Félicitations, tu commences hier
Une des nombreuses qualités à avoir quand on est patron d'une entreprise, c'est la capacité d'anticipation. En plus de vingt ans, est-ce que tu l'as acquise ? À en juger ton embarras lundi matin en réalisant que tu n'as engagé personne pour remplacer un larbin qui a terminé son apprentissage aux catacombes la semaine précédente... pas du tout.
Faut toujours que tu t'occupes de ces histoires ennuyeuses dans un rush total qui aurait pu être complètement évité. Au moins ça rend les tâches administratives plus trépidantes, quand elles sont motivées par la panique... Tu n'aurais convaincu personne avec ça, tandis que tu croulais sous des documents dont tu avais oublié jusqu'à l'existence, tout ça parce que tu as cherché dans quel foutu tiroir tu gardes les CV des candidatures spontanées.
Mis en échec par ton propre bordel, tu t'es résolu à allumer ton PC pour demander pour la ixième fois des renvois de mot de passe sur tes plateformes d'employeur ; tu mets si peu souvent à jour tes profils que même en notant sur un post-it ou dans un carnet les codes tel un vieux, tu finis toujours par les perdre. Tu t'es connecté, tu as rédigé des offres de vendeur·euse-magasinier·ère à temps plein, à temps partiel, en intérim, à l'arrache, tu as écrit "URGENT" et "POSTE À POURVOIR DÈS QUE POSSIBLE" – en capitale, au cas où ce n'était pas évident –, tu as donné tes méthodes de contact et tu as publié.
Bien, et ensuite ? Bah t'as dû attendre, Einstein. Et t'attends encore, ça fait des jours que tu attends. Une notification par mail, un appel téléphonique, un·e inconnu·e avec un papier en main attendant nerveusement devant ton comptoir, même un pigeon voyageur, n'importe quel signe providentiel indiquant qu'enfin quelqu'un va venir à ton secours pour que tu puisses t'accorder le luxe de souffler entre deux livraisons qui te cassent les reins, entre deux commandes de potions qui te cassent la tête, et entre deux client·e·s qui te cassent les-