La voix d’Ishtar, donc, a quelque chose d’inconfortable pour lui. Une voix douce, lente et pourtant chaque note provoque un sentiment de malaise. Quelque chose qui n’est pas exactement à sa place et Wynn ne sait s’il s’agit de lui-même … Ou de cette personne aux cheveux de feu. Il sait pertinemment qu’il ne doit pas s’arrêter à ça. Qu’il ne doit pas se focaliser
uniquement sur ce détail mais ce détail c’est tout ce qu’il a. Tout ce qu’il lui reste. Il soupir, il essaye de penser à autre chose. Il se concentre sur les mots et leurs significations, comprendre ou au moins autant que possible. Pour lui il n’y a aucun intérêt à chercher à comprendre et observer les autres autrement que pour se fondre dans la masse. Disparaître, se faire discret.
Silencieux et plus petit qu’il ne l’est. Mais il est vrai que c’est toujours surprenant de voir celleux capable de revenir encore et encore, inlassablement : comme lui.
« Je vois. »Plat, lent, sans grande conviction.
« Il y a quelque chose de rassurant à revenir dans un lieu déjà connu. »Il se racle la gorge, regarde ses pieds, relève les yeux vers le tableau.
C’est inconfortable, vraiment. Le silence lui va bien mieux, éviter des inconnu·e·s aussi. Les mains qui jouent, qui pianotent contre ses cuisses : si seulement il n’avait pas répondu. Si seulement il s’était contenté de l’ignorer, se lever, partir, quoi que ce soit d’autre que de répondre. Pris au dépourvu. Maintenant il se retrouve à devoir faire la conversation, trouver quelque chose à dire. Il n’aime pas ça ; non, il ne sait surtout pas
comment faire. C’est dur pour lui, là où cela semble si simple pour les autres. Iel le regarde et il évite soigneusement de tourner la tête dans sa direction, les yeux plantés au cœur du tableau comme si c’était sa seule échappatoire.
« Oui, je l'apprécie beaucoup dans son ensemble. »Hochement de tête.
« On tente souvent de trouver un sens à ce qui nous attend après la mort. On se sert d'allégories et de paradis fictifs à foison pour romantiser un moment qui nous terrifie alors qu'au final, la seule chose qui nous attend, c'est... ça. »La curiosité est un vilain défaut et maintenant plus que jamais, Wynn en fait les frais. Il écoute Ishtar, le regard immobile, le corps raide, malhabile. Ce qu’il y a après la mort ? Il y a pensé. Difficile de faire autrement en tant que fils de prête après tout. L’Enfer, le Paradis, beaucoup de concepts qui aujourd’hui lui semble si loin. Si étrange. Il a grandi en apprenant à avoir peur de finir dans le mauvais camp pour finalement se retrouver là, dans un musée au milieu de Tokyo, devant un vieux tableau au côté d’un·e parfait·e inconnu·e. Et pour la première fois depuis le début de votre échange
il comprend ce qu’iel peut ressentir. Il suit sa main qui montre le reste des tableaux, un ensemble hommage à la mort. A ce qui reste probablement de vous, aujourd’hui.
« Enfin, c'était ce que je pensais de mon vivant. Qui aurait sérieusement cru à une seconde vie après la mort ? Ou à un purgatoire, peu importe comment on peut le considérer. C'est donc le dernier que vous préférez, M. Llewellyn ? »Le retour de
ce sourire.
« Oui. »Il marque une pause.
« Moi aussi, de mon vivant, je pensais retourner à la terre. Simplement. En tout cas je l’espérais, je n’ai jamais vraiment trouvé les concepts de Paradis et d’Enfer très réconfortants. Mourir, me décomposer, disparaître. Et bien que nous soyons ici, avec cette … Non-vie, c’est ce qui est arrivé à mon corps. Et à ceux des autres. »Les autres. Là où il range tout le reste, tous les humain·e·s sans discernement.
« Je ne vois pas ça comme un purgatoire. Je crois. Et vous, qu’est-ce que vous en pensez ? »Ishtar a réussi à piquer sa curiosité : pour le meilleur comme le pire.
« J’aimerais savoir lequel vous préférez. »Résumé
685 mots
Ça y est Ish' a réussi à capter l'attention de Winnie qui est un peu curieux et qui du coup enfin (finally) se décoince assez pour faire la conversation même s'il est toujours aussi awkward