sans lendemain ft. léon

Au chaud dans les draps, Joshua sent un souffle régulier sur sa nuque. Ses yeux sont encore clos, il s’en délecte quelques instants avant de les ouvrir enfin… Sur le flou. Le monde est encore incertain, sa dernière potion de vision s’étant quelque peu estompée : il est temps d’en reprendre une nouvelle s’il veut continuer à voir. A ses côtés dans le lit, son compagnon de la veille qui est resté jusqu’au matin - curieux, mais pas forcément désagréable. Le soir d’avant, il y a eu une petite fête au Café Cupid pour sa réouverture, et il y a rencontré Léon : un jeune homme roux d’à peu près sa taille, au sourire carnassier - la faute à des dents limées super cools. Jean baggy et piercings aux oreilles, un goût sucré sur les lèvres. Léon.

Le bras de celui-ci entrave Joshua, le contact chaud de leurs peaux le charme, mais il ne doit pas se laisser aller aux caresses matinales s’il veut réussir à se défaire de sa conquête. Il est temps de se lever.

Joshua s’extirpe doucement du lit pour ne pas réveiller son amant, profitant du silence d’un matin ensoleillé pour aller machinalement allumer la machine à café. Il tâtonne, trouve le paquet de café, le verse un peu à côté mais quand même un peu dans la machine, et trouve le bouton. C’est alors qu’il se rend compte que, peut-être, il ne faudrait pas faire de café : est-ce que ça ne va pas envoyer le mauvais message à Léon ? En mode, on prend le temps de boire le café ensemble parce que je veux un autre date ? Mais Joshua n’est pas du genre à vouloir de longues relations, alors…

Il est du genre à vouloir absolument un café le matin, par contre. L’hésitation ne dure qu’un temps, et pendant que la cafetière se remplit, il descend en silence jusqu’au salon pour ouvrir à Poule et allumer la télé. Il faudra faire attention au message que le café envoie, se dit-il alors qu’il se saisit d’une potion de vision.

Le Roi s’affale dans le canapé en attendant qu’elle agisse, les formes sur l’écran devenant de plus en plus nettes. Il se rend compte que c’est un épisode de Toshi no Kimeras, série qu’il a déjà vue mille fois. C’est le milieu de la saison 8 qui repasse ce matin-là, un épisode où Rebecca se rend compte à cause d’un couteau ensanglanté que Yūka a été enlevée. Après avoir pleuré sur une musique dramatique, elle sort son téléphone d’un air déterminé et appelle Kichirō, son ami Nécromancien qui revient ainsi dans la série pour la première fois depuis deux saisons. Il a un pouvoir de localisation bien utile pour le scénario, visiblement.

Pris dans l’épisode, Joshua entend pourtant les pas de Léon descendre les marches prudemment, ainsi que les bruissements d’ailes inquiets de son gallinacé de compagnie.

« N’aie pas peur, ma fille. » la rassure-t-il. Puis, à Léon, en anglais parce qu’il a remarqué que le japonais était moins facile pour lui : « Bien dormi ? » avec un sourire charmeur.

En bon beauf, il aime bien en savoir plus sur ses performances.

« Café ? »

Il propose finalement en ayant oublié la prudence, trop bon hôte.

La nuit a été bonne des deux côtés alors, se satisfait le Roi, qui bombe le torse dans un élan d’égo.

« Tu dois être super occupé…c’est gentil de me servir le p’tit dej. »

Le café est accepté avec, semble-t-il, une once de gêne. D’où vient-elle ? se questionne Joshua, qui scrute de sa vision retrouvée le visage rosissant de son compagnon. Est-ce de l’émoi amoureux ? Dès lors l’épisode de Toshi No Kimeras est oublié, la télévision continue ses bruits parasites sans que le Roi n’y prête plus attention. Seules les microexpressions de Léon comptent, signes précieux de ses intentions envers lui. Alors qu’il porte la tasse à ses lèvres, il l’observe toujours derrière des sourcils inquisiteurs.

« Petit déj, c’est un bien grand mot, j’ai même pas un bout de pain à te proposer avec ça. » s’excuse Josh. Il explique : « Pas eu le temps de faire les courses, oui, trop de boulot… »

Les arômes robustes de café enveloppent les deux hommes qui boivent en silence ; le brun déteste le silence, c’est la marque d’un poids terrible pesant sur la conversation - il le sait bien, ici, la question est de savoir s’il faudra utiliser la manière forte pour se débarrasser de sa conquête, ou si leurs adieux se feront à l’amiable. Il préférerait la deuxième solution, le tout est de réussir à amener Léon dans cette direction et de lui faire renoncer en douceur à tout espoir de relation stable. Car Joshua est quasiment sûr qu’il en a. Oui, le silence est lourd d’attentes et d’hésitations. Finalement, le brun le rompt après avoir siroté bruyamment sa tasse, prenant la première chose qui lui vient à l’esprit :

« Aaaah. Je suis encore tout courbaturé. » Il parle bien entendu de la danse de la veille, qui s’est maintenue de longues minutes sans leur aval, forcés de rester debout à se dandiner jusqu’à la fin d’une soirée très (trop ?) longue… Le Roi s’est amusé, mais il n’a pas l’endurance nécessaire dans les jambes.

« Je crois que je vais me faire porter pâle aujourd’hui, et rester dans le canapé. »

Ses pensées lui échappent avant qu’il n’aie pu les retenir, et dès lors que les mots sont sortis l’horreur le frappe : et si Léon prenait ça comme une invitation à rester ensemble ici ? Après-midi Deathflix and chill en amoureux ? Le dernier mot résonne dans sa tête vide et manque de le faire avaler de travers, il désamorce du mieux qu’il peut :

« Enfin, on verra, parce que oui je suis quand même super occupé, et tout, je pourrais sûrement pas faire ça. »

Il se gratte l’arrière du crâne, s'emmêle les doigts dans ses cheveux en bataille. Le voilà tout chamboulé, dans l’attente de la réaction peut-être énamourée qu’il aura suscité ; comment se dépatouiller du problème qu’il vient de se créer ?!