néant total ,.
rien et puis c’est tout
c'est toujours
un peu
magique
Elle rit, il rit.
Il sourit, elle sourit.
C'est un joli jeu de miroir, un délicat reflet dans l'eau.
Dix minutes.
Susanoo ne panique pas -- mais finalement, un peu quand même. Dix minutes, c'est assez pour aborder des sujets qu'il souhaite peut-être éviter à tout jamais. C'est peut-être prendre un chemin vers lequel (il le sait) rien n'est certain. Elle laisse un léger silence, comme pour réfléchir à une réponse adéquate, et il en profite pour constater d'un regard les dégâts sur son téléphone -- il s'en fiche ; ce n'est qu'un téléphone, ça n'a pas vraiment d'importance à ses yeux.
Pas comme la réponse d'Etsu.
Mentalement, il dresse une liste.
• perdre la raison
• trouver le temps long(il n'en a pas peur)
(il sait qu'Amaterasu le raisonnera)
(il sait qu'Amaterasu rend le temps timide)
Elle esquisse un rire, il suit son regard vers ce plafond gris et sans étoile ; ah -- c'était mieux la première fois. Mais la première fois, ils ne se connaissaient pas. La première fois, Susanoo n'a rien dit, ni sur son vertige, ni sur ses envies. Il est resté derrière ce masque, incapable de montrer ne serait-ce qu'un tiers de ce qu'il est réellement. Aujourd'hui, il n'y a pas d'étoiles mais c'est pas vraiment grave parce que leur attention n'est pas portée vers le ciel mais vers ce qu'ils disent.
• finir seul
• voir les gens à qui l'on tient s'en aller(son cœur rate un battement)
(ses mouvements s'arrêtent)
C'est sa peur à lui aussi -- sa peur angoissante, effrayante, à lui briser ses barrières et à le faire pleurer dans la nuit. Finir seul, sans Amaterasu ; finir sans son soleil, sans cet astre brillant vers qui tout converge à ses yeux. Mais au fond, il sait qu'il n'y a pas qu'Amaterasu. Elle est devenue lui, cette autre étoile ; ce petit astre qu'il ne remarque pas toujours parce qu'il ne voit que le grand soleil mais qui pourtant est bien présent -- Saturne. Elle le regarde, intensément.
C'est beaucoup trop fort.
C'est beaucoup trop différent.
alors, t’en vas pas trop loin, ok ? —
Sa respiration se coupe, il frissonne et de ses lèvres sèches, aucun son ne sort sur le moment --
oh merde. Voilà, c'est arrivé -- ce moment tant redouté. Tu as fui, Susanoo. Tu es parti lâchement la dernière fois et Etsu te le renvoie, de sa façon bien particulière, de ce ton si doux qui rend écœurante ton attitude à toi ; tu as fui et elle te le dit là, elle te l'avoue maintenant que sa peur, c'est de voir les gens partir. Elle le regarde, sans le quitter des yeux.
Il hésite.
Il ne sait pas quoi dire.
Et puis, sans réfléchir --
(parce que c'est la première fois)
(parce que ça le terrorise)
(cet éternel gamin)
▬
T'as déjà vu une représentation du système solaire avec Saturne et Jupiter à l'opposé, toi ?oh putain
de bordel
de merde
Il joue nerveusement avec son téléphone, finit par le ranger dans sa poche et se laisse glisser le long du mur pour s’asseoir au sol, jambes relevées vers son torse. Il reste cinq minutes -- il le sait car il vient de regarder l'heure sur son écran juste avant. Ce qu'il vient de dire, c'est -- presque irréel pour lui alors que pour d'autres, ça semblerait bien banal. Parce que ça sous-entend beaucoup -- t'as déjà vu un système solaire où on serait trop éloignés ?
Il ne sait pas.
Il ne sait pas ce qu'il pense d'Etsu.
Il sait juste qu'elle bouscule son quotidien, renverse son état d'âme.
Avec Etsu, tout est si complexe et en même temps si simple.
Il lâche un soupir, cale sa tête contre le mur et finit par poser ses iris chocolat sur la jeune femme en face de lui. Qui es-tu, Etsu ? Qu'est-ce que je dois te dire ? Est-ce que je dois avouer à voix haute ce que mon cœur ressent réellement ? Sa conscience lui hurle qui doit le faire, que s'ils n'en parlent pas maintenant, ils n'en parleront jamais.
Alors, dans un souffle, comme un murmure dans la brise, comme la mer caresse le sable, sans vague mais avec un peu d'écume --
▬
J'aurais pas du partir.j'aurais pas du partir
la dernière fois
j'aurais même du rester
avec toi
une brève histoire du temps —