2000, naissance
2016, on découvre sa leucémie
2023, décès tw, cancer, saignement
Une naissance attendue par des parents amoureux qui ne se sont plus jamais quittés depuis leur première déclaration à l’âge de seize ans. Une douce histoire qu’ils aiment à te raconter lorsque les nuits d’hiver, vous vous retrouvez ensemble dans le salon pour vous réchauffer au coin de la cheminée. Protecteurs et tendres, des bras toujours autour de toi quand tu as froid, quand tu as peur, quand tu es triste, ils sont aimants et ont toujours su être à tes côtés pour t’accompagner dans tes premiers pas.
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Une vie simple et entourée, tu grandis tranquillement. Avec légèreté et innocence, tu découvres ce monde dans un étonnement et un émerveillement certain qui inquiète parfois tes parents à l’idée, qu’un jour, tu puisses le arpenter seule.
Seulement…
Comme un voile qui se dépose au-dessus des douceurs pour vous en priver l’accès…
Des signes terrifiants d’une maladie silencieuse viennent troubler le chemin sur lequel tu avances…
Au départ, simple anémie et saignement de nez, c’est un pronostic cauchemardesque qui fait échos jusqu’aux oreilles de tes parents : la leucémie.
Tu es malade et ce n’est pas quelque chose de simple ni de léger apparemment, tu le comprends aux regards inquiets de tes parents et à leurs larmes qui ne parviennent que difficilement à se tarir de leurs yeux. Et toi, tu ne comprends pas tout ce qui se passe réellement, ni comment tu dois le prendre…
La colère ?
Celle de te voir aussi injustement malade alors que tu n’as que seize ans ?
La tristesse ?
Celle de savoir que tu n’atteindras sûrement pas l’âge qu’ont tes parents aujourd'hui ?
La jalousie ?
Celle de voir tous tes amis vivre des choses que tu pourras jamais vivre ?
Comment dois-tu réagir à cette annonce… A tout ce qui se passe autour de toi, les médecins, les piqûres, les tests dans des machines que tu ne connaissais même pas jusqu'à maintenant, et cette chambre dans laquelle on t’enferme dans le désir de te soigner…
Et comme tu ne trouves pas la réponse, ni même de mode d’emploi, tu fais le choix de docilement écouter tes parents. Parce que tu ne veux pas les faire souffrir inutilement alors qu’il te voit plus malade que tu as l’impression d’être.
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Les années passent et tu es toujours là. Visiblement plus faible, plus maigre et plus pâle, tu sens que la vie t’échappe et l’avis des médecins, même s’ils ne sont jamais très direct avec toi, ne sonne jamais très positif. Tu ne tiendras pas beaucoup plus longtemps, et de toute façon, tu es bien trop fatiguée pour vouloir combattre davantage. Mais tu le tais, tu ne dis rien, surtout pas en la présence de tes parents… Mais, même s’ils tentent de t’encourager et te toujours être optimiste et positif, ils doivent bien savoir la triste vérité qui t’attend prochainement… Tu l'espéres sincèrement, car ne pas se préparer au pire serait leur plus grande erreur, et une plus grande souffrance malheureusement…
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Même si ta fatigue est grande, tu ne veux pas dormir… Pas encore. Tu veux garder tes yeux ouverts encore quelques instants car tu sais que bientôt, ils se fermeront à jamais sur ce monde dans lequel tu voudrais vivre plus longtemps.
Ce soir, tes parents ne sont pas là, mais c’est une demande de ta part de ne pas les voir s’abandonner dans cet hôpital lugubre trop souvent, surtout que, les voir se rendre malade de ton état n’est pas ce que tu préfères généralement.
Assise sur le fauteuil de la chambre, ton regard se perd par la fenêtre de la chambre dans laquelle tu vis depuis très longtemps maintenant, si bien qu’elle est suffisamment personnalisée pour la rendre presque agréable à vivre.
Un petit réflexe de stupeur anime tes yeux dans un émerveillement soudain devant le spectacle que t’offre mère nature dehors.
Il neige.
C’est la première fois que tu vois la neige tomber dans l’état où tu vis, c’est magique et presque doux à ton regard. Tu observes, presque hypnotiséé, les flocons passer devant tes yeux pour recouvrir le sol d’une couche, d’abord légère puis épaisse, de neige.
C’est beau.
C’est froid. C’est ta deuxième pensée alors que ta main s’échappe au dehors pour attraper, dans sa paume, quelques flocons qui fondent instantanément sous la chaleur naturelle que ton corps dégage.
Après une bonne heure à observer ce spectacle magique, ta curiosité est plus grande, et tu es même excitée à l’idée de faire un choix contraire à ce qui est bien à faire, tu veux sortir dehors. Tu veux goûter cette neige, la toucher et la fouler de tes pieds pour y sentir la texture.
Et puisque tu n’as qu’une seule vie et que celle-ci est vouée à s’éteindre bientôt, tu décides de sauter le pas et d’y aller. C’est une expression douce et enjouée qui se dessine sur ton visage tandis que tu enfiles tes chaussons pour sortir de ta chambre. Ton regard est concentré et tes oreilles bien ouvertes lorsque tu ouvres la porte menant au couloir. Puis, une fois témoin de l’absence de bruit, tu ouvres celle-ci et, dans la plus grande discrétion, te faufiles le long des couloirs déserts de l'hôpital jusqu’à atteindre la porte libératrice qui te permet de sortir dehors.
Un rire sincère s’échappe de tes lippes alors que la neige vient doucement te faire frissonner sous son contact léger. C’est doux, c’est aussi plus froid que ce que tu ressentais tout à l’heure, surtout maintenant que tes pieds nus viennent s’enfoncer dans la couche immaculée qui recouvre le sol urbain de la ville.
Tu es contente, contente d’avoir pu vivre ça avant la fin, contente de pouvoir en profiter comme tu en profites en cet instant. Tu es presque chanceuse finalement, n’est-ce-pas ? D’avoir pu tenir jusqu’à pour être témoin de ce spectacle rarissime.
Fatiguée mais sans aucune envie de remonter, tu veux profiter de ce moment encore plus longtemps, tu veux presque tout terminer sur ce moment magique qui se produit devant tes yeux. Tu viens d’abord t'asseoir, humidifiant le bas de ton pyjama et refroidissant ton fessier par la même occasion. Puis finalement, c’est ton corps tout entier qui s’allonge dans la poudreuse qui crisse sous ton poids tandis que tes yeux se perdent en direction du ciel où les étoiles sont invisibles. Une forte inspiration, presque douloureuse à cause de la température autour de zéro, et tu fermes les yeux sur ce silence délicieux qui t’endort doucement.
La mort vient te chercher dans une étreinte glaciale mais finalement très douce.
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Les bras recroquevillés sur toi-même, tu as vraiment très froid, et tu attends patiemment que ton nom, seule chose dont tu te souviennes, soit appelé afin de te lever. Bizarrement, tu n’as pas peur, tu n’es pas stressée, ni même ne te sens perdue, comme si ta place se trouvait tout simplement là, en ce moment.
Un papier t’es donné avec un lieu précis, l’endroit où tu dois te diriger afin de pouvoir vivre.
Encore une fois, tu te contentes simplement, et peut-être bêtement, de suivre ce qui est indiqué dessus et ce que les gens t’expliquent, sans réellement te poser de questions.
C’est plus tard que les questions te viennent.
C’est plus tard que tu te demandes dans quel endroit tu es et pourquoi tu t’y trouves.
Et grâce à ça, grâce à eux, tu comprends que c’est un lieu où résident les morts, et que toi aussi, tu as perdu la vie pour arriver ici.
Malheureusement, ou peut-être heureusement, tu ne te souviens pas de ce moment, ni même de ta vie passée… Peut-être que ça te reviendra avec le temps, peut-être que ce n’est qu’une amnésie passagère et que les souvenirs reprendront place en vivant dans les rues de cet endroit, qui sait ?
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Une lueur qui t’attire, une brillance qui te semble éphémère, ça ressemble à un téléphone portable déposé sur une table, mais tu ne peux le saisir de tes mains. Pendant de longues minutes, ton regard se perd sur la forme intangible et de nouveau, tu tentes de la faire bouger, ta main passe au travers et étrangement, tu sens que ton geste à un impact sans pour autant définir clairement la sensation qui t’envahit. C’est étrange et excitant à la fois, presque addictif. Jusqu’à ce que celle-ci finisse par disparaître, virevoltant au loin sans que tu ne puisses aller à son encontre. Rencontre perturbante mais qui, à plusieurs moments, se reproduira…
Est-ce que tu es folle ?
Qu’est-ce que cela veut dire…
Peut-être que tu le découvriras avec le temps.