Errare chimera est - [Céleste & Olympe]

Plus elle se fait insolente, plus j'ai envie de lui pincer les joues pour la faire se taire un peu. Je sais qu'elle détesterait l'embarras et m'en voudrait longtemps, je suis sûre que ça ferait très fortement effet. Mais je suis encore trop gentille pour l'humilier de la sorte, je prends sur moi pour la bonne cause. Elle mériterait quand même une pichenette au moins.

J'avoue que ma bellicité fuit rapidement quand elle vient enfin poser ses lèvres sur les miennes, pour acter notre retour ensemble. Je lui pardonne tout, je lui avait déjà pardonné de toute façon, je veux bien croire en l'avenir à nouveau. Malgré ses questions sans fin et ses inquiétudes permanentes, tout le lot.

"Je sais pas moi, c'est dans l'idée, quoi." On sent mon exaspération poindre, un peu. J'aimerais vraiment qu'elle arrête de toujours tout remettre en question, tout le temps. Ça lui ferait du bien, et ça me laisserait respirer aussi. "Tu te poses trop de questions, c'est flippant."

Voilà, ça c'est dit. J'imagine qu'elle va pas aimer, mais à un moment, faut bien mettre les points sur les I. Ça sert à rien d'établir un plan en dix étapes millimétrées pour espérer mieux fonctionner. Ça marchera juste pas.

"On a toute les deux gagnées en maturité, je pense, et on sera plus raisonnables. C'est tout, faut pas penser plus loin."

Je l'inclus dedans quand même, sinon elle va encore dire que je me blâme toujours pour rien. Mais le fond de mon idée, c'est quand même que j'ai évolué dans mon coin. J'en remercie Constantine, déjà, et la solitude aussi, mais plus amèrement.

"Carpe diem, et des fleurs aussi."

Ça devrait l'amadouer, ça, parler de fleurs. Ça marchait avant.

Elle tient quelque chose, quand même. Bon, déjà c'est en supposant que j'ai choisi de tomber sous son charme, moi je dirais que ça dépasse ma volonté, mais bref. C'est pas la première à me dire que j'ai choisi la mauvaise personne pour me caser, j'avoue que ça a un effet différent quand c'est elle qui le verbalise. Est-ce que ça me fera entendre raison et m'empêchera de prendre les mauvaises décisions? Ça serait trop simple, non...

"J'ai pas choisi, moi. Le coeur à ses raisons et tralala."

Ce serait bien qu'elle finisse par l'entendre, un jour. Elle reste plus sensible aux fleurs qu'au reste. Comme quoi, j'ai des idées qui portent leurs fruits, son attention est captée, presque malgré sa volonté. Je la connais peut-être plus qu'elle voudrait, l'abeille. Reste qu'elle se fait des films, quand même, j'espérais rien de particulier.

"De quoi?"

Non, vraiment, je comprends pas sur le coup. Peut-être qu'en y repensant tous les soirs pendant un mois, ça me viendra.

"Je savais juste que ça te ferait sourire, de parler de fleurs."

Et ça a pas loupé. Ça loupe jamais de toute façon, et son sourire est la plus belle chose au monde. On est bien peu de choses, et je sais me satisfaire des petits plaisirs.

Bon, ça va, elle se comprend. Encore heureux, parce que sinon personne la comprendrait jamais. Je savais de base que ses talents en communication sont plus que limités, mais des messages aussi cryptiques, ça tient de l'exploit. Ou alors je suis juste sourde aux sous-entendus, certains appellent ça l'innocence. Tant mieux pour moi, au fond.

"Non, mais moi je vois."

Sa petite bouillle, là. Qu'elle le veuille ou non, je l'ai vue trépigner sur place à entendre le mot. J'imagine pas ce que ça doit être quand elle passe devant des fleuristes, je préfère pas savoir. Ça briserait mon image parfaite de sa personne, définitivement. En plus de me faire rire, d'ailleurs, parce que je peut supposer que ça doit être comique.

Faut que je prenne une décision, par contre. Je suis très incertaine de si c'est le moment ou non, de lui avouer que j'ai acheté un parfum à la lavande. C'est juste que là, effectivement, j'ai oublié d'en mettre tellement son envie de me revoir m'a chamboulée, mais j'aimais bien l'idée de mettre toutes les chances de mon côté. C'est un peu de la manipulation et c'est mal, je m'en serais voulue plus tard, mais bon... À la guerre comme à la guerre. J'inspire, au pire ça la fera ricaner un peu, je crois.

"J'avais pas pensé à faire un parcours de paquerette, par contre le parfum..."

Est pas encore là, je sais, je pue un peu le cambouis dans l'instant. Mais il est quelque part dans ma chambre, il attend son heure, et c'est bien qu'elle le sache quand même. J'aime être transparente.

"Je me disais que t'aimerais."

Et que tu m'aimerais, surtout. Je m'y prends mal, mais je vous jure que mon intention est louable. Quoiqu'égoïste, mais j'ai bien le droit de penser à ma pomme une fois de temps en temps.

Elle peut bien me demander tout ce qu'elle veut, il en faudra beaucoup pour me faire décoller les yeux de sa petite bouille. Quoiqu'en fait j'obéirais gentiment si elle disait que ça la dérange, mais j'aime à croire que je suis un peu entêtée, bien que ça soit le plus honteux mensonge envers moi-même.

"Elles sont très bien, tes antennes."

Je vais lui répéter des milliers de fois, elle imprimera jamais. Par rapport à d'autres compères, elle a eu de la chance à la loterie génétique, qu'elle se plaigne par dessus c'est un peu le ponpon. M'enfin, j'oserais jamais lui dire, alors je me contente de vouloir la rassurer. C'est plus important que la reprendre.

"T'as trop peur de la mer pour essayer, me vend pas de rêve."

Allez hop, je surenchéris sur la blague. Elle devait pas s'y attendre, d'habitude j'aurais un peu râlé parce que c'est indélicat, ce qu'elle raconte. Mais aujourd'hui, j'ai des papillons dans le cœur et des arc-en-ciels tout partout dans les yeux. Elle a un passe-droit. Reste qu'elle me demande ce qu'on fait ensuite. Comme si je planifiait des trucs, moi. Pis j'avais pas tellement prévu qu'on se remette en couple dans l'heure, pardon.

"Ben, je pensais faire une sieste avant d'aller nager."

C'est glamour, hein? Surtout le côté "nager", ça doit vraiment lui plaire. Après, je nage déjà bien assez, je peux me permettre de perturber mes habitudes pour elle.

"Mais on peut aller voir un film, si tu veux."

Doit bien y'avoir quelque chose, au cinéma, quelque part. Histoire de refaire des choses à deux, de reconstruire quelque chose de sain.

Non seulement je lui dis tout le temps, mais en plus je vais m'entêter à la répéter à chaque occasion. Et elle doit très bien le savoir, elle doit pas aimer non plus. J'espère juste qu'un jour ça lui rentrera enfin dans le crâne, qu'elle arrête de complexer pour si peu. J'imagine qu'avec l'âge, elle commencera à s'accepter plus, ça viendra.

Grande erreur stratégique de sa part, elle me laisse choisir. Ce qui pouvait dire qu'on allait passer vingt minute face à mon indécision, ou qu'elle allait se plaindre que j'ai choisi un film nul à la fin. Dans les deux cas, elle aurait mieux fait de prendre la décision elle-même plutôt que me refiler la patate chaude.

"Je vais regarder ce qu'il y a en salle sur le chemin."

Sinon, on se mettra quelque chose sur la télé, chez elle ou chez moi. Qu'importe. Tant que c'est avec elle, je peux aller n'importe où, n'importe quand. J'écarte gentiment un chat pour me lever, le coeur léger.

"On fait moitié-moitié?"

Non parce que ça va bien, de se déclarer les flammes et raconter des poèmes, mais faut bien régler l'addition tôt ou tard. J'espère un peu secrètement qu'elle prenne tout, parce que je vais finir par siffler la fin de mes économies. Mais ça valait le coup, quelques ossements pour récupérer Céleste, je paie ça tous les jours.