Retour d'expérience • Vela & Célestin

Célestin est un être profondément naïf.
Et aussi et probablement profondément optimiste. Il ne voit pas l’intérêt de prêter en première rencontre des intentions mauvaises. Des éclairs de lucidité, il en a parfois, mais il est bien aisé de les étouffer dans l’œuf avant qu’elles ne finissent par ne prendre trop de place dans son esprit. C’est ce que tu as fait, et ton silence léger lui fait songer que tu as dû - toi également - croiser des collègues animé.es d’intentions mauvaises, notamment par l'appât du gain.

Que dirait-il s’il découvrait ta véritable manière d’exercer votre art ?
Et ton véritable but ? Est-ce que la fin justifie les moyens ?
En voilà un beau problème éthique.

Mais tes pensées et les siennes sont brusquement arrêtées par un pet.
Sonore en premier lieu - personne ne pourrait prétendre ne pas l’avoir entendu, même avec la meilleure volonté du monde et à moins d’être atteint d’une surdité profonde aux deux oreilles. Mais par la suite, infiniment odorant. Célestin écarquille les yeux de surprise et, par réflexe, plonge le nez au-dessus de sa tasse de thé fumante, en espérant que l’odeur suffise à couvrir la tienne.
Ça ne fonctionne pas, bien malheureusement.

“Et bien dis donc !”
Eh bien, s’il pensait que tu allais adopter cette ligne de défense, il en fût bien surpris. “Je ne sais pas ce que tu lui donnes à manger mais ça à l'air de faire de l'effet !”
Ah non, tu accuses Roquette.
Car oui, Célestin est un être profondément naïf. A ce point, néanmoins, pas vraiment. Il a bien compris que tu étais à l’origine de ce pet.
Ou bien a-t-il bien compris ? Ou s’est-il fourvoyé ? C’est fort possible après tout, ce ne serait pas la première fois que Roquette commet des ignominies comme celle-ci. Célestin la regarde donc, le nez toujours dans sa tasse : elle le regarde en retour, avec un air endormi, allongée au sol, la tête sur les pattes.
Elle a la tête du parfait coupable.

“Eh bien… Des croquettes ? Peut-être que je devrais changer de marque, celles-ci m’ont toujours paru bonnes pourtant.”
Il s’en persuade soudainement.
Il toussotte, décidément cette odeur ne partira jamais.
“Tu m’excuseras, je vais aller ouvrir les fenêtres.”
“Ou si tu préfères, on peut aller dans la véranda.”

Ce sera peut-être le mieux à faire, parce qu’il n’a clairement pas l’envie de virer Roquette de son coin sur le carrelage.