’habitude et paf ! Un bisou qui tombe. Et si j’ai envie, paf ! On finit au lit. C’est comme ça que je suis mort. J’étais dans la chambre avec ce mec. Il était très beau hein, mais quel chieur alors ! Il était tout le temps à s’inquiéter ‘Mais t’es sûr ? Comment on fait ? Je sais pas si j’ai le droit… Mes parents vont en penser quoi ? C’est ma première fois avec..euh tu vois… ? ‘ Enfin bref... Moi je suis pas attiré par les objets, comme toi, mais je peux comprendre ce que tu ressens. De toute façon, c’est toujours compliqué quand les sentiments s’en mêlent, et même si ils s’en mêlent pas, c’est la galère. On est dans la merde jusqu’au cou camarade. Mais bon,  c’est pas pour ça qu’il faut y rester ! 
C'est pas pour ça qu'il faut y rester...
J'y suis resté moi, j'ai mis fin à mes jours par amour... Enfin peut-on vraiment dire par amour sachant que je n'ai jamais connu ce sentiment. Je ne suis jamais tombé amoureux, je n'ai jamais su révéler mes sentiments et c'est suite à un piège que mon coming-out a été fait. Un coming-out forcé. Même moi je me cachais mes réels sentiments mais je sais qu'ils sont vrais. Je n'ai plus envie de me cacher, mais le traumatisme reste entier...
- Tu aimais un garçon ?.. Est-ce que t'es mort à cause de ce garçon ? Est-ce que des personnes ont désapprouvé et c'est pour ça que tu es mort ?!
Après tout, il dit qu'il est mort comme ça, après avoir fini au lit avec ce garçon... Mais je n'ai pas le droit de lui poser ça... Je me sens rougir et je baisse la tête.
- Je suis désolé, c'est indiscret de ma part.
Il tend sa main et m'aide à me redresser. Je suis soulagé de savoir qu'il n'a pas l'intention de me faire voltiger aujourd'hui, mais pourquoi je sens qu'il retentera un autre jour ? Certainement parce qu'il le fera...
- Bon, aux grands maux les grands remèdes comme on dit, ça va pas me prendre le chou longtemps, et ça commence à me courir sur le haricot. Faut pas pousser mémé dans les orties non plus. Tu veux faire quoi, maintenant ?
Je passe une main nerveuse dans mes cheveux.
- En fait... J'ai besoin de trouver un boulot et... Comme tu l'as vu je suis quelqu'un de très timide qui parle peu. Je me dis que peut-être ici je pourrais me développer et... Peut-être que de venir ici plus souvent pourrait permettre de m'ouvrir... Je ne sais rien faire d'autre que dessiner... Vous avez peut-être besoin de quelqu'un pour maquiller les personnes ou... Je ne sais pas mais... J'aimerais rester, je finis par murmurer, prenant sa main dans les miennes.
Je la serre entre mes mains comme une prière. Je ne sais pas ce que je suis en train de faire, mais je sais que ne veux pas partir tout de suite, peut-être jamais...