someone i don't deserve ft. ekō

Tu sais qu'il peut t'arriver de faire des erreurs. A toi plus qu'à d'autre, peut-être. Tu as conscience de ne pas être la chips la plus croquante du paquet.

Mais tu ne te tromperais pas sur l'heure ou le lieu d'un rendez-vous, quand même ? T'as trop l'habitude pour ça. A la rigueur, tu te mélangerais les pinceaux, si jamais ta semaine se trouve particulièrement chargée. Mais ça ne peut pas être ça. Non, cette fois ci, tu as choisi le jour le plus ensoleillé pour ton date au café Cupid. T'as même sorti une de tes chemises hawaïennes préférées pour l'occasion - celle avec les ratons laveurs*.

Tu assures au serveur que tout va bien, que tu ne devrais pas tarder à être rejointe. La déception que tu essaies de masquer est trahie par la main tremblante avec laquelle tu saisis ton verre d'eau avant d'en prendre une gorgée. Tu ne serais pas en train d'avoir une montée d'angoisse juste parce que la fille que tu avais rencontré au bar devait être arrivée il y a une bonne heure, déjà ?

Tu lui laisses combien, une demi-heure, une heure ? Tu ne sais pas. Ca fait longtemps que tu n'as pas eu ce genre de souci - avec les années qui passent, tu as de moins en moins envie de faire des rencontres. Il ne te reste plus qu'à soupirer en regardant tristement par la fenêtre.

Le timing est parfait, parce que ce dernier regard désespéré te mène à une silhouette, une silhouette dans laquelle tu te reconnais, parce qu'elle a l'air tout aussi perdue que toi. Et parce qu'elle te dit quelque chose, aussi. Un souvenir d'une ancienne époque.

Un souvenir qui porte le nom d'Eko.

Le sursaut que tu fais manque de faire tomber ton verre. Il te fallait juste un petit coucou du passé pour te remplir d'énergie. Il est rare que tu sois revigoré.e à ce point par quelque chose qui n'est pas nouveau.

Pas le temps d'y réfléchir. Tu es déjà dehors pile au moment où Eko passe devant les portes du café.

- Ca alors, Eko ! Tu t'écries comme si c'était étonnant de sa part de se trouver à Tokyo. Tu te souviens de moi ? Foulques ! Ah, à l'époque ça devait être un autre prénom, mais ça remonte, tu m'excuseras...**

Tu as envie de lui attraper les mains, voire de lae prendre dans tes bras comme tu as pu le faire à l'époque. Tu gardes tout pour toi - tu connais Eko, et c'est parce que tu l'apprécies comme elle est que tu parviens à respecter ses limites. Ca ne t'empêche pas de te balancer sur tes pieds, soudainement plein d'énergie.

- J'ai l'impression que ça fait des siècles ! Tiens, si t'as le temps, ça te dit de prendre un verre ? J'ai déjà une table.

Tu avais vraiment, vraiment envie d'essayer ce café, dont tu n'as entendu que du bien. Tu préfères être accompagné.e par Eko que par une quasi-inconnue, à ce stade. Ca ne te ressemble pas - c'est peut-être l'âge qui parle.

L'espace d'un instant, tu pourrais presque passer à côté du fait que, si tu te retrouves à chercher des visages familiers dans la rue, c'est parce qu'on t'a oublié comme un vieux t-shirt dans un coin de ce café. Peut-être que la fille - t'es même plus certaine de son nom, c'est la honte - avait compris que tu avais plus hâte d'essayer la carte que d'apprendre à la connaître.

Chassez le naturel, Ekō revient au galop.

Tu as envie de partir dans le cliché - de lui dire qu'iel n'a pas changé, que le hasard fait bien les choses, peut-être que tes pas t'ont inconsciemment mené à ellui. Tu choisis toujours la voie la plus empruntée. Sauf que ce n'est pas le choix de la sûreté qui t'a guidé.e dans les bras d'Ekō la première fois, si ?

Elle ne semble pas avoir oublié cette tradition - elle accepte ta présence et les implications migraineuses de celle-ci sans hésitation aucune. Tu admets qu'après l'échec de ce date qui n'a jamais été, ça fait du bien de savoir que ce n'est pas la terre entière qui a décidé de te tourner le dos.

- J'ai tellement de la chance de t'avoir vu.e, t'as pas idée.

Tu es adepte des paroles en l'air - pas cette fois.

- Ca aurait été dommage d'avoir personne avec qui partager cette table, tu ajoutes en conduisant ton amie à la table en question. T'es déjà venue ici ? C'est une première pour moi !

Tu es ravi.e d'enfin pouvoir faire signe au serveur, lui qui était en train de se demander s'il n'était pas temps de te demander de partir. Tu te ravises au dernier moment - tu as largement eu le temps de choisir, mais Ekō vient d'arriver, non, vient d'être traînée ici par toi. Tu préfères qu'iel ne se sauve pas tout de suite, et prends la sage décision de la laisser décider.

Les gens que tu prends la peine d'attendre se comptent sur les doigts.

- Tu trouves ? Tu rougis légèrement à sa remarque - tu ne t'attendais pas à cette retrouvaille, mais on ne s'attend jamais à une Ekō surprise qui traîne dans les parages. C'est ce que tu aimes chez elle. A croire que faire le tour des pays, ça change pas qui ont est au fond.

C'est tranquille, ici. Tu as l'impression d'avoir inspiré une huile essentielle qui aurait le même effet qu'un massage appliqué sur toutes les parties de ton corps. Tu peux juste... te poser. Et personne ne te jugera. Surtout pas Ekō.

- Les affaires marchent toujours, j'espère ? Mieux que les tiennes, ça, c'est sûr.

Ce n'est qu'avec une compagnie aussi charmante que celle que le ciel t'a envoyé que tu peux enfin te concentrer sur le menu sans crainte. Tu te rends compte que tu mourrais de faim - mais ce n'est pas Ekō qui te jugeras si tu te goinfres. (Un milkshake ou un smoothie ? Un éclair au café ou au chocolat ? Hmm...)

- Je te fais confiance, tu t'avoues vaincu face à toutes ces possibilités. Ce ne sera pas la première fois que tu lae suis aveuglement.

Tu fais signe au serveur que votre table est *enfin* prête à commander - il te lance un regard déjà exaspéré. Ca arrive souvent, quand tu rayonnes comme ça.

- Oh, Bootube ? Tes propres joues rosissent à l'idée d'Ekō, concentré.e derrière son écran, déterminé.e à avoir un avant-goût de tes aventures. Ca te fait toujours quelque chose de savoir que disparaître de la vie des gens ne signifie pas disparaître, pour autant. C'est gentil... Mais faut pas regarder en pause au boulot, tu risques de jamais reprendre sinon.

Et un peu d'arrogance, ça te fait toute la collection. On ne t'as jamais dit que tes vidéos étaient dignes d'un binge-watch - mais faire semblant, c'est toujours une bonne astuce.

- Je te montrerai, si tu veux, un clin d'oeil alors que tu finis de commander... beaucoup de choses, pour commencer. Tu compenses le temps que tu as fait perdre au café en faisant plaisir à leur chiffre d'affaires.

Tu t'en veux d'interrompre la drôle de petite danse qu'elle enchaîne aussi naturellement qu'elle te répond - on ne devrait jamais arrêter l'énergie de quelqu'un, surtout quand il s'agit d'une bande-son de jazz incroyablement bien choisie par le personnel du café.

Si tu prends des vacances, je viens avec toi, c'est ce qui serait presque sorti de ta bouche, si tu n'étais pas revenue à la raison au dernier moment. A la place, tu hoches la tête comme quelqu'un qui ne comprend pas vraiment ce qu'il fait là - tu détestes ne pas pouvoir dire tout ce qui te passe par la tête, mais tu vas éviter de tester les limites des gens que tu côtoies aujourd'hui.

- Si t'as besoin de recommandations... J'ai quelques idées d'endroits qui pourraient te plaire. Je pourrais faire guide touristique, en fait.

Se retrouver autour d'une table, c'est peut-être sympa pour votre estomac, mais ça a vite ses limites - des limites que toi, en particulier, tu ne peux pas ignorer. Rester assis.e et patienter, alors que toi et Ekō, à une époque, vous parcouriez les rues de Tokyo jusqu'à pas d'heure... Ca fait mal de le dire, mais toi comme ellui, vous vieillissez - mais vous ne perdez pas votre émerveillement d'enfants lorsqu'il s'agit des pâtisseries du Café Cupid.

- Franchement ? Je sais pas. J'avais l'impression... qu'on m'appelait. Toutes ces rencontres que j'ai faites ici, fallait bien que je revienne à un moment ou un autre !

C'est vrai. Et la façon dont tu n'es pas reparti.e depuis bien trois ans, et que tu ne ressens toujours pas ce besoin de changer d'identité et de tout lâcher du jour au lendemain... Ca sent pas bon pour tes habitudes, ça.

- Au fait, c'est Foulques, maintenant. Parce que ça faisait longtemps que j'avais pas pris un truc français. C'est rigolo, tu trouves pas ?

Alors c'est de ça dont les gens parlent, quand ils disent que les voyages ne sont rien sans les rencontres. Tu es le premier à l'affirmer, en réalité; mais tu n'as toujours pas compris que cette règle s'applique à toi aussi. Grâce à Ekō, tu peux vivre dans cette illusion.

- J'ai toujours le temps, tu lui fais un clin d'oeil. Iel comprendra. Que tu peux prendre toutes les formes désirées - que s'iel veut t'invoquer pour une soirée, tu te plieras à ses envies. T'as mes contacts, d'ailleurs ? Ou ça existait pas encore la dernière fois ?

Tu ne sais plus. Et tu auras oublié de toute façon.

Tu ne comprends pas comment tu fais pour te détacher de gens comme la nécromancienne - elle qui parvient si bien à faire taire cette envie de fuir. Mais tu dois toujours poser la question : est-ce que ses mains sont taillées pour les tiennes ? Est-ce qu'elle va manger en vitesse pour rentrer plus vite ? Est-ce que, comme avec la femme dont tu as oublié le nom, tu ne serais pas en train de te faire rouler dans la farine ?

Rien de tout ça n'est discernable derrière ton sourire, évidemment. Tu as retrouvé une vieille connaissance, alors il n'y a aucune raison de se plaindre. Tu enchaînes sur ses idées de projets, tu joues la comédie comme à chaque fois, c'est à dire à merveille. Ton rire a une touche de sincérité amère.

Et puis elle prononce ton nom - elle te l'emprunte comme un joyau qu'on reçoit, qu'on a peur d'abîmer mais qui reste fait pour être admiré. Quand elle te le rend, il est encore plus beau qu'à l'origine. Tu es soufflé.e tellement tu ne t'y attendais pas. Il faut admettre que ça fait s'enflammer tes joues. C'est le moment où le plateau de vos commandes est déposé sous ton nez sans que tu le ne voies arriver - parfait pour faire diversion.

- Purée, tu t'exclames des étoiles plein les yeux, c'est encore mieux en vrai !

Tu t'empresses de faire une photo, voire deux, parce que même si ton ventre crie famine, ta vie en ligne ne peut pas être négligée. Sur une des photos, Ekō occupe bien plus de place que prévu. Impossible d'ignorer son regard glouton face à ces petites merveilles sur son assiette. Encore un rire qui t'échappe, plein d'affection cette fois.

D'une main, tu fourres un premier éclair dans ta bouche. De l'autre, tu tends ton téléphone vers ton ami.e.

- Très memesque, tu commentes sans même savoir s'iel connaît la signification de ce mot. Tu peux en profiter pour t'ajouter en contact, si c'est pas déjà fait.

Ceci étant fait, tu te goinfres sans gêne aucune. Avec tous les sons que ça implique. On dirait que tu essaies de te faire virer le plus vite possible.