Il faut qu'on parle - [LEMON] [Céleste & Olympe]

Au fond, je sais que notre absence mutuelle m'affectera bien plus moi qu'elle, c'est évident. C'est simplement dans sa personnalité, dans la mienne, deux mondes qui n'accordent pas la même importance à l'autre. Mais quand elle le rappelle, quelque part, ça me fait mal. Comme si elle pensait déjà à la rupture, comme si c'était une fatalité. C'est presque m'avouer que je ne suis que de passage.

M'enfin, je vais pas pleurer pour si peu. Surtout qu'au final, elle vient à moi, tente de flirter. Je suis déjà conquise, je sais pas tellement ce qu'elle espère accomplir, ça m'amuse. Elle m'amuse, ma petite abeille.

"Ah oui? Et qu'est-ce que tu vas faire? Me plaquer au sol pour m'embrasser follement?"

Parce que sinon, vraiment, je la sens pas tellement capable de me retenir. Peut-être qu'elle me sous-estime, cette inconsciente. Et après m'avoir vue sous toutes coutures, ç'en est presque insultant, plus j'y pense, plus l'envie malicieuse de la remettre à sa place me caresse l'esprit. Elle-même est à deux doigts de caresser mes jambes, j'imagine qu'ele préfère ça à l'autre option. Moi aussi, au fond, mais j'ai pas envie de renier mon histoire en tant que chimère, ce que je suis devenue. J'y ai déjà réflechi bien avant qu'elle n'apparaisse dans ma vie. Mais peut-être que si elle aime tant me voir "normale", humanoïde, je peux faire un effort...

Par contre, pour l'heure, elle n'a pas mérité d'en voir un bout.

"Peut-être que si tu m'invites au restaurant puis à l'hôtel ce soir, je te laisserai les admirer. Profites-en, avant qu'elles disparaissent."

C'était peu demander comme contrepartie, après tout l'administratif que j'ai dû me farcir pour avoir le pauvre droit de planter une cabane où je veux. Mais les lois sont les lois, c'est peut-être pas plus mal comme ça. Parce que j'ai envie, je lui fait une pichenette sur le front, ça lui apprendra à avoir réponse à tout.

Elle manque pas d'air, quand même. D'abord elle flirtouille, ensuite se moque de moi quand je réponds. Oui, je suis tombée dans le panneau, bravo Ô grande manipulatrice, et désolée d'être amoureuse. Ce serait franchement motif à ce que je boude, je sais même pas ce qui me retient. Le pire, c'est qu'elle enchaîne sur des projets tous aussi horribles les uns que les autres. C'est qu'il s'en passe des choses, dans sa caboche.

"Bah dis donc, c'est pas les idées qui manquent, chez toi."

Je sais qu'elle plaisante, mais son ingéniosité dans le vice est quand même surprenante. Ça devrait m'inquiéter, non? J'en sais rien, je ferme les yeux, c'est que de l'humour, hein. Mais je préfère lui signifier infra-verbalement que les menottes, c'est pas trop pour moi, elle doit avoir assez de vampires à choper de toute manière. Et puis, elle m'embrasse pour se racheter, alors tout va bien.

Par contre, quand elle a parlé de glisser des potions dans les boissons, j'ai ri jaune. Non, vraiment, j'avais pensé à tôt ou tard nous faire boire une potion de vérité, histoire de voir si c'était encore sincère entre nous... Je suis parano, hein? Non, mais c'est qu'on peut tellement facilement me manipuler, j'aime bien avoir des certitudes aussi. Je réalise que ça la mettrait vraiment en colère, j'enterre l'idée. De toute manière, si elle m'aime plus un jour, je crois qu'elle hésitera pas à le dire.

"Ben, si je t'avais dit, ç'aurait pas été une surprise. Et puis, j'étais pas du tout sûre que ça te plaise non plus, comme projet."

Elle a l'air assez emballée, finalement. Comme quoi, je m'inquiète encore et toujours pour rien, comme depuis un siècle.

"Mais si tu veux, tu pourras m'aider à monter le châlet, je pourrais tout t'apprendre. Ça aura une saveur de maison fait-maison, ce sera cozy."

Pas sûre que ça, ça la tente vraiment, mais ça coûte rien de proposer. C'est une activité de couple comme une autre, l'architecture. Non? Tant pis.

J'avoue que pendant un instant, ça me fait froid dans le dos quand elle le dit. Elle, une psychopathe? Faudrait voir la définition du mot, la sienne surtout, mais j'imagine que dans un sens oui. Elle tue des gens pour se nourrir après tout. Mais est-ce vraiment à ça qu'elle pense? Je sais pas trop, je sais pas bien, elle l'a dit avec le plus grand sérieux du monde. Ça doit être une blague, c'est tout elle cet humour pince-sans-rire.

"Qui se ressemble s'assemble, Céleste, peut-être que j'ai ma part d'ombre, tu sais."

À la limite, une fois j'avais insulté quelqu'un qui ne l'avait pas mérité parce que j'étais ivre, ça devait être l'action la plus condamnable que j'ai fait de ma vie. Bon, je suis pas crédible une seconde comme méchante, mais elle fera l'effort d'y croire j'espère.

Et toujours son pragmatisme, elle est à deux doigts de me reprocher de lui avoir fait une surprise. Non mais quand même, je me démène pour son petit confort, tout ce qu'elle trouve à dire c'est que c'était irréfléchi comme investissement. Et même pas un merci! Une ingrate, vous dis-je. Enfin, je sais qu'au fond d'elle ça lui plaît, qu'elle est reconnaissante. Elle saura juste pas l'admettre. La preuve, elle se projette déjà, ça me fait sourire.

"Tu penses qu'on devrait se calquer sur les vivants? Je me disais qu'on pouvait s'inspirer d'ailleurs."

C'est pas les possibilités qui manquent, on pourrait demander à n'importe qui dans Tokyo son avis. Quoique c'est déjà voir trop loin, chaque chose en son temps.

"Enfin bon, déjà faudrait réunir 2100 osssements, selon mes calculs. Peut-être une centaine de plus pour être larges, si quelque chose casse. Heureusement que j'ai déjà les outils."

Au fond, c'est pas beaucoup, c'est même pas une somme inatteignable. Seulement, en dispersant mon salaire en dépenses (inutiles et charlatanesques, mais je le sais pas encore), je suis pas près de l'amasser.

Quoi, ça la fait rire? Vraiment? Allez, je prends une mine boudeuse par jeu, elle l'a mérité. Je sais évidemment ne pas être crédible une seconde, et je sais aussi que je mens aussi bien qu'un enfant avec des miettes de cookies au coin de la bouche, mais c'était pas la peine de me le rappeler. J'ai moins de mal à croire à sa part d'ombre à elle, mais franchement? Elle a toujours été adorable avec moi, jamais dure ni menaçante. Elle est juste un peu froide naturellement, j'imagine.

Par contre, elle aura interêt à préciser qu'elle veut du jaune, parce que d'origine les châlets c'est pas jaune. Au pire les canapés, mais là encore ça me viendrait pas à l'esprit.

"Ça passe? Ça veut dire quoi ça? Parce que si t'es partante, on peut aller dès demain matin à la scierie et monter les fondations."

Au fond, elle a dit être friquée et je la crois volontiers, mais jusqu'à quel point? Je peux concevoir qu'elle préférait ne pas en parler par peur que je sois attirée par l'argent. Ceci dit, si c'est pas un souci pour elle, Ça me ferait grandement plaisir de pouvoir travailler dessus le plus tôt possible. Tiens, un peu de courage Olympe, faut le dire, faut l'affirmer.

"Tu sais, j'aime pas demander de l'argent, à personne, mais... Si tu peux nous financer ça, ça sera le plus beau cadeau de Noël de ma vie."

Merde, c'est pas exactement sorti comme j'aurais voulu, je crois que ça sonne pas comme ça devrait. À défaut de trouver les mots, je me redresse pour m'asseoir, passe mes bras autour de son cou pour l'enlacer. Ça en dira plus long que des phrases.

Ah, c'est vrai, elle a un travail. Moi aussi, mais bon, personne remarquera si je m'absente un jour. C'est l'avantage de l'autonomie, on peut gérer son temps comme on a envie, au gré des vents et marées. Quoique le travail en retard doit toujours être rattrapé.

Puisqu'elle insiste, je la presse. Je peux pas m'empêcher de trouver suspect que la boolice paie si bien, mais peut-être que son statut de vampire la rend spéciale. Elle doit avoir des primes ou quelque chose, sûrement. Ouais, ça doit être ça...

Elle me vole un baiser, se retire avant que je lui rende. Chipie, va. J'ai envie de la saisir par les épaules, l'embrasser véritablement pour lui communiquer mon amour, ma passion, ma gratitude. Tant pis, je la laisse s'enfuir, désserre mon emprise, puisque l'abeille n'aime que la liberté. J'admire le paysage, me projette, c'est incroyablement tranquille comme retraite. Tout juste reculé sans être perdu. Un rêve.

"Je sais pas si je le mérite, tu sais."

Je sais pas ce que je vaux, au fond. Est-ce que ça a une importance? Peut-être pas, mais je peux pas m'empêcher de le penser. C'est dingue, quand même. Céleste a l'air de croire le contraire, ça me réchauffe le coeur au moins, quand l'esprit est plus froid.

"Mais tu vas en profiter aussi, alors au fond, c'est plus un investissement qu'autre chose."

Qu'elle s'imagine seulement, les longues nuits d'hiver passées face au feu crépitant, à se lover sous un plaid géant. À s'endormir, blotties fermement pour ne plus jamais se relâcher. Ce sera si romantique, ça fait quelque chose dans la poitrine. Enfin surtout pour moi, j'imagine, elle doit pas être sensible à ce genre de fantasmes.

"Il faudra que tu poses tes vacances, en décembre, qu'on en profite pendant les fêtes."

Parce que maintenant, c'est décidé. Qu'elle m'aide ou non, le châlet de nos rêves sera bâti et fini d'ici la fin du mois. Il faudra que je traîne avec moi quelques complices pour finir tout ça dans les temps, mais c'est loin d'être impossible.