Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
La pression d’une paume, la douceur d’un souffle, les étreintes charnelles, chaudes et répétées de la nuit, tout lui revient en mémoire lorsque, s’éveillant au toucher de son amant.e, il ouvre les yeux. Leur lueur est terne, le monde est encore noir pour l’aveugle.
Encore embrumé des vapeurs d’alcool de la veille, il se délecte un instant des bribes qui lui reviennent, habitué à de telles réminiscences. Il n’est pas rare que Joshua découche, ou plutôt qu’il rentre tard mais accompagné ; et dès lors, les nuits sont douces, et les matins aussi, quand la compagnie a été bien choisie.
A l’odeur de café qui parvient jusqu’à ses narines, il devine que cette fois-ci, c’est le cas. Alors, il s’étire comme un chat encore englué de sommeil, le dos droit et les bras en l’air, se vautrant dans les draps sans s’embarrasser de ses effluves matinales.
« Bonjour… » soupire-t-il, gardant les yeux fermés puisqu’ils ne servent pas.
Il tend la main, attendant qu’on lui pose le café dedans plutôt que de tâtonner pour mieux le renverser sur le lit. Puis, il boit longuement, savoure les arômes forts et la vigueur insufflée par la caféine, et tente de se remémorer le prénom de l’heureux.se élu.e. De sa main libre, il trace son visage, caresse à son tour ses cheveux - iel les a courts.
Il se souvient d’elle, ça y est.
« Bien dormi ? » s’enquiert-il dans un bâillement. Lui dormirait bien encore une heure ou deux, mais il devine aux odeurs de savon qui alternent avec le café qu’elle s’est déjà douchée, le petit déjeuner est prêt, la terrible discussion matinale va s’enclencher.
Joshua a l’habitude de se servir de son titre pour attirer ses conquêtes, et la veille ne fait pas exception, s’il se souvient bien. Qu’a-t-il promis exactement ? Les points de pression dans ses tempes pulsent et clignotent, comme un rappel : mais de quoi ?
En tous les cas, il va falloir rétropédaler. Mais en douceur… Il a l’habitude.
« T’es muette ? » plaisante-t-il, en l’absence de réponse.
Il rit. Loin de se douter qu'il vient de mettre les pieds dans le plat.
Le doigt de l’amante vient tracer deux caractères sur son torse mais il ne comprend pas ; tout ce que ça lui évoque, c’est une chatouille étrange, un jeu espiègle pour lui arracher un nouveau rire, ce qu’il fait sans problème. Le son résonne dans l’appartement, les murs nus faisant écho. Elle l’embrasse sur le front.
« A ton absence de réponse, je vais assumer que oui… » comprend-t-il tout de même, un peu surpris.
Non qu’il trouve cela impossible, mais c’est que la veille, aucun problème de communication ne s’était fait sentir ; ils s’étaient même compris sans mots, simplement avec des regards évocateurs. Chose compliquée maintenant qu’il avait lui-même perdu la vue. Il devrait songer à reprendre une potion, mais d’abord : la conversation redoutée.
Esperanza le caresse, l’embrasse, avec une facilité d’affection qui met le roi dans une fâcheuse posture. Ses gestes de tendresse l’auraient ravi un peu plus tôt dans la nuit, mais actuellement, il joue l’anguille, cherche à s’en extirper, pour lui faire comprendre que le fun a bien duré et qu’il est temps de se séparer. Si elle ne peut pas parler, le dialogue n’en sera peut-être que plus facile.
« Tu sais, j’ai beaucoup de travail aujourd’hui. » commence-t-il, en douceur, amenant ses responsabilités sur le tapis. « Et… »
Mais avant qu’il puisse continuer, le clic retentit. Les oreilles de Joshua tressaillent, habituées à capter le moindre son, la moindre preuve de ce qu’il se passe pour pallier à sa cécité. Il reconnaît sans peine le déclic d’un appareil photo, et fait le rapprochement entre ce bruit et sa compagne venue se lover contre lui comme une lionne dans un rayon de soleil.
« Qu’est-ce que tu fais ? » questionne-t-il, sourcils froncés, signe qu’il sait très bien ce qu’elle fait, en vérité.
Puis, réalisant qu’il ne risque pas d’avoir de réponse, il esquisse un mouvement pour saisir d’office l’objet incriminé.
« J’aime autant pas que tu prennes des photos, pour le bien de ma vie privée, tu comprends ? » prétend-t-il.
Tout en parlant, il tâtonne à la recherche de l’appareil, renversant la femme comme s’il s’agissait d’un jeu ; mais l’enjeu est réel pour le roi : il doit protéger son train de vie de player et l’empêcher de poster cette photo.
Le téléphone reste tout aussi muet que sa propriétaire, Joshua n’ayant aucun moyen de s’en servir sans la vue. Avec son propre portable, il a ses habitudes, ses raccourcis, qui lui permettent de l’utiliser même aveugle. Mais celui-ci, impossible ; comment trouver la galerie ? Le bouton « supprimer » ?
Il tâtonne au hasard, causant multitude de bruits dont il ne sait ce qu’ils indiquent, manquant malgré lui d’appeler trois personnes, d’enregistrer un message vocal, et de lancer Incinéragram.
« Excuse-moi, mio amore, je voulais seulement immortaliser le moment… »
Elle a retrouvé la parole. Sa voix est encore éraillée par le silence, mais suave, douce, comme du miel sur une blessure. Joshua n’a pas le temps de s’étonner du retour au son que déjà elle enchaîne :
« Et puis, n'oublie pas qu'il s'agit de notre vie privée, maintenant. J'y ferai plus attention, mon poussin. »
Notre vie privée ? Poussin ?
Un hoquet échappe au roi, le téléphone lui glisse des mains. En le sentant tomber lourdement sur les couvertures, en même temps que sa tasse brûlante chancelle et crée des remous dans son café, la solution lui apparaît désormais limpide : patience épuisée, il laisse tomber le téléphone dans le liquide noir et fumant.
« Oops, désolé. » feint-il l’erreur.
Il lui tend la tasse bien remplie, ne sachant trop à quelle réaction s’attendre. Peut-être sera-t-elle suffisamment vexée pour quitter les lieux sur le champ, réglant par là-même deux problèmes en un. C’était vraiment un move de génie.
En attendant, il se penche à son tour vers sa table de nuit et engloutit d’une traite la potion qui s’y trouve. Le liquide est poisseux, le goût âpre mais habituel. Plus qu’à attendre tranquillement qu’elle fasse effet ; déjà, les cils papillonnent. Il amorce à nouveau :
« Justement, je voulais te parler de notre vie privée… »
Surprenament, elle semble se rendre compte de la supercherie, reprochant son manque de communication - leur relation n’est même pas encore naissante que la voilà déjà en train de lui faire des reproches ! S’il a envie de faire des « farces », il est bien assez grand pour le décider. Il est grand temps de s’extirper de cette entrave, Joshua.
Esperanza rit, comme si elle n’était pas atteinte par la « maladresse » du roi : décidément, pas moyen de briser cette carapace de douceur et de mièvrerie, qui commence doucement à titiller ses nerfs. Dans un cartoon, le sourcil de Joshua se serait mis à vibrer d’agacement.
Derrière le flou qui se dissipe progressivement, il la perçoit s’agitant, fouillant dans ses affaires - ça aurait pu l’agacer encore davantage s’il avait été matérialiste ; au contraire, s’il perd quelque chose il est plutôt du genre à se dire qu’il le rachètera… Et d’ailleurs, en essuyant les larmes qui accompagnent le retour complet de sa vision, il la distingue enfin emmitouflée dans un sweat dont il avait oublié l’existence : possède-t-il vraiment un pull sans couleurs, sans âme, comme celui-là ? S’il est amené à la mettre dehors avec ça sur le dos, pas sûr qu’il le remplace…
« Du gris m'irait mieux, tu ne penses pas ? fait-elle, tournant gracieusement sur elle-même.
-- Si si, bien sûr… » balaie-t-il d’un revers de main.
En vérité, le gris lui plaît autant que le blanc, c’est à dire pas du tout. Une belle couleur rouge ferait ressortir bien mieux celui de ses yeux, d’ailleurs.
Mais l’heure n’est pas à ce genre de frivolités, son cerveau carbure à pleine vapeur, se remémorant enfin les promesses de la veille. Un verre partagé, sa main sur sa joue, ses mots doux qui parlent, l’alcool aidant, un peu trop. Le mot « reine » lui résonne en tête, lui arrachant une grimace. Oh, oh.
« Enfin, j'écoute, bien sûr, annonce-t-elle justement, et elle plante son regard dans le sien.
-- Aaaah ! » râle-t-il tout haut, ne sachant par où commencer.
Il se mord la lèvre, fronce les sourcils, une intense réflexion se passe : faut-il admettre qu’il se souvient et couper l’idée dans l'œuf, ou tout simplement faire comme si rien n’avait été affirmé…
« Bon, tu sais, être roi, c’est pas de tout repos ! » commence-t-il son monologue avec prudence, chaque mot minutieusement pesé. Puis, perdant déjà patience, il enchaîne sans trop savoir où il va : « Et je peux pas me permettre de m’éparpiller, je suis marié à mon métier, tu vois ? Et ceci…. » Il se désigne, puis elle, mimant leur relation. « Ça va pas être possible, tu comprends ? Il y a pas de place pour une reine. »
Le mot est lâché. Aussitôt, il se mord la lèvre, comme pour le ravaler et l’annuler. Mais c’est trop tard !
Mis face à ses contradictions, le monarque bouillonne. Il observe l’intrue - car désormais, c’est ce qu’elle est devenue - qui s’approprie miette par miette son espace vital. Ce fut lent, mais il a compris désormais : ce sweat, c’est le symbole de son existence qui s’apprête à devenir grise et molle à son contact. Quand bien même il le déteste, c’est la première possession qu’il lui cède, et maintenant, c’est trop tard, le sweat est perdu, il aurait fallu réagir avant.
La panique s’empare de lui, le faisant trembler des genoux ; il y appose une main pour les immobiliser. Pas question d’être trahi par ça, il devait garder l’ascendant. L'œil vif, il observe le manège de la lémure qui a cessé de minauder, enfin conscient du jeu de domination qui s’est installé entre eux. Est-ce réellement un jeu, si l’un des joueurs joue sous la contrainte ? Mais l’heure n’est pas à la philosophie, c’est du concret, il doit se sortir du merdier où il s’est fourré. Il a déjà trop de fois passé son tour, à présent c’est à elle de coucher ses cartes.
Alors il opte pour l’approche opposée.
« Mon lit n’est pas propriété de l’Agence, clarifie-t-il depuis les draps. Tu n’es pas dans mon palais, ici c’est ma vie privée, et si je veux rester libre, c’est mon droit. C’est même essentiel, quand on a mes responsabilités. »
« Volage » a-t-il failli dire, mais tout comme « reine », le mot une fois lancé ne saurait être repris, il l’évite donc soigneusement cette fois. Pas question d’admettre l’inadmettable ; et tandis qu’elle s’affaire à retrouver ses vêtements parmi le chantier laissé par sa nuit avec Joshua, ce dernier se lève enfin, sourcils froncés, faisant valser le plateau-repas comme il espère bientôt faire valser sa conquête par la porte d’entrée.
En continuant de rouspéter, il l’aide à rassembler ses affaires pour accélérer le mouvement :
« Je n’ai pas été déloyal, tu savais très bien qui j’étais, et comment ça finirait forcément entre nous. Tu voulais juste te taper le roi, toi aussi. »
Et bim. Il lui jette cette dernière phrase en même temps que son pantalon. Qu’elle n’aille pas croire, juste parce qu’il est facile, qu’il est aussi benêt. Joshua est perspicace. Si son caractère est léger et festif, il n’est pas le roi pour rien : il sait lire dans les gens, comprendre les enjeux, et rendre la pareille lorsqu’il est attaqué.
En guise de conclusion, il lui montre la porte de la chambre, signe qu'il est temps de débarrasser les lieux.
|
|