Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
Elle était fatiguée autant qu'il était humainement possible d'être fatigué, ce qui la rendait d'encore plus méchante humeur que d'habitude, un rien lui faisait prendre la mouche comme pour hurler au monde entier qu'elle était fatiguée, qu'elle voulait dormir sans cauchemars pour une fois, qu'elle en avait marre de gérer parfois les clients difficiles du salon. Le seul réconfort qu'elle voyait à présent se profiler sous les yeux était le calme de l'appartement, la douceur de la solitude qu'elle fuyait pourtant bien souvent. Mais là, pour les quelques heures qui la séparaient de son retour dans son établissement, elle voulait savourer ces seuls instants où elle n'avait plus ce besoin incompressible de tout contrôler.
Mais tout ne se passait jamais comme elle le désirait, il avait fallu qu'au moment de tourner la clef dans la serrure elle entende le bruit agaçant des dents croquant dans des biscuits, elle n'avait aucun doute sur le fautif, celui à qui appartenait les quenottes qui grignotaient les sablés comme un rongeur faisait son terrier dans votre canapé. Hoshiko était son plus ancien colocataire, elle avait été témoin de sa bien trop longue mort à son avis. Elle ne savait pas par quoi commencer de sa longue liste lorsqu'on lui demandait ce qui l'énervait autant chez lui. Elle ne savait pas bien mais c'était immédiat, il lui donnait de l'urticaire. D'abord il avait commencé par se claquemurer dans l'appartement dans ses jeunes années de mort, lui bouffant peu à peu l'espace qu'elle était si peu habituée à partager, mais en plus il avait eu pile poil la réaction qu'elle ne supportait pas, cette fuite, ce qu'elle s'était poussée à ne pas faire alors que lui y cédait si facilement. Ça avait beau s'être amélioré, ça avait marqué à tout jamais la relation entre ces deux là.
Hoshiko l'horripilait, son inactivité, sa passivité par rapport aux choses, il était l'inutilité de sa vie, celui qui ne servait à rien mais était là quand même sans qu'elle ne réussisse à s'en débarrasser. Il traînait derrière lui ce qui était le plus proche de la misère aux yeux d'Andrea et elle renifla bruyamment en entrant dans l'appartement, claquant la porte bien plus fort que nécessaire. J'espère que j'ai dérangé ta lecture. Avançant avec grâce tandis que Memphis venait se coller à ses talons, content qu'elle soit rentrée, ça en faisait au moins un. Elle passa derrière le canapé dans lequel il était INUTILEMENT avachi sans lui adresser plus d'un regard en coin, reniflant bruyamment de mécontentement. Andrea avait prévu de l'ignorer royalement, vraiment, mais le bruit insupportable de son grignotage usait de plus en plus sa patience légendaire, en plus elle était sûre qu'il mettait des miettes partout, ça ne serait pas étonnant vu comme elle le trouvait négligé. Pourtant elle connaissait les qualités du japonais, elle les connaissait très bien, elle préférait juste les enterrer sous tout ce qu'elle voulait lui reprocher.
Une pique typique signée Darling, du passif-agressif sans aucune raison valable, elle déversait juste son ennui, de le voir là, de le trouver là où elle pensait pouvoir être enfin seule. Il fallait que Hoshiko soit là, il lui semblait qu'il était toujours là, toujours dans son collimateur, toujours là pour qu'elle ne puisse pas se reposer, pour qu'elle ne puisse pas laisser un seul instant son manteau au placard. Elle soupirait lourdement, se dirigeant lentement vers la cuisine, une potion déjà sortie de son sac, prête à être diluée pour qu'elle puisse conserver son physique avantageux et sa beauté légendaire. Franchement, elle avait passé une sale journée et il ne lui semblait pas que ça allait finir de sitôt, franchement elle avait la guigne.
Le problème avec eux, avec eux deux, c'était qu'ils touchaient juste, ils faisaient mouche et se blessaient toujours plus comme deux enfants qui se battent pour avoir l'avantage. Andrea et Hoshiko étaient deux enfants qui se sentaient menacés l'un par l'autre, qui se sentaient en danger, qui se sentaient trop à leur place mais qui campaient sur leurs positions. Il n'y avait pas de victoire, jamais de match gagné sans un goût amer et une atroce impression de mal être mais c'est comme s'ils ne savaient faire autrement. Ils étaient là depuis si longtemps, coincés ensemble et pourtant Andrea savait très bien que son quotidien était habité du spectre, elle ne savait pas composer sans malgré tout ce qu'elle pouvait dire, tout ce qu'elle voulait croire. Grande reine qui se dirige vers la cuisine pour vider sa fiole d'impression de vie, de semblant d'humanité dans un verre d'eau, seule chose qu'elle pouvait avaler. Cul sec sans regard en arrière, symptômes qui refluent,
soulagement passager sur fond de dispute qui se profile.
Elle attrapait son livre sans demander la permission, le coupant de son activité favorite. Regardant à peine la couverture d'un air dédaigneux, vraiment il se trouvait des passe-temps à la hauteur de ses ambitions. Nulles. Plus le temps passait et plus elle avait l'impression qu'il le faisait exprès pour la provoquer, plus elle avait envie de hurler. Elle se contentait de s'appuyer sur le dossier du canapé,
Memphis couché à ses pieds, lui lançant négligemment son livre sur l'abdomen pour lui rendre. Franchement elle se demandait pour qui il se prenait pour se permettre ce genre de remarques alors qu'il n'avait rien accompli de sa mort alors qu'elle n'osait plus compter le nombre d'années qu'il traînait sa carcasse à Brossard.
Elle était méchante, vraiment, elle voulait le faire réagir, elle le provoquait exprès, parce qu'elle ne retirait jamais une aussi grande satisfaction de quand il se mettait en colère, de ce moment où ses yeux s'allumaient et où elle avait l'impression d'avoir quelqu'un de vivant devant elle, et non plus la fraude pour laquelle il se faisait passer. Il n'y avait aucune victoire mais il y avait toujours combat, elle préférait l'affrontement à la solitude ou à l'ignorance, elle préférait le voir enrager écume aux lèvres plutôt que sombrer dans ses pauvres passions abrutissantes. Elle aimait lire pourtant Andrea, elle adorait ça, mais elle n'aimait pas le voir affalé à s’empiffrer plutôt que de se bouger. Le lion grogna à ses pieds,
elle se leva de son appui peu confortable, son corps si frêle, si faible supportant mal la position statique trop longtemps.
Il y avait bien une chose pour laquelle il lui était utile, sa capacité, son don,
de nécromancien, il pouvait éventuellement la renseigner sur ses pairs, elle pouvait tâter le terrain pour savoir s'il savait, s'il connaissait plus de mauvais nécromanciens prêts à transformer de pauvres lémures n'ayant rien demandé à personne. Andrea était passée par là, elle savait, elle sentait encore ses chairs mourir, ses cheveux tomber par touffes, ses os fondre et ses organes brûler. Elle frissonnait inconsciemment.
Elle l'entendait soupirer et c'était bien là le problème, tout le problème, dans sa si longue mort Hoshiko était un de ceux qui s'accrochaient, comme un virus qui s'étend, comme une maladie dont on ne guérissait pas, une maladie dont personne n'avait encore trouvé l'antidote. Elle ne trouvait pas la solution, pourtant elle était si habituée à trouver, si habituée à gagner. Mais il était là, il était toujours là, ses soupirs, ses livres, sa présence, partout. De par leur passif elle le haïssait, de par leurs natures, ils ne se reconnaissaient pas. Elle était ce que sa race avait crée de pire, il était ce que sa race avait apprit à craindre le plus. Il n'était pas de ceux là,
elle était de ceux là, elle craignait les nécromanciens, elle travaillait avec eux,
elle n'avait pas le choix, elle ne le craignait pas, il reconnaissait sa souffrance.
Elle se souvenait, dans sa mémoire, dans ses chairs, au plus profond d'elle même, le traumatisme à sa source, et la douleur, la douleur qui ne s'arrêtait jamais. Elle regardait sa main si parfaite, sa main fine et blanche, sa main par laquelle le retour de l'enfer revenait toujours en premier. Elle se souvenait, de ses cheveux tombant par poignées, de la sensation de ses organes se liquéfiant. Elle se souvenait, de sa peau qui s'effritant comme trop brûlée par un soleil sans filtre.
Elle se souvenait du goût amer, de la déception, de la souffrance, de la bile envahissant son œsophage. Elle se souvenait de tout, comme si c'était hier, comme si le cauchemar n'en finissait pas, elle souffrait en elle, à l'intérieur à chaque fois qu'un nouveau zombie passait la porte de son établissement.
Elle ne le blâmait pas pour ça, elle savait qu'il n'était pas de ceux là, mais sa souffrance s'ouvrait comme le vide sous ses pieds. Elle avait l'impression qu'ils étaient de plus en plus nombreux, conséquences de ses cauchemars qui la laissaient vide, pantelante, ceux dont elle ne parlait jamais, ceux qu'elle tentait d'ignorer, ceux qui la meurtrissaient autant qu'elle les passait sous silence. Coup au cœur quand il lui annonce qu'il y en a moins que le mois passé, elle pense qu'il ment, elle pense qu'i ne se rend pas compte. C'est parce que tu ne le vis pas, connard. Mais ça ne dure pas longtemps, nouveau coup au cœur, une rumeur,
elle déteste les rumeurs, les rumeurs partent toujours soit de jaloux, soit d'une vérité qu'on tente de cacher, et qui serait jaloux des zombies ?
Il ne comprend pas, il ne comprendra jamais, et même dans sa haine, dans sa colère, elle ne lui souhaite pas, elle ne souhaite pas qu'il la voie atteinte, elle ne souhaitera jamais ça. Pas même à lui. Il quitte la pièce, elle ferme les yeux, repousse la nausée toujours plus présente, elle ne peut pas vomir, elle ne peut rien vomir, elle n'a pas mangé depuis si longtemps, elle a déjà vomi le dernier repas.Il li ramène un de ces magazines qu'elle arrache presque de ses mains, avide de lire ce qu'il raconte sans s'avouer qu'elle y prête trop d'attention.
Elle ne s'attend pas à ce qu'il comprenne, il ne comprendrait pas. Elle ne peut pas, ça lui fait trop mal, ça lui ferait trop mal de lire ce genre de choses régulièrement. Elle l'écoute, écarquille les yeux, elle a du mal à réspirer, nouvelle nausée, dire que c'est de l'amusement pour certains. Elle l'entend nier, nier tout,
il ne l'a jamais vue, réellement vue, celle qu'elle est en réalité, mais il a bien du en voir d'autres, il doit savoir.
Elle bout, toute sa haine remonte, sa colère, son incompréhension, ils étaient tous humains, tous. Mais certains se sont vus attribuer des pouvoirs et en ont joués au détriment de certains. Elle saisit une potion de son sac, une potion qui annule tout, elle est prête à tout ce qu'elle n'a jamais été capable de faire, même devant lui, celui qu'elle connait depuis si longtemps.
La fiole dans sa main tremble, tout son être tremble, elle éxulte ce qui est impensable à ses yeux, ce qui n'est pas pardonnable, ses si jolis yeux envoient des éclairs, son corps si frêle semble sur le point de se briser, il ne se rend pas compte,
il ne sait pas.
Es-tu si aveugle que ça, toi que je pensais connaître si bien ?
En réalité elle le voyait souffrir, elle savait par quoi il passait, elle ignorait. Elle avait une capacité d'ignorance supérieure à la moyenne, elle savais faire fi de bien plus de choses que les autres. Elle savait tout au fond qu'il souffrait, elle ne voulait pas le voir, voir sa souffrance était accepter la sienne, et jamais elle n'avouerait souffrir, jamais elle accepterait d'avouer qu'elle est elle même en résonance avec cette douleur, cette insatisfaction, ce manque, ce besoin que personne n'arrive à définir. Ils étaient indéfinissables, impossibles à ranger dans une boîte. Ce n'est pas qu'elle ne voulait pas l'aider, elle ne savait pas comment, elle ne savait même pas comment s'aider elle même, le poids de Hoshiko pesait trop lourd pour ses frêles épaules, elle n'avait pas le courage, pas la volonté de faire un pas vers lui. Le comprendre revenait à se regarder, et elle ne voulait surtout pas se regarder.
Elle aimait croire qu'elle se connaissait par cœur, qu'elle savait ce qu'elle voulait, ce qu'elle désirait, ce dont elle avait peur. Là était le problème, elle voulait croire, croire qu'elle maîtrisait tout, mais elle n'arrivait même pas à se connaître elle-même. Alors elle était injuste, elle le blessait toujours plus pour fuir, se fuir et courir loin de ce que ses cauchemars marquaient en elle. Elle savait, elle voyait son conflit, elle avait envie de le rassurer comme elle aurait tant aimé être rassurée, mais jamais, jamais elle ne ferait ce pas là. Il n'aurait qu'à se débrouiller. Débrouille toi avec tes souvenirs, j'ai les miens qui me tiennent chaud la nuit.
Il lui renvoyait bien, ses paroles touchant juste, juste là où ça faisait mal, là où on oubliait pas et là ou ça restait. Bien sûr que non, évidemment qu'il ne voulait pas voir.
Tout sauf ça, personne sauf ceux de sa race voulaient voir. Et malgré les siècles qu'elle se maquillait, de potions et d'indifférence, malgré tout, elle se souvenait, elle se souvenait de tout, de la douleur, de la peine, de la déception et du désespoir et c'est pour ça qu'elle les aidait. Elle pouvait aider un zombie inconnu qui franchissait sa porte mais incapable d'aider celui qu'elle connaissait depuis si longtemps. Il avait eu la force qu'elle n'avait pas eue, après tout dans sa mort comme dans sa vie elle n'était qu'une femme trophée, qu'une illusion de ce qu'on aurait voulu être. Rattrapage pour enfant mal accepté, à la recherche constante d'approbation qu'ils ne se donnaient pas.
Connard pensait elle.
Ils étaient incapables de s'aimer, incapables de s'aider sauf en cas d'extrême urgence, parce qu'ils se connaissaient justement, trop bien peut être ils se marchaient dessus, tentaient de s'écraser, elle voulait le faire disparaître presque autant qu'elle avait parfois envie de disparaître, elle ne voulait pas voir sa souffrance, pas comprendre les blessures qu'il pouvait tenter de cacher autant qu'il le voulait, elles les voyait comme en plein jour, les ignorait et ajoutait même du sel dessus. Il ne voulait pas la voir, elle ne voulait pas le comprendre, elle n'avait pas de place dans sa mort, elle n'avait pas de place pour la sienne, la douleur et le mal-être de Hoshiko prenait trop de place, justement parce qu'il tentait de l'ignorer. Elle ne savait déjà pas quoi faire d'elle même, elle ne savait déjà pas comment prendre soin d'elle même, elle ne voulait et ne pouvait pas dans tous les cas reconnaître tout ce qui le composait.
Il se rejettaient si forts qu'ils finissaient par s'écorcher sur leur dualité, sur le reflet déformé de ce que chacun aurait pu être, ils se rejetaient tellement qu'une sorte de défi intérieur les habitait à chaque fois qu'ils se trouvaient présents dans la même pièce. Un sourire plus qu'amer s'étira sur ses lèvres parfaites. Il était si naïf, il ne voulait rien entendre, forcément, ça ne le touchait pas, il ne comprenait pas, ne voulait pas comprendre, comment aurait-il pu. Elle ne lui souhaitait pas.
Quelqu'un d'autre qui refuse également de voir leur réalité en face, quelqu'un qui ne sait pas, qui ne veut pas voir autant qu'lle l'évite, il connaît les zombies, il sait ce que c'est mais veut-il avoir ses cauchemars, ces visions de morts, tous les jours, toutes les nuits, ces migraines, ce mal-être constant ? Sait-il seulement la douleur ? Connaît il seulement la peine ? Toutes les nuit, tous les jours, endormie, éveillée, les misères, les désastres, les malheurs du monde ?
Elle les voit chaque jours, chaque nuit, elle ne dort plus, elle ne mange plus, elle n'a jamais mangé trop. Elle vomit, elle a la nausée, elle aimerait tant, avoir eu le droit à un pouvoir à la renaissance, un joli pouvoir inoffensif, mais elle, elle souffrait toujours. Elle les voyait, vieille chose qu'on laissait dans un coin.
La fiole dans sa main vient se briser au sol dans des milliers de morceaux qu'elle ne ramassera pas, pas de zombification pour l'idiot du village, il a perdu sa chance, elle ne se montre pas si facilement. Il croit, il croit si bien faire le grand garçon perdu, elle se souvient du sol froid, du rejet, de l'isolement, elle se tourne, cajole le lion, elle ne lui demandera jamais rien.
Le cœur au bord des lèvres, ils se sont manqués encore une fois, peut-être ne pouvaient-ils pas. Elle aurait souhaité, il aurait aimé mais leurs différences font bien plus de sens que leurs silences. Elle voudrait le voir, elle aimerait comprendre sans se rendre compte, il aurait voulu expliquer et se dédouaner.
Elle le haissait si fort parfois, trop fort, elle le détestait et pourtant elle le comprenait si bien, elle le détestait peut être pour ça, justement. Il arrivait si bien à se mentir, elle le regardait se parer dans ses certitudes inexactes, il se mentait à lui même tellement que tout sonnait faux et pourtant il y croyait. L'entièreté de sa naïveté l'agaçait, il ne voulait pas ouvrir les yeux, il croyait aux doutes, il croyait aux coïncidences, il croyait aux rumeurs qui étaient basées sur la réalité. Il croyait à tout ce en quoi elle n'avait jamais pu croire, ou peut être avait cru un peu, au début, et il était déjà soixantenaire. Elle le regardait presque se noyer sans même lever le petit doigt pour l'aider, il se fourrait lui même dans des situations impossibles. Il cherchait, il tendait le bâton pour se faire battre et avait ensuite le toupet de lui faire la morale, alors qu'il n'était même pas capable de la regarder correctement. Elle reniflait, le gros félin ronronnant à ses pieds.
Andrea ne doutait pas de la souffrance de celui qui se tenait en face d'elle, elle ne doutait pas de ses épreuves, mais elle crachait sur son incapacité à bien comprendre celles des autres, la sienne. Il se pensait si savant, il pensait avoir tout vu et tout compris mais il en était si loin, elle savait presque par quoi il allait passer et il la prenait pour une folle. Attends un peu et tu verras, connard. Pensait-elle presque à haute voix, ses chaussures immaculées pilaient le verre du flacon brisé à ses pieds. Elle le laisserait se débrouiller tout seul, au moins il avait la présence d'esprit de comprendre qu'ils se haïssaient mutuellement. Elle savait parfaitement à quel point il s’abhorrait lui même, elle le voyait se détruire chaque jour en se persuadant que tout allait bien alors qu'elle s'évertuait à lui jeter à la figure que tout allait mal. Il la voyait s'auto détruire chaque heure en se repliant sur elle même en se persuadant que le problème venait des autres et pas d'elle alors qu'il déployait moult efforts pour lui faire comprendre qu'elle était le problème.
Pourtant ils se côtoyaient depuis longtemps, plus longtemps que beaucoup dans ces appartements, elle savait où il travaillait, ses relations plutôt tranquilles avec les autres colocataires, elle savait les progrès qu'il avait fait depuis le départ mais elle était incapable de reconnaître ses efforts, elle ne voulait pas comprendre à quel point il s'en sortait en étant si différent tout comme elle vivait mal les échecs qu'il essuyait parce qu'au fond, malgré sa haine et son aversion profonde elle ne souhaitait pas à tout prix le voir souffrir. Andrea détestait Hoshiko, Hoshiko détestait Andrea, c'était un fait immuable et partagé, il n'y avait rien à faire ni rien à dire, c'était plié. Elle souriait amèrement à sa réplique, oui c'était de la haine, de l'acide jeté sur des plaies ouvertes qu'ils tentaient d'ignorer comme ils pouvaient. Ils n'y pouvaient pourtant rien.
Certes la tombée en poussière dépendait de l'âge mais aussi de la façon dont on traitait son corps et Hoshiko n'était pas un des plus soigneux, mais Andrea ne l'était sûrement pas. Oh, elle prenait soin d'elle mais ses périodes boulimiques à l'extrême entrecoupées de phases anorexiques n'aidait en rien son métabolisme sans parler de son manque de sommeil chronique pour éviter es cauchemars, son rythme de vie infernal et ses crises de nerfs constantes lui garantissaient une mort relativement courte si on oubliait sa longévité déjà établie. Elle le regardait se diriger à la cuisine sans trop le suivre, se tournant juste vers lui pour toujours l'avoir dans son champs de vision.
C'était moche et c'était bas mais c'était vrai et elle le savait, disparaître de tout plan d'existence soulagerait grandement ses colocataires mécontents de son attitude trop fière. C'était une réalité, elle tentait de s'aimer en se comportant comme la reine de tous les royaumes partout où elle allait. Il voulait cuisiner, elle reniflait négligemment. Il se doutait déjà de ce qu'elle allait répondre.
Elle évitait presque son regard, ne voulait pas assumer ça, ce côté là d'elle, ce côté qui canalisait ses angoisses et son mal-être, elle rejettait tout, dont la nourriture, elle ne voulait pas manger, rien manger, les trois corn flakes grappillés ce matin pesaient encore lourd dans son estomac pourtna t vide à cette heure, vide depuis longtemps.
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