Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
Ce soir-là, en revenant à l'appartement, Haru était aussitôt allé se coucher. Ses longues journées de vadrouille lui procuraient une agréable sensation de liberté, mais elles étaient également éprouvantes. Ce jour-là en particulier, il avait perdu beaucoup de temps à retrouver son chemin, et il était rentré plus tard qu'il ne l'aurait voulu. Épuisé, il avait à peine pris le temps d'enlever ses vêtements et d'enfiler un t-shirt trop grand pour lui qui lui servait de pyjama avant de s'écrouler sur son lit. Il n'avait mis que quelques minutes à s'endormir. La présence à l'autre bout de la pièce de Miles, le jeune zombie avec qui il partageait sa chambre, ne le dérangeait pas. Au contraire, c'était plutôt agréable d'avoir de la compagnie. Haru aimait bien le regarder dessiner. Quand c'était le cas, le garçon arborait un air si concentré que pour rien au monde le japonais n'aurait voulu le déranger, même s'il mourait d'envie de voir ce qu'il pouvait bien faire apparaître sur sa feuille. Sa curiosité lui valait souvent de s'attirer des ennuis, mais rien n'y faisait. Il était vraiment incorrigible, pire qu'un gosse. Du moins, sur ce point-là.
Roulé en boule sous sa couette, Haru dormit à poings fermés pendant une heure environ avant d'être tiré de son sommeil par une sensation plus que désagréable : la faim. Tout à sa hâte de rejoindre son lit, il avait omis de manger avant d'aller se coucher, oubliant qu'il avait déjà sauté le repas de midi et qu'il lui serait bientôt indispensable de se sustenter. Le jeune lémure n'était pas particulièrement gourmand, et son manque d'intérêt pour la nourriture lui jouait parfois des tours, comme c'était le cas à cet instant où la faim le forçait à quitter la chaleur de son cocon douillet pour s'aventurer hors de la chambre. Mais dès le premier orteil posé sur le tapis végétal qui recouvrait le sol de l'appartement, le brun frissonna. D'ordinaire, il n'était pas excessivement frileux, mais la température en dehors de ses couvertures lui paraissait bien basse... Il enfila un épais sweat-shirt qui traînait sur le sol à côté de son lit - incroyable, il avait pourtant rangé la semaine dernière - et ouvrit la porte de la chambre pour se diriger vers la cuisine, l'endroit de l'appartement qu'il fréquentait le moins. Il arriva juste à temps pour être témoin de l'ouverture catastrophique du placard à balais par son colocataire. Lorsque ce dernier remarqua sa présence, il s'adressa à lui d'abord en anglais - autant dire que c'était du martien pour Haru - avant de passer au japonais. Là, c'était plus compréhensible, malgré son drôle d'accent. Quant au grondement qui s'ensuivit, il était universel.
Le lémure lui répondit par un sourire et un haussement d'épaules, tentant de lui faire comprendre qu'il n'y avait pas de raison de s'excuser. Ce n'était pas de sa faute si le placard avait été mal rangé. Se baissant pour ramasser les balais, Haru entreprit de remettre un peu d'ordre dans ce bazar, non sans mal car l'organisation n'était pas son fort. Enfin, s'estimant satisfait du résultat, il se tourna à nouveau vers Miles et leva le pouce en signe de victoire, un large sourire aux lèvres. C'est ce moment que choisit l'aspirateur pour retomber, atterrissant sur sa tête avec un toc sonore et faisant grimacer le garçon. Bon, OK, ce n'était pas gagné, cette histoire...
Haru laissa Miles inspecter le dessus de son crâne, grimaçant seulement lorsqu'il toucha l'endroit où l'aspirateur l'avait cogné. Sa tête entière le lançait, mais la douleur restait tout de même largement supportable. Il avait déjà connu pire. Il n'était pas toujours très prudent et il n'était pas rare qu'il se blesse accidentellement. En témoignait la fine cicatrice irrégulière situé sur sa joue gauche, celle que Miles effleura du bout des doigts. Le japonais cligna des yeux à plusieurs reprises, un peu pris au dépourvu. Il s'attendait à ce que son colocataire lui pose une question à ce propos, mais à la place, ce dernier laissa échapper une phrase en anglais. Évidemment, Haru ne comprit pas. Il avait pourtant eu des cours d'anglais à l'école, mais il n'avait pas été un élève très assidu. Les langues, ça n'était pas son fort. C'est seulement lorsque le blond lui lança un sachet de glaçons prélevé dans le congélateur qu'il comprit ses intentions. Il attrapa le paquet au vol et l'appuya tout doucement sur sa tête. C'était froid, mais le jeune homme s'y attendait, tout comme à la légère douleur qu'occasionna ce contact. Malgré tout, il ne put s'empêcher de froncer légèrement les sourcils. Puis, le froid commença à faire son effet, la douleur s'estompa et Haru adressa un sourire à Miles, inclinant le menton en signe de remerciement.
Tenant toujours les glaçons sur sa tête, il entreprit d'aller chercher son carnet et son stylo qui étaient posés sur sa table de chevet, dans la chambre. Ce serait déjà plus pratique pour communiquer, même si son colocataire ne comprenait pas très bien le japonais écrit. Au pire, ils pourraient toujours dessiner. Ils arriveraient bien à se débrouiller. Il en profita également pour prendre une lampe de poche ; bien que les éclairs déchirant à intervalles réguliers le ciel nocturne apportent une lumière suffisante pour voir où on mettait les pieds, si Haru voulait écrire, il aurait besoin d'y voir clair, et il ne voulait pas prendre le risque de réveiller l'un de ses colocataires assoupis en allumant les néons. De retour dans la cuisine, il posa son carnet et sa lampe sur le plan de travail de la cuisine, enleva le sachet de glaçons de sa tête et le remit au congélateur. Il avait déjà beaucoup moins mal et préférait avoir ses deux mains libres. Il en profita pour remettre l'aspirateur à sa place, cette fois en prenant bien garde de faire en sorte qu'il ne puisse pas tomber à l'improviste sur la tête du premier malheureux qui ouvrirait le placard à balais. Ceci fait, il referma soigneusement ce dernier. Voilà. Une chose de moins à se soucier.
Avec tout ça, il en avait presque oublié la raison pour laquelle il s'était levé en premier lieu, à savoir : la faim. Faim que Miles devait partager avec lui, à en croire les bruits qu'avait émis son estomac un peu plus tôt. Il prit donc son carnet et son stylo et se mit à écrire à la lueur de sa lampe de poche. Si on mangeait quelque chose ? Il avait essayé de choisir des mots simples, et pour être sûr de se faire comprendre, il mima l'action de croquer dans quelque chose avant de désigner le réfrigérateur. On pouvait difficilement faire plus clair.
Une fouille complète de tous les placards de l'appartement révéla très vite qu'il n'y avait pas grand-chose à se mettre sous la dent, malheureusement pour les deux fantômes affamés. Dépité, le brun se laissa glisser sur le sol herbu et s'installa en tailleur pour réfléchir. Mais il avait beau se creuser la tête, aucune solution ne lui venait à l'esprit, mis à part... faire la cuisine. Ce qui était absolument inconcevable. Autrement dit, il séchait complètement, jusqu'à ce que Miles se lève d'un bond en souriant. Lorsqu'Haru vit le croquis esquissé à la hâte sur son carnet, il comprit aussitôt ce que le zombie voulait dire. Akira, toujours attentionnée, avait sans doute laissé quelque chose pour eux. Le tout était de savoir où, mais ce ne fut pas très difficile ; ils tombèrent dessus aussitôt. Miles ouvrit la porte du four, et à l'intérieur, miracle : trois portions de cup noodles qu'ils n'auraient plus qu'à réchauffer. Haru, qui s'était rapproché à quatre pattes pour mieux voi, sentit son estomac se mettre à gargouiller. Il ne s'agissait peut-être pas de son plat préféré, bien au contraire même, mais il avait si faim qu'il aurait englouti à peu près n'importe quoi, pourvu que ce soit comestible. Quelques minutes plus tard, les deux garçons étaient assis côte à côte à la table, chacun devant leur gobelet. Bon appétit ! écrivit rapidement Haru, accompagnant sa phrase d'un smiley aussi souriant que lui.
La dégustation se déroula en silence. Seuls la pluie sur les fenêtres et les discrets bruits de mastication venaient le troubler. Bientôt, le japonais avalait sa dernière bouchée. Il avait mangé vite, comme à son habitude, poussé par la nécessité plus que par le plaisir. En fait, les cup noodles au poulet lui laissaient un arrière-goût amer, qui n'avait rien à voir avec leur saveur mais plutôt avec celle des souvenirs qui leur étaient associés. Elle lui rappelaient les soirs où il rentrait de l'école pour trouver l'appartement vide, et sur la table, un mot de sa sœur précisant qu'elle travaillerait tard ce jour-là et qu'elle lui avait laissé de quoi manger au frigo. Le plus souvent, il s'agissait de plats préparés, exactement comme celui qu'il venait d'engloutir. Le sourire du jeune homme se fit légèrement plus triste. Il se demanda si sa sœur pensait souvent à lui, dans le monde des vivants.
Chassant la mélancolie dans laquelle il commençait à glisser, Haru se leva pour aller jeter les restes de leur en-cas nocturne. Il commençait à se faire tard, mais il n'avait plus du tout sommeil et ne savait pas trop quoi faire. Il se tourna donc vers Miles et réfléchissait à la manière la plus simple de lui demander ce qu'il avait envie de faire - peut-être aurait-il une idée ? - lorsqu'un contact inattendu sur sa jambe nue lui fit baisser la tête. Un chat tigré aux yeux verts, plutôt maigre, se frottait doucement contre lui. Le lémure sourit et s'accroupit pour le caresser. Le chat (auquel il n'avait toujours pas trouvé de nom d'ailleurs, il fallait vraiment qu'il s'en occupe) se mit à ronronner.
Haru fut un peu étonna de se retrouver brusquement avec son chat sur la tête, puis finalement cela le fit sourire. Le félin avait dû être effrayé par l'éclair particulièrement proche qui venait d'illuminer la pièce. Il n'était assurément pas très courageux... Pourtant, avant d'être recueilli par le lémure, il vivait dans la rue. Apparemment, ça ne l'avait pas beaucoup endurci. Il n'était pas très méfiant non plus ; il se laissait caresser assez facilement, comme il le montra avec Miles.
Haru ne trouvait pas l'accent de son colocataire très dérangeant. La plupart du temps, il comprenait très bien ce que ce dernier disait, et là non plus il n'eut pas de problème. Il hocha la tête pour approuver, veillant à ne pas faire tomber le chat toujours perché là-haut. Cherchant des yeux son carnet, il se rappela avoir vu Miles le jeter sur le plan de travail. Il déposa précautionneusement son chat sur le sol et se releva pour aller le récupérer. Tu aimes les chats ? Il griffonna une petite tête de chat sous le mot correspondant et un cœur sous le verbe aimer. Normalement, le blond devrait pouvoir comprendre... enfin, il espérait que ce serait le cas. Ses talents en dessin étaient assez limités, mais il n'était pas mauvais au point que ce ne soit pas reconnaissable. Enfin, il espérait ne pas l'être.
La boule de poils s'était éloignée pour aller grignoter quelques croquettes dans sa gamelle. Décidément, tout le monde avait faim cette nuit, et pas seulement les être humains. Haru nota dans un coin de sa tête qu'il devait penser à aller faire des courses un de ces jours, ne serait-ce que pour remplir un peu le frigo. Il ne pouvait pas toujours compter sur Akira. Il devait être capable de se débrouiller un peu tout seul, et puis il ne voulait pas trop la charger de travail. D'ailleurs, il comptait bien trouver un moyen de la remercier pour ses gentilles attentions.
Le bruit de la pluie sur les vitres était de moins en moins fort. L'orage touchait à sa fin. Bientôt, il ne pleuvrait plus du tout.
En voyant Miles se diriger vers la chambre, Haru le suivit. Il avait une petite idée de ce que son colocataire avait en tête. Il ne fut pas déçu : une minute plus tard, le blond lui tendait la deuxième manette de la console, qu'il accepta avec un grand sourire. Il s'assit à côté de lui sur leur banquette improvisée, attendant que le jeu se lance. Tiens, il n'y avait jamais joué, à celui-là. Connaissant Miles, c'était sans doute un jeu de combat particulièrement violent. Ce n'était pas le genre qu'Haru préférait, mais du moment qu'il passait un bon moment avec quelqu'un qu'il appréciait, il ne faisait pas le difficile. Il ne souciait pas trop de gagner ou de perdre, non plus. Et heureusement, parce qu'il perdait souvent. Miles avait plus d'expérience que lui en matière de jeux vidéos. Le lémure y avait un peu joué de son vivant, avec son meilleur ami surtout, mais il n'était pas très doué. Bien qu'à force de jouer, il s'améliorait.
L'écran de chargement laissa assez vite place au menu principal.Tu peux m'expliquer un peu ? Haru désigna l'écran. Ça n'avait pas l'air bien compliqué, mais il aurait du mal à faire quoi que ce soit s'il ne connaissait pas au moins les bases. Il n'attendait pas de Miles qu'il lui détaille toutes les spécificités du jeu, simplement qu'il lui indique brièvement les principales commandes. Le reste, il le découvrirait au fur et à mesure. Mais avant que le zombie n'aie le temps de lui expliquer quoi que ce soit, un miaulement parvint à ses oreilles. L'instant suivant, son chat lui sautait sur les genoux et s'y roulait en boule avant de se mettre à ronronner. Le garçon était bien embêté. L'animal risquait de le déranger pour jouer, mais il n'avait pas le cœur de le chasser. Il laissa échapper un léger soupir et offrit une caresse au petit matou tigré, avant d'adresser un regard déconfit à son colocataire et compagnon de jeux. La partie s'annonçait compliquée...
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