Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
Retour du pantalon dans ses bras, et il le reçoit avec une certaine incompréhension ; il lui faut quelques secondes pour réaliser l’incohérence, et décider inflexiblement de conserver le vêtement. C’est donnant-donnant, elle garde le sweat, métaphore terne de son pouvoir sur Joshua, il garde le pantalon. S’il était à sa taille, il l’enfilerait sous les yeux rouges de la femme pour asseoir sa dominance. Mais le roi plie rageusement le tissu en une boule informe, sur laquelle il passe ses nerfs tandis qu’il répond :
« Oui, il a des responsabilités, oui, tu sais combien de morts j’accueille par jour ? A combien de décès j’assiste ? Combien de traumatismes je dois gérer en un minimum de temps ?! »
Malgré lui, le ton montait. Il ne savait pas lui-même répondre à ces questions rhétoriques, tout ce qu’il savait c’est que le nombre était conséquent. Il avait beau l’adorer, son poste lui pesait.
« Alors, oui, quand j’ai un peu de temps pour moi, j’aime bien me détendre en bonne compagnie. Mais là c’est raté, je te l’accorde ! »
Pour la détente, ou pour la bonne compagnie, ou les deux. Il ne préfère pas préciser pour ne pas rajouter de l’huile sur le feu.
« Sors, gronde-t-il simplement pour ne pas aggraver la scène en quelque chose de digne de réveiller sa vieille voisine sourde. Sors de chez moi, je n’ai pas à permettre à quiconque de s'immiscer dans mon appartement sous prétexte d’être “proche du peuple” ! » Sur cette dernière expression, il imite puérilement sa voix. « Sors, répète-t-il une ultime fois. Tu fais peur à ma poule. »
Et il lui attrape le poignet, la levant du lit et la tirant avec lui jusqu’à la porte de la chambre ; sans ça, il sait qu’elle ne bougera pas d’un pouce.
En arrivant dans la pièce principale, il découvre que, sans surprise, Poule a monté l’escalier pour venir voir ce qu’il se passe. L’animal, curieux mais peureux, a laissé sur son chemin des traces de frein qu’il devra sûrement passer la matinée à nettoyer ; il soupire, à bout, et d’autant plus agacé envers Esperanza, qu’il tient pour responsable.
Lâchant la jeune femme, il déverrouille à deux mains les loquets sur la porte d’entrée, ponctuant le cliquetis de la serrure d’un :
« Allez, bonne continuation. »
En attendant qu’elle daigne s’exécuter, il frotte ses yeux nouvellement voyants, se demandant où a bien pu passer l’amante doucereuse qu’il a connue cette nuit. Tout ce qu’il voit, désormais, c’est une vraie furie.
L’argument tombe comme un couperet sur le dos d’Esperanza, qui se penche d’ailleurs pour enfiler ses chaussures et filer. Elle doit avoir des scrupules envers Poule, se dit Joshua, malgré la grimace adressée au gallinacé. A vrai dire, il ne s’attendait pas à gagner si facilement, alors son expression reflète une certaine perplexité tandis qu’elle met enfin les voiles, passant dignement la porte.
Le roi la referme aussitôt, évitant ainsi qu’elle ne change d’avis - ou que Poule ne la suive à l’extérieur - et verrouille le loquet avec un soupir. « J’espère qu’on se reverra, Joshua. » Qu’est-ce que ça veut dire ? Dans la bouche d’une nouvelle ennemie, ça sonne comme une mise en garde, ou pire… Une menace.
Mais est-elle réellement une ennemie ? La nuit a été si douce, les mots soufflés sur un ton doucereux et tiède. Les étreintes chaleureuses. Il a caressé son visage avec tendresse, la trouvant belle, grande, d’une élégance terriblement séduisante ; en l’attirant chez lui, le japonais s’est senti chanceux. Dans ses bras et ses paroles aux accents hispaniques, il s’est laissé perdre bien volontiers. Alors, est-ce que tout a pu être effacé par cette matinée conflictuelle ?
La femme lui provoque désormais irritation et échauffement, du genre mauvais. Les conquêtes reniées réagissent rarement comme elle l’a fait, ou du moins pas avec autant de verve et de fierté. Il la sent redoutable. Il redoute. De la voir pénétrer à nouveau dans son sanctuaire, de ne pas réussir à l’en faire sortir à nouveau ; il redoute sa vengeance, aussi, qu’il devine retorse.
Se laissant glisser dos à la porte, il s’assied à même le sol, caressant la tête de sa poule, juste entre les deux yeux, pour la rassurer. Les yeux du monarque s’habituent encore à la lumière. L’endroit est calme, presque trop, après une telle guerre de territoire. Mais il a gagné. Il ose un sourire.
A quel prix.
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