métro ,.
ode to sleep
C'est comme la dernière scène d'un film,
ça va vite,
si vite.
Susanoo ne sait pas, que son masque d'acteur, son faux-semblant de bonheur, est tombé depuis presque une heure et que son interlocutrice de la matinée a bien compris qu'il ne dit que des mensonges -- rien n'est vrai, tout est faux. Il a beau se croire plus malin que les autres, il n'est qu'un gamin à la recherche d'une confiance en lui qu'il n'a jamais trouvée -- excepté avec son frère. Oh, Susanoo -- c'est si difficile d'être soi, c'est si compliqué de dire la vérité ?
à tout malheur
quelque est bon
Il hoche vaguement la tête, se mord la lèvre -- probablement. Il repense à sa vie, à ces instants où il n'avait qu'une envie ; disparaître, ne plus revenir. Est-ce que dans ce malheur, il y a eu quelque chose de bon ? --
ah si, t'es mort et tout a disparu. Il esquisse un sourire malicieux. Elle est intrigante, cette personne face à lui ; sa relation complexe avec son frère, sa façon à elle de voir le monde. Susanoo est curieux -- curieux de ce qui lui échappe, curieux de ce qu'il ne saisit pas encore.
Elle voit la lumière.
Lui ne voit que le noir.
Des opposés mais pourtant --
vous êtes
bien plus similaire
que vous ne le
pensez
Il s'apprête à ajouter un commentaire mais son inspiration est coupée par l'ouverture des portes du métro par deux techniciens -- et voilà. C'est fini ; des minutes et des minutes dans ce wagon rien qu'à deux mais pourtant -- pourtant, en cet instant, Susanoo a l'impression de n'être resté que quelques secondes. Il entend comme un fond sonore l'un des techniciens lui dire qu'il peut partir (puisque lui est en bien meilleur état que sa partenaire) et ça lui arrache un sourire malicieux. Son regard espiègle se pose sur elle au moment où elle l'interpelle alors qu'il s'apprête à disparaître.
attendez
pardon, excusez-moi
elle sautille
elle manque de chuter
et s'accroche dans un geste
presque désespéréLe contact -- de nouveau -- le fait frissonner et il ne peut masquer sa gène, son envie instinctive et presque maladive de se retirer car sa bulle est si grande qu'il ne peut y accueillir personne, sauf Amaterasu. Et puis -- elle lui propose de lui rembourser ses lunettes.
Ah ouais ; merde.
Les lunettes explosées.
Il hausse un sourcil, légèrement surpris alors qu'il se décale de quelques centimètres pour prendre une distance de sécurité --
j'ai pas peur de toi mais c'est trop près ; elle lui tend son portable, dans l'attente, ajoutant un nouveau proverbe français sur l'amitié.
mais lui
il n'a jamais eu
d'ami
—
T'as les moyens, au moins ? réplique-t-il tout en saisissant le portable pour taper son numéro de ses doigts fins (il met en prénom 007 bien qu'il sait pertinemment que son identité est depuis longtemps dévoilée).
pas de merci
parce qu'il fonctionne ainsiIl ne va pas dire non.
Susanoo est un être qui fonctionne par intérêt -- si elle veut payer, il ne va jamais refuser ; au contraire. Pourtant, au fond de lui, il y a cette curiosité, cette petite note en bas de cette nouvelle page blanche, comme pour supplier de la tourner -- continuer un récit qui d'après lui n'était pas amené à être continué.
—
C'bon, ajoute-t-il en lui rendant son portable et en faisant signe à l'un des techniciens de venir l'aider pour la soutenir ;
j't'envoie un texto quand j'y vais, sois dispo !Il glisse un clin d’œil et puis, il disparaît.
Son ombre se fond dans le noir des couloirs.
prochain métro —