catastrophe en shopping mineur

Ciel gris. L'automne est là. Novembre a commencé ; il fait froid¹. Plus chez les morts que chez les vivants. Les quelques degrés se font quand même ressentir. Et malgré tout, Koichi, tu te dis qu'une seule chose : putain, j'ai froid² .
Enroulé dans une écharpe, bonnet visé sur le crâne, tu attends. Tu sautilles sur place, presque une dance pour attirer la chaleur, t'attirant au passage quelques regards dédaigneux. Tant pis, tu refuses mourir de froid ! Enfin, mourir. Disons que cette étape risque d'être compliquée. Mais tu ne vas pas te transformer en bloc de glace, ça non !

Alors, pourquoi tu restes dans le froid ? Y a une très bonne raison. Tu attends. Bon, honnêtement, on sait déjà que tu attends. Mais tu attends quoi, exactement ? Atlan.
La situation est très simple : Phineas a commandé un goodies, mais y a eu un problème de livraison. Résultat ? Phineas doit aller le chercher sauf que... Bah, il fait froid et il a pas envie de bouger. Solution ? Koichi. Ce que tu ne sais pas, c'est que c'est également une excellente excuse pour que tu ailles le voir. En même temps, tu vas pas rester avec... cette statuette à moitié nue d'un perso d'un anime obscure. 30 centimètre, en plus.
Non, franchement, les goûts de Phineas, tu te poses plus de question. L'important, c'est qu'il soit content ! Et toi tranquille.
Raison pour laquelle tu étais parti sans attendre ton ami, histoire de déjà l'avoir en main et ne pas l'oublier plus tard.³

Du coup, quittes à faire tout ce chemin jusqu'à Shibuya, autant faire une journée shopping ! Et qui te mieux que ton poto Altan, rencontré dans une laverie automatique alors que tu était quasi nu ? Ah, pardon. Tu étais nu. Les fesses à l'air⁴. Franchement, je te dis pas bravo.

Bref. Tu es là, au milieu de feuille morte, en train de geler, galérant à manipuler ton téléphone à l'écran cassé (d'ailleurs, dès que tu as les sous, faudra peut-être songé à le remplacer, même si ça risque de pas arriver tout de suite). Et tu la vois, notification salvatrice de l'arrivée d'Altan ! Et-

Et il t'attends depuis 15 minutes. Mais ça fait 15 minutes que tu l'attends. Sauf que lui, il a l'intelligence de te dire à quelle sortie il est. Oh. Ooooh. Vous êtes pas dans la même zone...
Et donc, te voilà à te taper ton meilleur sprint pour aller rejoindre le lémure qui t'attend.
Encore plus de regard bizarre, mais au moins, t'as plus froid. T'as plus de poumon non plus. Arrivant vers la bonne sortie, tu trébuches, tu roules, glisse.

— « Touchdown !⁵ », que tu gueule avec confiance. « Non attends, c'est pas du baseball, ça- »

Avec un beau bleu sur le front, tu te relève et tu cherches à chasser la poussière sur ton manteau. Ton sachet ? En bon état, la figure a l'air ne pas s'être pris de coup dans la figure, contrairement à toi.⁶

— « Heeeey ! Altan !⁷ »

Tout sourire, comme si rien ne s'était produit.

— « Non… Football américain. »

— « Zut. »

Toujours au sol, tu te relève enfin, avec confirmation que tu t'es bel et bien trompé de sport. Tant pis, ce sera pour une autre fois. Altan, dans sa gentillesse, te rassure ; oui, tu n'avais pas à courir. Mais tu n'allais pas le faire attendre plus que nécessaire ! Le pauvre devait déjà t'attendre depuis un moment ! C'était déjà miraculeux que tu sois arriver à l'heure¹...
Visage de désarroi, le brun est pris d'un élan dramatique, de tristesse ; comme une trahison, Koichi, tu l'as failli. Une légère panique en toi, pour son grand amusement. Tu gigotes dans tous les sens, essayant de calmer des larmes qui n'existent pas.

— « Non, non ! Je t'ai pas oublié », essaies-tu de le rassurer. « J'étais obligé de récupérer ça pour qu'on puisse passer la journée ensemble ! »

Tu essaies d'utiliser la vérité pour le consoler. Après tout, c'est pas ta faute si Phineas se commande des objets aussi. Cringe². Naïf comme tu es, tu comprends pas qu'Altan se moque (gentiment) de toi. Penser que tu as blessé un de tes potes... T'en as les larmes qui remontent. Et tu luttes contre elles, comme un enfant, tu te pares de bravoure. Façade inutile, tu as l'air d'un bébé³. T'es brave, t'es courageux. Tu respires un bon coup, c'est fini.

— « C'est un truc qu'on m'a demandé de récupérer au passage. »

Tu ne sais pas très bien, quel est le pourquoi, mais t'as aucune envie de parler de Phineas. Tu n'as aucune envie qu'on te pose des questions sur Phineas. Peut-être qu'il y a des réponses que tu n'as pas envie de dire à haute voix...
Enfin bref ! Tu as une bonne nouvelle à annoncer, vous allez rester ensemble jusqu'à la fin de la journée !

— « Mais du coup, je devrais t'accompagner jusqu'à l'Ag- »

Et, réalisation, quelque chose est changé.

— « Hey ! Ton japonais s'est grave amélioré ! »

Ok, c'est pas parfait, on est loin du bilinguisme. Mais il parle déjà mieux japonais que toi anglais. Faudrait vraiment que tu fasses quelque chose pour ça. Si seulement tu pouvais avoir un·e pote qui était prêt·e à te l'enseigner⁴. Enfin, le plus simple serait les Catacombes, mais encore et toujours, tes pieds ne se poseront pas là bas. Tu peux, parfois, être vachement têtu.
Lorsqu'enfin tu te calmes, tu pose une question sensée.

— « Tu veux commencer par quoi ? T'as des cadeaux de fin d'années à acheter ? »

Hey, est-ce que tu voudrais savoir si t'es dans la liste des gentils ? Un peu tôt pour poser la question, gars !

Gentillesse ? Urh. Non, c'était l'obligation qui te poussait à récupérer des colis suspects, à devoir supporter le regard jugeur des vendeur·euse·s. Envie de mourir (encore) à chaque fois que tu te retrouvais dans ces situations, maudissant au passage Phineas pour ses lubies étranges. Un « Hm hm» et petit sourire timide, pour passer à autre chose.
Ce n'est pas un sujet que tu veux aborder d'avantage.

Aïe. Remarque indélicate (mais innocente) sur ton anglais inexistant. Ça fait mal. Pourtant, c'est pas faute d'avoir essayer. Mais toutes ces personnes qui ont essayer de te l'apprendre, elles étaient trop scolaire. Trop de sérieux. Une langue, c'est vivant, pourquoi est-ce qu'on ne l'enseigne pas avec la joie de vivre ? Ça rendrait tout ça bien plus fun ! Mais bon, tant pis. Tu n'y peux rien. Et si tu as envie de t'améliorer, tu as tout même décidé que c'était la faute des autres : comme ça, plus de prise de tête.

Altan te liste les objets qu'il veut, son besoin d'aide pour lire - tu comprends, les kanjis, les kanas, c'est pas évident. Tu reconnais volontiers que le japonais n'est sans doute pas la langue la plus facile. Tu hoches la tête, avec sérieux, lorsqu'il te confie cette tâche ! Après, tout, tu es là, c'est ton pote.

— « Compte sur moi ! »

Des mots dis avec beaucoup de volonté (d'intensité ?), comme si le destin du monde reposait entre les panneaux "Sous-vêtements" et "Chaussures".
Néanmoins, tu as un rougissement quand il te montre l'élastique de son caleçon. Non, mais c'est quoi, ça ? Ils vont penser quoi les gens en voyant Altan ?! Et puis, « Ooooh ! Les boxers ! », parce que ton front vient enfin de tomber. Il t'aura fallu le temps.

Mais où aller ? Là était la plus grande question d'entre toute parce qu'il n'y avait, bien sûr, que très peu de magasin de mode, de manga et même de restaurants à Tokyo ! Oui, de l'ironie. Tu vas pas commencer à râler, Koichi. Non, tu es juste un peu surpris, vu l'endroit exact où vous vous trouvez. Pourtant, à la réflexion, c'était logique ! Pourquoi est-ce qu'il connaîtrait aussi bien Shibuya qu'un tokyoïte ?

— « Pour tout ce qui est vêtement, t'inquiète pas ! », tu offres un grand sourire au lémure : « 109 a tout ce dont aura jamais besoin ! Mýval Couture, Powerline, Lamount ! Si tu veux un truc branché, c'est ici que tu trouveras ! D'ailleurs, la pour les boxers, la boutique dont je t'ai parlé, c'est ici !! »

Le gars beaucoup trop excité pour des sous-vêtements ; c'est suspect si tu veux mon avis, Koichi. Ouaip, t'es suspect.

— « Pour les mangas, on trouvera peut-être une librairie à l'intérieur ou même près de la gare ! C'est pas ce qui manque à Tokyo... Par contre, je m'arrêterais bien à une confiserie sur le chemin vers la gare ! Oh, oh, oh ! Peut-être même une pâtisserie... Avec de la chance, il y aura des cakes à la fraises ! »

Pas trop la saison, mon gars, mais bon. Tu pourrais mourir (encore) pour un cake à la fraise.

— « Enfin bon. Si tu veux des caleçon- », pitié, arrête de le crier. Elle est passé où ta timidité de tout à l'heure ? « on peut déjà rentrer ! Je sais qu'il y a ma boutique-là, au... euh... 3e étage ! Mais on peut commencer tout en haut ou tout en bas, si tu veux ? »

Doucement. Douceur n'est pas ton "forte", tu es ouragan, carnage à en devenir ; rien ne résiste à ton passage. Personne ne résiste à ton sourire. (Mensonge, mais je te laisse y croire). Petit soleil à croquer, tu ne vas pas t'en tirer comme ça. Respire un coup, calme-toi.
Altan mérite qu'on prenne le temps pour lui, les magasins ne vont pas disparaître. Donc, voilà, tu le prends pas mal, tu essayes de ralentir la cadence, de réexpliquer lentement, même s'il y a des parties que t'as oublié - mais c'est pas le cas pour la pâtisserie. Hors de question !

Le grand brun te donne son aval pour les sous-vêtements. Let's go !, c'est tout ce qu'il y a à se dire.

Shibuya 109 était probablement le magnum opus du capitalisme, une tour gigantesque dédiée uniquement au commerce. Temple de la monnaie, église des rêves brisés. Oui, cette tour était la symbole de la mort d'un espoir. D'un combat.
Tu te demandais parfois si Victor Gruen était quelque part dans ce monde-ci, à essayer de corriger les choses.

Mais hors de question de penser à ça. Malgré le froid, malgré les obligations, malgré toutes les conneries que tu vas devoir faire pour passer une bonne journée, tu refuses de te laisser sombrer, de penser à des choses qui te casseront le moral. Non, aujourd'hui, c'est ta journée ! Enfin, à a toi et à Altan. Et ta journée implique une tonne de sous-vêtements (pervers).

Direction le 3^e étage, parce que c'est là qu'il y a ce que les deux enfants cherchent. Oui, des enfants, parce qu'au fond, Altan ressemble à un ado qui accompagne un gamin. Parce que t'as rien de mature.
Parce qu'au final, c'est plus marrant qu'être un adulte sérieux.

— « Ouais, » réponds-tu à la question du turc, « pas forcément des caleçons, mais y a des trucs que je voulais prendre ! Mais si je vois un chouette boxer, je vais le prendre, c'est sûr ! »

Tu roules pas sous l'or, on t'appelle Crésus, mais tu te débrouilles. Au pire, tu mangeras des nouilles instantanées ou tu sauteras un repas ou deux. Et s'il faut, tu te vengeras sur les restes, au Café Cupid. Bon, ok, on risque de te regarder bizarrement, mais c'est pas grave. T'as un peu l'habitude, t'es chelou de A à Z, iels l'ont compris.

— « J'ai des trucs que j'aimerais bien offrir à quelques amis. Genre, à Shôkun, je pense qu'un Gundam lui ferait bien plaisir. Et puis Yochan, je l'ai vu zieuter un bouquin, je crois qu'elle avait pas vraiment les moyens ce mois-ci... Et puis, y a aussi Fifikun qui a besoin d'un- »

Non.

Juste. Tais-toi.

Arrête.

Ne pense même plus.

— « Non, rien. » Silence. « Et puis, j'aimerais bien me prendre un gâteau et des mangas aussi. Donc t'inquiète pas, je suis pas là juste pour toi... mais t'es tout aussi important, hein ! C'est juste que j'ai d'autre potes qui ont besoin de... BREF. T'as vu ?! On est au troisième !! Allez, on y va, hop hop hop ![/b] »

Et dans une autre série de hop, hop, hop, tu te précipites. Comme ta voix, tu accélères, un peu par gêne, sans être trop sûr de pourquoi. Après tout, tu ne parlais que de Phineas. Et il n'était pas si important que ça.

L'allemand te surprend. Pourtant, tu sais très bien que le japonais est pas la langue maternelle du lémure. Après tout, vous avez dû communiquer via traducteur électronique lorsque t'était à poil dans la buanderie. Cette pensée te fait monter le rouge jusqu'aux oreilles. C'était vraiment un moment honteux pour toi. Heureusement qu'Altan était bon joueur et qu'il l'a pas mal pris. Pour peu, tu aurais pu te faire appeler le "Pervers de la Buanderie". Et ça te va pas du tout, c'est pas ton style.

Tu regardes Altan partir s'extasier sur presque tous les designs. Au moins, la boutique lui fait plaisir. Ça te rassure de savoir que tu l'as pas emmené ici pour rien, dans le fond. T'as toujours un peu peur de t'imposer, d'être de trop. De pas comprendre les gens. Mais Altan, c'est quelqu'un de franc, tu penses. Quelqu'un qui se soucie des autres. Altan, il est fantasque, extravagant, mais il a une douceur en lui. Un quelque chose que tu ne saurais pas décrire. Tu te sens en sécurité malgré ses pitreries. C'est probablement le côté pompier qui fait ça.

Pendant qu'il se balade, toi, tu es pas loin derrière, tu regardes aussi les différents vêtements. Certains que t'as déjà vu, certains qui te font envie. Ça te fait rire, un peu, que ce soit ton partenaire qui s'agite dans tous les sens, quand on sait que t'es l'hyperactif. Des chemises aux chaussettes à fleurs, tu trouves différents vêtements. Certains que tu vas offrir, d'autres que tu vas porter. La chemise hawaïenne ira d'office à Shôta, mais uniquement parce qu'il aura l'air un peu ridicule dedans. Un peu dans ta bulle, tu en ressors (presqu'en sursaut) lorsque l'allemand crie ton nom. Tu lâches un peu tout, par étonnement.

— « Oui, oui, j'arrive ! » dis-tu en t'abaissant pour ramasser tes affaires. Tu prends bien ton temps, en dépit de l'urgence qu'Altan semble émettre.

Et puis, c'est la révélation. Le "Gasp!", comme on dit. Visage étonné, surpris, choqué, estomaqué, incrédule : c'est probablement l'un des meilleurs t-shirt que t'ai vu dans ton existence. Bon, ok, exagération de ma part, je sais. Mais tu le trouves super cool. Il. Te. Le. Faut.

— « WAMPACHI !! » Voltoutou, dans sa langue natale. Vous aurez chacun appris un mot aujourd'hui. « Le meilleur des pokémon ! »

Et tu veux rien savoir, il y a pas de débat là-dessus. Mais à ta grande surprise, tu ne peux pas connaître le prix parce que... il n'y a pas d'étiquette ? Ok, bon. Elle a dû tomber. Au pire, les autres doivent en avoir une.

— « Il n'y a pas de prix sur celui-là, tu peux regarder sur un autre quel est- » euuuh. Bizarre. « Tu crois que c'est le dernier disponible ? »

Si c'est le dernier, vous allez devoir découvrir quel est le prix du t-shirt et vous battre jusqu'à la mort pour savoir qui aura le droit de l'avoir... Ou alors, trouver une autre pile de t-shirt voltoutou et vous habiller comme des jumeaux ! Ce serait un peu cringe, en vrai.

Peut-être que vous avez à faire à un voleur de t-shirt professionnel et maintenant, c'est à vous de trouver le coupable pour le traduire en just- Ok, tu calmes ton imagination. Et si vous commenciez par poser la question à un·e vendeur·euse, plutôt ?