La fin de tes phrases semble être absorbée par le silence qui les suit inexorablement. Tu n’as plus autant de difficultés à articuler ce que tu souhaites lui dire mais ça ne reste pas facile pour autant. Souffle court, mesurant chaque mot choisi presque à la syllabe près. Peut-être qu’un jour, parler de ce qui se trouve derrière le mur que tu dresses sera plus simple -mais pas aujourd’hui. Tu restes cependant satisfait, relativement, de la manière dont tu as réussi à t’expliquer et expliquer la situation. Tu en dis suffisamment tout en évitant de te répandre dans des phrases trop longues et sans te prendre les pieds dedans et tituber. Tu le vois hocher la tête à mesure que tu parles ; il t’écoute. C’est presque rassurant. Son rire, un peu moins.
« C'est ta spécialité. »
Mérité.
« Je peux pas avoir que des qualités. »
La liste de tes qualités serait bien plus rapide à faire que celle de tes défauts, cela dit. Planqué derrière ton humour douteux, tu gâches habilement qu’il appuie là où ça fait mal. Tu aimerais lui demander si c’est sa spécialité mais tu connais déjà la réponse ; et au fond c’est pas comme si ça te dérangeait vraiment. Sinon qu’est-ce que tu ferais là, accoudé à son comptoir mmh ? Il pourrait t’en vouloir encore et au fond tu t’es déjà posé la question -plus d’une fois. Mais tu en doutes. Et au pire, ça t’explosera un jour au visage -comme d’autre bombe bien réelle et tu as survécu.
« Garde en tête que cette fois, c'est de la faute de la potion, pas de la mienne, mh ? Je suis magnanime et je comprends la connerie humaine, mais je t'autorise pas à m'esquiver plus d'un mois. »
Il faut croire qu’il n’en avait pas fini avec toi. Et c’est pas comme si tu pouvais simplement lui dire que tu lui promets, n’est-ce pas ? Tu t’accoudes un peu plus, le visage porté par la paume de ta main alors que tu le regardes s’affaler sur le comptoir. Il te ferait penser à un chat comme ça et ça te fait ricaner -pas longtemps. La pichenette que tu te reçois te coupe dans l’élan et encore une fois, c’est mérité.
« Aïe. »
Comme si ça t’avait vraiment fait mal. T’es un peu plus résistant que ça.
« Cette fois, je viendrai te chopper par la peau des fesses s'il le faut.
Mmh, ça sonne comme une menace. »
Tu lui sors ton sourire d’idiot un poil narquois alors que tu passes ton doigt entre tes sourcils avant de jouer avec une des mèches de ses cheveux. Évidemment que tu ne peux t’empêcher de continuer à jouer au con, tout ça pour cacher le fait que tu es en pleine réflexion. Ce que tu fais très mal, puisque tes yeux trahissent à quel point tu es perdu dans tes pensées alors que tu continues de passer ta main dans ses cheveux. Tu penses savoir et comprendre ce qu’il veut réellement te dire par là. Tu cherches simplement comment lui répondre, avec honnêteté ce serait bien.
« J’te l’avais dit non ? J’irais nulle part, plus maintenant. D’ailleurs … »
Retirant doucement tes doigts de ses cheveux, tu finis par t’étaler aussi le comptoir, l’imitant comme un miroir un peu difforme. Avec ta taille, t’as un peu moins de grâce et de facilité à rester comme ça.
« … Je peux rester un peu ? »
Tu pourrais te justifier en disant que ça la fout mal de faire l’aller-retour juste pour demander un service. Ou même que tu risques de cogiter un peu trop, comme d’hab’, si tu rentres maintenant. Mais la vérité c’est surtout que t’as juste envie de rester un peu, sans forcément de raison. Même si, de toute façon, tu seras bien obligé de repasser par chez toi d’ici après-demain.
Résumé
652 mots
Tantine ne pas jouer les idiots challenge