Par dessus la troisième corde !!!!! - FT Constantine

« Quand vous aurez fini, vous pouvez laisser les affaires là-bas et rentrer chez vous.

Okay ça marche, merci ! »

La porte des vestiaires se referme. Tu t’étires un coup, fait craquer tes doigts dans le processus. Voilà donc la Bunkyo. T’as jamais été très intéressé par le catch -faut dire que tu as déjà pas tant de temps que ça à accorder à tes passions, mais le bâtiment attise ta curiosité. En arrivant, tu as vu le monde qui attendait, la foule qui parle et réclame ses catcheuses. Tu poses tes affaires dans un coin, te remontant les manches. T’avais pas eu le temps de te changer avant de venir à cause d’un rendez-vous un peu plus long que d’habitude ; te voilà donc en train de faire le sol d’un vestiaire en chemise et pantalon droit. C’est pas le plus agréable, mais tu vas faire avec. Et puis tu vas pas mettre tes patient·e·s à la porte pour prendre le temps de te refaire une beauté, non, tu préfères sacrifier ton temps. Bien que le vestiaire soit assez silencieux et vide de toutes résidentes, tu entends au loin les clameurs que tu avais déjà commencé à entendre à ton arrivée.

Tout en jouant du balai et de la serpillère, tu te demandes si tu auras le temps de voir un bout de match. Après tout, t’es déjà sur place non ? Ça serait dommage de pas en profiter. Tu t’es renseigné un peu lorsqu’on t’a appelé pour faire le ménage dans les vestiaires et tu as été assez étonné de voir que c’est une fédération qui accueille beaucoup de chimères ; et totalement fermée aux hommes. Tu as été d’autant surpris qu’on fasse appel à toi dans cette situation, mais un remplacement d’urgence ça n’attend malheureusement pas. En contrepartie t’as promis de terminer avant la fin des matchs, alors tu t’actives. Tu fredonnes pour passer le temps, tu regardes par moment l’horloge accroché au mur avant de reprendre avec autant d’entrain. C’est long, pas forcément le boulot le plus fun, mais ça te dérange pas. Ça t’aidera à finir le mois -un souci qui se poserait moins souvent si tu faisais payer un peu plus souvent tes séances à tes patient·e·s.

D’un coup, ça hue. Puis ça crie. T’es un peu intrigué alors tu fais une petite minute de pose le dos posé contre la porte, ce qui te permet d’écouter ce qui se passe. Ça te semble lointain mais suffisamment clair pour comprendre qu’un match se déroule et qu’apparemment ça ne se passe pas au mieux. Peut-être. Les huées t’ont probablement mis sur la voie. Tu reprends alors que des bruits sourds parviennent parfois jusqu’aux vestiaires. Tu commences à débarrasser ce qui te traîne dans les pattes et, alors que tu es derrière une rangée de casiers, la porte claque contre le mur sans prévenir. Tu sursautes, surpris d’entendre quelqu’un entrer alors que dehors ça crie encore.

« PUTAIN !!!! PUTAIN !!!! PUTAIN DE MERDE !!! »

Ton deuxième sursaut de la soirée. Décidément. Tu poses la poubelle que tu portais sur le sol, penchant la tête pour voir ce qu’il se passe. Sauf qu’au même moment, un grand bruit semblable à du verre qui éclate résonne. Ça te sidère quelques secondes, t’obligeant à inspirer et exprimer lentement pour te calmer. Parfois, t’as encore du mal -surtout si t’es pris par surprise. Mais tu vas pas rester planqué, non ? Alors tu t’avances doucement. Face à toi, tu vois une personne qui se semble jeune -mais dans une sacrée forme. Enfin, si tu omets sa main droite en sang et les gouttelettes qui en tombe sur le sol fraîchement lavé. Mais ça te traverse pas l’esprit. Non, ton esprit est préoccupé par autre chose.

Tu as l’impression de la reconnaître.
Et elle semble souffrir. Tu inspires doucement. Elle te tourne le dos ; pour le moment.

« Excuse-moi … »

Tu continues en prenant un ton calme et lent

« Est-ce que t’as besoin d’un coup de main ? Genre … kit de soin ? Faut pas laisser comme ça sinon ça risque l’infection. »

Elle pleure, elle pleure tellement que tu n’es pas sûr que l’état de sa main soit la seule responsable de son mal-être. Elle se retourne et son expression est instantanée ; elle semble terrorisée, prête à t’en mettre une alors que son visage est couvert de larmes. Tu t’arrêtes net, t’as pas envie d’envenimer la situation. Mais tu prends le temps de l’observer alors qu’elle te fixe et son visage t’es vraiment très familier. Ta mémoire te jouerais-t-elle des tours ? Non. Tu sais que t’es vieux mais quand même, pas à ce point. En tout cas t’espères. Puis sa voix s’élève, teintée de colère et de ressentiment. Elle te parle de sa mort -en tout cas c’est ce que tu en conclu, de résurrection, de dépression. Toi tu restes là, à l’écouter sans savoir quoi faire de tes bras. Tu peux pas vraiment la laisser comme ça seule et blessée. Puis elle te parle d’une Jenny et tu ne sais pas qui c’est mais tu hoches doucement la tête. Manifestement le reste de sa mort ne s’est pas très bien passé vu qu’elle te parle de tromperie ; ce que tu aurais fait ? Bonne question. T’es pas trop du genre à te caser, mais tu te dis que ça reste pas terrible. Tu finis par comprendre qu’elle te parle probablement d’une autre catcheuse. Tu raccroches les wagons autant que possible tout en lui laissant assez de place pour ne pas envenimer la situation.

« Putain, putain, putain, putain, putain, putain. S A L E  C O N N A S S E !!!!! »

Ça te surprend, mais pas autant que quand tu la vois se diriger vers le mur le plus proche et d’essayer de le faire exploser à coup de poings. Tu te précipites en marmonnant quelque chose mais quand tu arrives à sa hauteur, elle s’est déjà arrêtée. Maintenant les murs aussi ont cruellement besoin d’un coup de nettoyage, mais c’est rien face à l’état de sa main. Mais elle semble pas en avoir terminer. Tu le sens mal, cette histoire.

« J’vais lui botter le cul, oui c’est ça j’vais lui botter le cul. Et reprendre mon titre, et tout ira bien. »

Et voilà.

« Ola, attends deux secondes »

Il se plante devant elle, lui coupant totalement le chemin. Peut-être pas la décision la plus éclairée mais tu peux pas la laisser saigner comme ça jusqu’au ring -ou ailleurs vu comment elle a l’air prête à se défouler. Et puis ça fait tilt ; son air à la fois de terreur et légèrement vulnérable, les cheveux. Tu l’avais pas reconnu car tu repenses encore à son costume, mais ça te semble évidemment maintenant.

« Sadie, c’est ça ? Écoute, je sais pas trop ce qu’il y a eu entre toi et cette autre nana que tu qualifies de « connasse » mais j’crois que tu devrais vraiment faire un truc pour ton poing »

Tu soupires et tu regardes autour de toi mais tu vois pas de trousse.

« Bouge pas, je vais essayer de trouver un truc- »

Peut-être que tourner le dos à quelqu’un qui vient de s’exploser la main de colère n’est vraiment pas le bon truc à faire.

Elle s’arrête, tu lui tournes le dos. Sauf que tu entends un bruit et en te retournant, tu ne peux que contempler son visage écarlate, couvert de larmes et bouillonnant de colère. Tu pourrais même parler de haine à ce niveau-là, ce qui te prend au dépourvu. Tu essayes de te demander si tu as fait quelque chose de mal ; peut-être qu’elle n’a pas aimé que tu te plantes devant elle, entre ses poings et le mur ? Peut-être que tu as dis quelque chose qu’il ne fallait pas. Tu n’es pas réellement sûr de ce qui peut se passer derrières ces yeux rempli de rage, mais tu finis par l’apprendre -et vite. Elle devient menaçante et elle se remet à parler fort et de manière intense. Elle te demande si tu la crois faible ; non. Si elle a besoin de ton aide ; tout est relatif, vu l’état de ses poings tu aimerais lui dire oui. Elle te dit qu’elle n’est pas fragile et qu’elle pourrait te démolir ; elle a probablement pas tout à fait tort. T’as de bon reste, mais ton rythme de vie ne te permet pas de faire preuve d’autant de force qu’une catcheuse confirmée.

Pourtant tu n’as pas vraiment peur. Oh bien sûr ça te surprend de la voir aussi énervée contre toi. Sauf que toi, tu es surtout inquiet et cette inquiétude prend totalement le pas sur la peur. Tu te demandes ce qu’il a pu se passer pour qu’elle soit aussi … En colère. Tu as du mal à la suivre mais tu fais de ton mieux pour l’écouter, toi qui passais le balais il y a encore pas si longtemps. Elle se raidit, tout son corps semble sous tension et tu te demandes ce qui peut lui passer par le crâne. Mais tu ne dis rien, tu restes là debout devant elle en attendant une ouverture, un moment qui te permettra de faire redescendre la pression. Et puis elle remonte d’un cran, te parlant des hommes. Les hommes. Difficile de lui en vouloir. T’en as connu un paquet. Tu sais qu’ils y en a beaucoup trop qui sont des raclures. Et même si tu es toi-même un gars, sa colère te semble légitime. Compréhensible. Elle te parle de sa mort et ça te fout un coup au cœur. Elle te rappelle ta dernière petite patiente. Personne ne devrait connaître ça. Tu restes calme car la situation l’exige. Mais au fond de toi, tu commences à voir la raison de sa colère et pourquoi il brûle aussi fort.

Elle te range dans le même panier, mais tu l’acceptes. Elle te parle, mais elle te regarde autant qu’elle regarde à travers toi. Elle te hurle dessus mais finalement tu as l’impression qu’elle hurle sur les fantômes de son passé. T’es un bon punchingball verbal et tu l’acceptes. Tu n’es pas énervé, terrifié ou même agacé. Tu acceptes juste que là, à l’instant T, c’est ce dont elle a besoin et qu’essayer de te défendre ou de réfuter ses accusations ne serviraient à rien. Pas tant qu’elle est aussi en colère en tout cas. Elle continue de saigner et tu ne peux t’empêcher de regarder ses poings avec ce regard plein d’inquiétude. Sauf que voilà, elle se met à se frapper et tu peux pas rester là les bras croisés.

« Je dois pas pleurer, je dois pas pleurer, je dois pas pleurer. Pleurer c’est pour les faibles, c’est pour les faibles, je suis pas faible. Non, je suis pas faible. Moi je suis forte, je suis en acier. Ils ont jamais voulu de moi, mais je les ai tous éteint, et je vais lui botter le cul comme j’aurai dû le faire il y a bien longtemps. Je suis pas faible. Pas faible. PAS FAIBLEEEEEEEE !!!!!! »

Tu t’avances d’un coup et tu places tes bras autour de sa tête sans la toucher. Elle se met à te marteler les bras très forts et ça te tire même une petite grimace de douleur mais tu tiens. Tu n’essayes pas de l’empêcher ; tu veux pas qu’elle se sente prise au piège. Et tu as la sensation que ça ne l’aiderait pas.

« Sadie … SADIE. Respire. »

Tu ne crie pas, mais tu essayes de couvrir le bruit que ses gestes font en ayant la voix qui porte légèrement ; juste assez pour être entendu.

« Sadie, tu peux pleurer, tu as le droit de pleurer. T’es pas faible, t’es pas en danger, tu es en sécurité au Bunkyo, personne ne te fera rien. Tu es capable de te défendre, t’es capable de leur faire face. Mais si tu continues tu vas finir par te faire réellement mal. Alors respire doucement et essaye de rebaisser tes poings, il faut qu’on les soigne. »

Elle te repousse sans ménagement, tu recules d’un pas pour lui laisser de l’espace. Tes avant-bras te font un peu mal à cause des coups ; mais tu gères. T’as connu pire -pour l’instant tout du moins. La colère continue de déformer les traits de son visage là où le tien reste calme, presque impassible. C’est pas souvent que ça arrive, toi qui a un visage très expressif au point d’être la parfaite définition de « lire comme dans un livre ouvert ». Alors pourquoi ? L’inquiétude, déjà. Et parce que au fond, malgré toi, tu gères déjà la situation comme tu la gérerais avec une patiente. Garder de la distance, essayer de trouver un moyen de communiquer tout en protégeant. Tu devrais peut-être avoir peur, mais tu te rends compte que c’est pas le cas. Au pire t’auras un truc de cassé.

Tu te rends rapidement compte que son rapport aux larmes et à la faiblesse est … Intense. Elle te parle de bétail, des faibles. Même si tu l’écoutes sans l’interrompre, tu secoues quand même la tête de gauche à droite. T’es pas d’accord et tu le fais savoir sans même avoir besoin d’exprimer le moindre mot. Et elle continue en mentionnant les émotions, la vulnérabilité et la trahison. Tu commences à y voir un peu plus clair, suffisamment pour la comprendre au moins un peu. Au fond, toi aussi t’aimes pas être vulnérable. Tu caches les choses en les tassant un maximum dans un recoin de ta tête et de ton cœur et tu espères que personne n’ira gratter par là-bas ; et si ça arrive tu détournes l’attention en rigolant. Peut-être que c’est hypocrite de ta part d’attendre des autres d’être capables de faire preuve de fragilité quand t’appliques même pas tes propres leçons.

Mais ça c’est pas son problème ; c’est le tien.

Être dur, marcher sur les autres. Sortir les poings, les crocs. Avant de te détailler sa mort. Pour la première fois depuis qu’elle s’est mise à parler ton visage se teinte d’une expression ; la colère. Pas contre elle, bien sûr. Mais entendre son histoire te faire comprendre d’où vient toute la rage qui peut l’animer et qui déborde sans sembler s’arrêter. Tu sais pas où chercher les vannes pour arrêter le trop plein chez elle mais en même temps, tu peux pas lui en vouloir. Son histoire est à la fois terrible et atrocement trop commune et tu as entendu ce genre de témoignages trop souvent à ton goût. Pourtant tu peux pas la laisser partir tabasser des gens de manière un peu aléatoire -et encore moins avec des poings dans cette état. Elle te menace, tu ne réagis pas sur le moment. Tu la regardes sans bouger, restant devant elle pour lui barrer la route.

« J’t’ai dit, je te laisserai pas aller te battre alors que t’es blessée. »

Tu fouilles tes poches et tu finis par trouver quelques mouchoirs neufs. Tu les sors et tu lui tends, toujours avec cette distance entre vous.

« Essuie au moins le sang, j’ai rien d’autre sur moi mais si t’arrêtes les menaces deux minutes on pourra essayer de te trouver, je sais pas, des pansements et de quoi désinfecter. »

Tu joues avec le feu, tu le sais. Mais tu gardes le cap.

« J’peux pas dire que je suis désolé pour ce que t’as vécu ; ça changerait rien malheureusement. Mais je comprends que tu sois en colère … Ça reste que vouloir broyer le bonheur des autres ne t’amènera rien. Tu comptes faire une fois que t’auras terminé, mmh ? Continuer d’écraser d’autre personne ? Et ensuite ? C’est un cercle sans fin Sadie. Les gens qui méritent ta colère c’est celleux qui t’ont déjà trahi, pas celleux qui sont juste là à exister autour de toi. »

Sa réponse est à l’image du reste de la discussion : direct, incisive, brusque. Tu aimerais dire violente mais la réalité c’est que brute et brusque lui vont bien mieux que violente et tu saurais pas expliquer pourquoi. Elle explose encore un peu plus, laissant la colère gagner du terrain. Elle te mentionne un nom que tu connais pas, une certaine Jenny. Mais t’as pas besoin de la connaître pour comprendre à travers les mots de la catcheuse qu’elle est importante pour elle ; suffisamment pour lui passer l’envie de voir les gens heureux. Et d’une certaine manière, tu comprends -un peu. Toi aussi t’as eu cette période où voir les gens être heureux, épanouis ça te mettait mal. Ça te rendait misérable, envieux, au point d’avoir déjà souhaité le malheur de parfaits inconnus. C’était pas beau et tu détestes repenser à cette période mais t’essayes de te mettre à sa place. Sauf que tu as pas le temps d’y penser plus longtemps ou même de lui répondre qu’elle se déplace de nouveau.

Et qu’elle commence à se défouler sur des casiers.

Elle crie, elle hurle, elle insulte. Et elle frappe inlassablement. T’as à peine le temps de réagir que ses poings sont encore plus dans un état déplorable, que sa tête frappe contre le métal du casier. Tu oses toujours pas la toucher, alors tu te tiens suffisamment près d’elle pour essayer d’interrompre quelques coups de tête dans le casier avec ta main ; c’est qu’elle a la tête dure. Tu parles doucement, lui répétant que ça va aller. Ton intuition te fait comprendre qu’essayer de l’arrêter serait futile alors tu te contentes de rester là. L’écouter. Essayer de limiter les dégâts autant que possible ; des choses que n’importe qui proche d’elle aurait dû faire y’a longtemps déjà, plutôt que de l’abandonner. Ou pire. Puis les insultes se transforment en grognements et les cris en larmes ; une éternité semble passer dans ce vestiaire, comme s’il se retrouvait déconnecter du reste du monde. Et puis elle s’épuise, les coups se font plus lents et plus mous avant de s’arrêter complètement. Elle te regarde avec ses yeux baignés de larmes, le visage rouge.

La colère est devenue tristesse. Elle t’insulte encore, tu ne réagis pas. Elle se confie d’une manière très maladroite -mais franche. Et tu es étonné de te rendre compte d’une chose ; tu la comprends. Peut-être même un peu trop. Toi aussi t’as jamais vraiment voulu faire le deuil de Noah mais t’as pas eu le choix, ça s’est imposé malgré toi. T’avais peur de l’oublier, de passer à autre chose. Et maintenant tu te retrouves avec un demi-deuil pas fini entre les mains sans savoir quoi en faire, alors tu l’ignores et tu glisses ça sous le tapis avec tout le reste. Tu soupires, non pas de colère ou de frustration mais plutôt de tristesse. De nostalgie. Elle balance la poubelle et ça te fait quand même légèrement sursauter d’entendre l’impacte contre le lavabo -qui réussi à tenir le coup. Heureusement qu’elle était en plastique. Elle respire, elle se calme et elle se regarde avant de reposer ses yeux sur toi.

« Non… Je peux plus continuer à vivre comme ça, je peux plus continuer à être comme ça, c’est infernal… Mec, emmène-moi aux urgences s’il te plait, j’ai besoin d’aide, j’ai trop mal.

Prends tes affaires j’t’emmène. Tu peux m’attendre dehors deux minutes ? J’fais au plus vite. »

Tu la regardes sortir et tu te retrouves à nouveau seul. Tu souffles fort et tu as besoin de t’asseoir quelques secondes. Alors que tu poses ton dos contre un casier, tu balayes la pièce du regard ; tout est à refaire. Entre le sang, le casier défoncé et la poubelle qui gît au sol … C’est encore pire qu’avant ton passage. Tu appelles ton employeur et t’expliques la situation sans mentionner Sadie ; tu restes vague autant que possible. L’échange est bref mais heureusement que tu sais gérer et t’arrives à obtenir l’autorisation de revenir le lendemain pour reprendre à zéro. Gratuitement, évidemment. Une fois l’appel passé, tu soupires avant de te lever, récupérer tes affaires et sortir rapidement pour rejoindre Sadie.

Dehors, tu la vois discuter avec une petite. Tu attends près des portes, la laissant terminer avant de la rejoindre ; la voir sourire te rassure un peu. Ses mains dans les poches, tu n’arrives pas à t’empêcher de sourire légèrement.

« Elle avait l’air mim’s la petite. Bon, j’ai pas trouvé de pansements mais si tu veux … »

Tu lui mets ton manteau sur le dos ; après tout c’est qu’il fait froid en ce moment. Tu te permets de lui fait une très légère tape amicale sur le bout de l’épaule avant de continuer.

« Tiens, mets tes mains dans les poches de mon manteau s’tu veux. De toute façon il est bon pour un tour au pressing … Comment tu te sens ? Prête à y aller ? Oh et … »

Tu marques une pause.

« Si t’as besoin, ou envie, de papoter sur le chemin tu me dis. »