néant total ,.
rien et puis c’est tout
il y a un silence
un temps d'arrêt
c'est
si tristeil devrait partir —
C'est tellement cruel de sa part ; à lui. Il aurait pu répondre à son message, il aurait pu donner signe de vie. Une phrase, quelques mots, pour ne pas laisser leur plan sur la comète en plan, justement. Mais rien : de Susanoo, pas un signe de vie. Et le pire est peut-être cette absence de remord, ce déni total de remise en question. Il ne lui a rien promis, il ne promet jamais rien car il ne les tient jamais, ses promesses. Des paroles en l'air, des espérances illusoires. Il ne fait que ça, quand il en fait. Pourtant, il ne peut pas le nier --
Parfois, avec Etsu, il a imaginé. Il a évoqué, supposé, presque touché du bout des doigts des éventualités qui ne lui ont jamais traversé l'esprit lorsqu'il était encore en vie.
est-ce que c'est
si difficile
de s'attacher ?
Elle lâche un rire franc ; parce que c'est tellement eux que ça en est agaçant. Evidemment, il ne demande pas si elle va bien, évidemment, il ne s'excuse pas. Rien, excepté une question -- toujours, toujours. Comme dans une pièce de théâtre, ils ont le sentiment de rejouer constamment la dernière scène de l'acte avant l'entracte. Alors, il reste son sarcasme à lui et sa douceur à elle. De l'index, elle pointe une lumière dans le ciel. Il n'a pas besoin de le suivre, il sait qu'elle l'a trouvée, cette petite planète aux couleurs orangées. Cet astre, qui n'a jamais cessé de le fasciner. Mars -- Mars et tous ses mythes, Mars et tous ses espoirs.
Un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres.
Elle sera la première.
21h40
l'étage se vide au fur et à mesure
que les minutes défilent
Elle le fixe sans le lâcher du regard, comme si au moindre mouvement, à la moindre seconde d'inattention, il allait s'enfuir -- elle n'a pas tort. Susanoo, tel le vent, est insaisissable et dansant. Il est parti comme ça, la dernière fois -- c'était dans le froid et il l'a laissée toute seule en bas. Au fond de lui, il hésite. Il se demande s'il ne devrait pas disparaître -- disparaître de sa vie, entièrement. Etsu n'attend rien mais est-ce qu'un jour, elle attendra quelque chose ? Susanoo ne peut rien lui donner, rien lui apporter. Parce qu'il est lui-même trop perdu dans cet univers trop grand.
il y a de la colère
il y a des regrets
amersRemarque mesquine, rappel taquin ; ah -- Etsu est toujours surprenante. Elle semble banale mais elle ne l'est pas, elle semble quelconque mais elle est différente. Telle une étoile trop souvent jugée inintéressante, son histoire est bien plus fascinante qu'il n'y paraît. Son histoire -- il ne connait rien d'elle. Ni sa vie, ni sa mort. Et pourtant, depuis quand se connaissent-ils ? Elle ne sait rien sur lui mais -- mais toi, Susanoo, que sais-tu d'elle ?
▬
T'as pas appris à en construire une ces derniers mois ?trop tentant
pardon
non, pas pardon
je ne m'excuse jamais
Il ajoute un sourire, son sourire particulier -- il n'a pas oublié. La recherche de la carte pour construire la fusée, les plans pour y aller. Il n'a bien évidemment rien oublié mais parce qu'il n'est pas à l'aise, il préfère fermer les yeux et ne pas y réfléchir, de pas y penser. Y penser, c'est rendre tout cela beaucoup trop réel à ses yeux. Il recule de quelques pas (il a le vertige, il ne peut définitivement pas se rapprocher de la balustrade).
▬
J'ai lu Seul sur Mars et j'ai regardé tous les reportages d'Arte.
C'est un grand pas au fond -- une confidence, une remarque comme pour dire que lui aussi a regardé de son côté, lui aussi a avancé. Mais il ne peut pas lui dire à voix haute, il ne peut que lui sous-entendre ; non, Etsu, il a encore tout en mémoire mais Susanoo n'est pas prêt, il n'y arrive pas. Il glisse ses mains dans son manteau après avoir redressé ses lunettes sur son nez pour la énième fois, note qu'elle est littéralement en train de se congeler sur place.
▬
Tu devrais rentrer, va pas contaminer Mars avec un rhume.
Sarcasme pour masquer une émotion bien particulière : s'ils restent tous les deux ici, ils vont parler et il faudra forcément aborder le sujet,
ce sujet. Et Susanoo ne veut pas, pas maintenant --
jamais si possible —