[FB] Two bros crying in the hot tub (part. 2)

Une angoisse pareille, une angoisse dont-il a l’habitude, comme se rappeler que quelqu’un lui en veut, comme se rappeler que peut-être quelqu’un risque de lui sauter dessus, comme avait pu le faire la personne en qui Alarick avait le plus confiance. Il doute en sa qualité d’être mort, à suivre un.e inconnu.e aussi loin et pourtant. Lorsqu’il se retrouve à regarder la boutique aux murs extérieurs qu’il connaît si bien, l’anxiété habituelle se tord en un arrière goût d’excitation. L’idée de pouvoir maintenant passer les portes. Personne ne lui interdisait avant à part sa propre personne. Mais aujourd’hui il ne l’écoute pas et c’est pour le mieux.

Rick se balance nerveusement d’un pied à l’autre tandis qu’il se tient là, dans la boutique quasi interdite, une mains baissée, comme pour se rassurer que l’animal qui le suit est bien là, animal qui ne disparaît pas, qui refuse de disparaître par peur de lui faire trop de mal. Il hoche doucement la tête, main qui tient toujours le fugitif. “Merci.”

Les mots résonnent en boucle car il n’a plus que ces derniers à offrir, une reconnaissance qui vibre au fond de sa poitrine, qu’il désire encore et encore faire savoir. Il zieute la salle de pause, ne sait où se poser par peur de salir quoique ce soit et finalement il reste debout, incapable de se décider, regarde l’inconnu.e partir sans pour autant chercher à lea arrêter, incapable de faire une décision autre que respirer. Il a peur. Terrifié d’avoir fait le mauvais choix et pourtant la sensation vibre encore et encore.

Il refuse de bouger, refuse de faire un café, de toute manière il n’aurait pu le faire couler dans sa gorge trouée. Mais l’idée est douce et pendant un instant il se revoit dans son étroite cuisine, café entre les mains et sourire sur son visage. Il se souvient partager une douceur avec sa femme dès le matin. Souvenir douloureux qu’il s’empresse d’oublier tandis qu’il plante ses yeux dans ceux du chien.

Il s’y perd presque, dans les yeux du chien, à oublier qu’il se tient à un pas de sa nouvelle liberté. Il sursaute finalement lorsque l’autre rentre dans la pièce, regarde ses gestes avec insistance, peur certaine qu’iel fasse une bêtise, qu’iel tente de les faire exploser l’un comme l’autre.

Les mots manquent presque de sens lorsqu’il les écoute mais il hoche doucement la tête à son attention. Il comprend, il entend, il a juste peur. Une oreille qui revient, une mâchoire, des envies, des rêves qui étaient pour lui infaisables et maintenant? Il peut se permettre de rêver. “C’est vraiment pas grave.” Bien sûr que non c’est pas grave, il va ravoir des morceaux de lui qui tiennent ensemble. “Merci.” Encore et toujours, iels y reviennent.

“Je-heu. Moi c’est Alarick.” Parce que s’il va mourir il aimerait au moins connaître le nom de la personne avec qui il vient partager sa dernière pensée. Il hoche doucement avant de prendre la bouteille que lui montre l’inconnu.e et de la boire comme expliqué auparavant.

Il souffre d’abord. Incertain de ce qu’il se passe mais il souffre tandis qu’il se bat avec remet son oreille, remet sa mâchoire et il souffre, peine mentale plus que peine physique.

Pour être entièrement honnête avec sa personne, Alarick ne savait pas réellement s’il voulait voir le sérum réussir. Il ne s’en trouve pas méritant, il ne pense pas avoir ce qu’il faut pour ressembler de nouveau à une vraie personne, lui trop habitué à être de la charpie, à descendre chaque partie de son corps l’une après l’autre.

Il reste assis sur la chaise, suit du regard nerveusement Basil avant que ce dernier ne quitte la pièce et ses yeux retrouvent le vide. Il reste assit là jusqu’à ce qu’il n'ait plus à tenir sa mâchoire, jusqu’à ce qu’elle soit finalement rattachée au reste de son visage. Il reste là jusqu’à ce que le poids de son appareil auditif le force à le sortir de sa poche, qu’il le glisse finalement dans l’oreille qui refusait de fonctionner jusqu’à présent et Alarick ferme les yeux un court instant, capable d’entendre de nouveau de cette oreille qui n’était plus la sienne à présent. Le bruit est fort, bien trop violent par rapport à ce dont il est habitué mais il sonne si doux.

Ses yeux se rouvrent sur l’animal assit devant lui, boule de poils qui semble aussi décontenancé que sa propre personne. Ses mains ressemblent à quelque chose maintenant, son corps entier semble se reconstituer et lorsqu’il passe une main sur sa joue, la chaire ne reste pas en lambeaux entre ses doigts. Il ne sait absolument pas combien de temps il lui faut, combien de temps il reste assis là, à attendre que son corps arrête de le torturer et finalement, après avoir attendu de longues minutes sans un quelconque changement, Alarick zieute ses mains.

Douces, complètes, propres. Ses doigts tremblent, sa gorge se noue et il plante ses dents dans sa lèvre inférieure pour- ses dents. L’homme ouvre la bouche pour toucher les dents qui sont maintenant siennes. Il pue certainement, toujours un reste décharné mais il passe ses doigts sur les incisives, il passe un doigt longtemps sur ces dernières, coince son majeur entre les deux mâchoires pour mettre un peu de pression. Il ferme ses yeux. Ferme ses yeux pour de vrai. Paupières intactes, complètes, qui lui permettent finalement de se cacher du monde et il lui est possible de ne plus voir, de se retrouver plongé dans les ténèbres, seul avec lui-même pour une première fois depuis si longtemps. Le sentiment lui apporte la nausée, une autre vague liée à celle qui résidait déjà au fond de sa gorge et il se bat de nouveau pour arrêter des larmes.

Un gémissement est coincé au fond de sa gorge, une peur au fond de l’estomac et une incertitude devant ses yeux lorsqu’il zieute la porte fermée de la salle de bain. Il pourrait, il devrait. Mais il a peur. La pression contre sa jambe, l’animal qui vient frotter sa tête avec douceur le force finalement à se relever. Le corps ne pli pas, le corps est fort et il fait un pas en attendant la chute mais il retrouve quelque chose de fonctionnel dans ses jambes. Alarick fait un pas, puis un autre, puis il pousse la porte.

Sa gorge est nouée lorsqu’il marche jusqu’à la vasque, les yeux refusant de croiser son propre reflet, intéressés seulement par ce magnifique robinet qui ne lui apporte aucun intérêt finalement. Il prend une longue respiration, motivation douloureuse mais finalement il relève la tête.

Le visage qui le regarde est le sien.
Le visage qui le regarde est celui d’un homme qui est mort quinze ans auparavant.
Visage d’un père et d’un homme perdu.
Visage qui porte la marque de la trahison de son frère. Visage qui ne semble vouloir laisser disparaître la douleur que fut la balle qui entra son crâne, pendant ce bref instant où il laissa transparaître la sensation qu’il pourrait s’en sortir. De ces yeux qui s’étaient fermés sur le plafond d’un vieil entrepôt. Le visage est le même. Douloureux à reconnaître et douloureux à porter.

Ses traits se voient déformés quand un sanglot décide finalement de s’échapper de ses lèvres et après le premier suivent les autres et il se trouve incapable d’arrêter les larmes et les bruyantes effusions de sentiments qui s’échappent de sa poitrine. Il tend une main vers son propre visage, retrouve ici les traits qu’il reconnaît si bien et son cœur saigne devant l’image. Qu’est-ce qu’il a accepté de devenir pendant ces quinze dernières années. Qu’est-ce qu’il a pu bien faire?

Il faut qu’il trouve Basil, il faut qu’il remercie Basil, il faut qu’il lui fasse comprendre, que cette chance qu’on vient de lui donner, que la possibilité d’être lui-même de nouveau, il ne sait plus quoi en faire.

UIl lui faut un peu trop de temps pour se retrouver dans ses traits. Encore plus de temps pour accepter que l’inconnu qui est là est sa personne et assez pour assagir ses larmes. Il n’avait pas pensé à quel point sa propre existence pouvait lui manquer. Alarick avait accepté que lorsqu'il avait pris la potion, lorsque son corps avait refusé de revenir à la vie, que son être s’était fondu dans l’existence, il serait celui qui se perdrait. Il avait accepté l’idée qu’il ne se reverrait plus lorsqu’il s’était vu décrépir. Il avait accepté l’idée qu’il ne serait plus jamais celui qu’il avait été un jour. L’idée était douloureuse et pourtant elle était sa réalité.

Et maintenant les choses ont changé. Maintenant il se voit offrir une seconde chance. Ses mains agrippent nerveusement la vasque, comme si la tenir avec toute cette volonté pourrait l’aider à aller mieux. Une idée ridicule mais quelque part il arrive à retrouver une sensation de calme bien plus rapidement qu’il ne pensait. Et finalement Alarick repousse les larmes du revers de la main, repousse cette haine qui a germée à l'intérieur de lui-même pour sa propre personne. Il essaie, il se bat et finalement il se trouve à réussir, à se regarder.

Le bruit de vaisselle le surprend et il se retrouve, Alarick est prêt à affronter le regard de quelqu’un d’autre. Un pas nerveux, il passe finalement la tête puis le reste de son corps, se pose devant Basil. Ce dernier, en toute honnêteté, n’a pas l’air plus frais qu’il ne l’était vraiment. La blague le prend de court et il se retrouve tout de même à rigoler. Il apprécie le silence sur les larmes, sur ses yeux bouffis. Il apprécie la paix que lui offre finalement l’autre.

Il plisse les yeux avant de venir hocher la tête. “Volontiers.” Des années déjà qu’il n’a pas fumé, pas depuis sa mort, ancien gros consommateur, il se souvient avoir fait des choses qui auraient pu l’amener ici bien auparavant. Il sautille nerveusement avant de se rapprocher de la table, tappe ses doigts qui résonnent, teste la capacité de son corps à être d’accord avec ses agissements.

Il s’approche nerveusement, comme une peur fugace avant de venir encercler Basil de ses bras. Une courte affection qu’il ne veut pas laisser s’allonger de peur de mettre mal à l’aise mais il ne pouvait contenir sa joie. “Merci. Beaucoup.”

A aucun moment Alarick a pris le temps de considérer qu’il pourrait mettre l’autre mal à l’aise. Son propre bonheur est en train de brouiller toutes les performances qu’il pourrait fournir. Il se tenait là, pourtant Alarick n’est pas aveugle, il voit bien, il a conscience que trouver un inconnu dans une poubelle n’a de sens que pour les deux concernés. Il pourrait prendre un moment, y réfléchir , savoir que l’autre inconnu est tout aussi victime de la situation qu’il l’est actuellement. Mais il n’en prend pas conscience, réfléchira à cet égoïsme plus tard, seul dans une chanvre.

Ses mots résonnent mollement et seul Alarick décide de tituber doucement en arrière. Pas trop loin, comme s’il avait peur de tomber dans ses bras, peur de n’avoir quelqu’un pour le rattraper. Il est toujours aussi surpris, que son corps tienne si bien les membres qui refusent de s’échapper. Il zieute un instant le visage froid, zieute les iris fatiguées de Basil et quelque part il a peur de ce que l’autre va lui demander.

Le cœur rate un battement, personne n’a été aussi proche de sa personne depuis bien longtemps. Personne n’a osé l’approcher, oser être si… présent dans son espace vital et Alarick se retrouve incapable de bouger, douvrir la bouche tandis que Basil vérifie la marchandise? Il est la marchandise. Parce qu’il est maintenant un nouveau moyen pour le nécromancien de se faire de l’argent, évidemment.

“Je-” Oui. Evidemment. Peut-être bien pour la sécurité qu’est la sienne qu’est celle de l’autre, Alarick repousse nerveusement l’inconnu, fait un pas contre la table, bruyamment cette dernière bouge et il fait un pas en arrière. “Je sais. Je sais.” Il veut payer, il compte payer, il paiera mais pas… de cette façon? Si l’idée était suggestive. Il ne sait pas, il n’est pas sûr finalement? Parce que Basil n’a pas l’air d’être une mauvaise personne mais il semble tout aussi perdu que lui. “Je n’ai pas les moyens de payer maintenant?” Plus une question qu’une réalisation. Il n’a personne à qui demander de l’argent, personne pour redevenir quelqu’un maintenant. “Mais je compte… rembourser.” D’une façon ou d’une autre?

Il relève un regard amer vers Basil.

Pendant un court instant pourtant bien trop long son ton lui rappelle le même qu’avec son frère lorsqu’il a pointé l’arme sur son front. Si Alarick a oublié le visage de sa fille, ce dernier et le ton qu’il avait, joueur pour quelque chose, quelques secondes avant l’infamie, la sensation ne l’a jamais quittée. Ses yeux freezent et son cerveau déconnecté, un sentiment oublié ressurgit, comme une peur fugace et il a l’impression qu'on va se débarrasser de lui une nouvelle fois. Qu'est-ce qu'a fait Markus de son corps? Est-ce qu’il l’a balancé dans le Sprée? Fait disparaître les preuves avec ce même regard sur le visage?

Sa lèvre tremble et il sait que l’autre n’a pas voulu le rendre si engourdi et pourtant la sensation ne veut pas fuir son corps. Il zieute, tourne le visage de nouveau, pour fuir les yeux de l’autre mais ils ont ce petit quelque chose qui restent collés à ses rétines. “Rigoler.” Markus ne rigolait pas. Alarick lève une main à son front une nouvelle fois, frotte la cicatrice qu’il a pu voir dans le miroir. Il a tenté de passer ses yeux dessus, de la voir disparaître mais le signe est encore bien trop violent dans son cerveau, refuse de le quitter encore et encore.

Sa salive est granuleuse, reste coincée dans sa gorge lorsqu'il entend une nouvelle fois son sort se sceller. Demain il retournera au visage infâme, aux membres tombant. Et maintenant qu’il a goûté à cette nouveauté, il ne peut plus dire au revoir. “Je prends l’ardoise.” Parce qu’il ne pense plus être capable de s’apprécier, lui qui n’en était déjà pas capable avant, il serait bien ironique de sa part de commencer maintenant alors qu’il a enfin un nouveau goût de son ancien lui.

Il se retourne de nouveau, zieute la seconde potion sur la table sans comprendre. Potion pour l’odeur ou c’est une seconde pour son apparence? Il penche nerveusement la tête avant de se saisir du roulé que lui a fait Basil, penche la tête pour lui voler un peu de feu avant qu’il fasse disparaître l’ensemble. “Merci.”

Une grande respiration, quelque chose qu’il n’a pas fait depuis longtemps et Alarick regarde Basil de nouveau. “J’ai du mal à comprendre. C’est une potion d'esthétisme mais du coup il m’en faut une pour ne… pas sentir?” Il fronce les sourcils. “Il n’existe pas une double? C’est trop dur à faire je suppose? Comment vous faites les potions?” Oh. Il semblerait que l’homme qu’il était avant commence à ressortir, tout ce dont Basil n’a pas besoin ce soir même.