bravo les lesbiennes
Ta réponse tiède manque de satisfaire ton audience, à en juger par la mine ennuyée que Lolly porte sur son joli minois. Tu t’y attendais, mais t’es pas vraiment du genre à enjoliver la réalité… Plutôt l’inverse, en fait.
Malheureusement, il faut croire que son quotidien est aussi animé que le tien : proche du néant, en l'occurrence.
Toujours par mimétisme, tu te permets d’afficher une bouille déçue inspirée par celle qu’elle venait de t’offrir.
Elle s’explique, se descend un peu à nouveau, et finit par s’affaler sur son lit.
“J’remplaçerai se plaindre par se confier, si j’étais toi. C’est pas une mauvaise chose, tu sais.”
À qui le dis-tu, Rin…
Ça t'amène à réfléchir un peu alors que tu la fixes sans trop la voir, perdue dans tes pensées voilées par l’éthanol qui commence à faire effet. Elle est honnête et vulnérable, avec toi, au moins, et ça change.
Parce que tu t’identifies à elle et à ce côté mystérieux qui la rend si intrigante, quoique un peu triste. La décharge émotionnelle à tout bout de champ n’est pas une solution viable, certes, mais ça fait du bien de pouvoir s’ouvrir un peu, tout bêtement. Et ça, ton amie commence à le comprendre et à l’accepter, que cela soit fait consciemment ou non.
Tu devrais essayer, un jour. Tu pourrais, avec elle.
La rose finit par couper court à tes fabulations pour parler filles et ossements : le retour à la réalité est un peu brutal, mais nécessaire. T’es pas toute seule, après tout.
“Ouais, je capte… Et je sais que tu rigoles, hein, mais tu peux toujours t’arranger pour faire quelques extras. Si c’est pas au bar, ça peut être à peu près n’importe où, ‘suffit de demander.”
L’au-delà était idyllique sur ce point. Pas d’argent ? Pas de problème. Tu peux être nourri, logé, blanchi sans lever le petit doigt. Tu veux t’acheter des trucs ? Trouve un taff, y’en a plein. T’en a marre de taffer ? Arrête. Les horaires sont flexibles, t’es payé à l’heure, y’a pas vraiment besoin de s’inquiéter pour ça.
C’est l’un des aspects que tu préfères, ici. Aucune angoisse, aucune attache. Une fois de plus, c’est typiquement le genre de concept qui te fait rêver. Et si t’arrives pas à l’appliquer dans le domaine sentimental, autant qu’il te soit offert autre part.
Elle se ressert, alors tu tapes un joli cul-sec pour l’accompagner. Le pack de bières était une bonne idée, en fin de compte.
“Tu sais, j’veux pas te saouler avec ça, mais… Je pensais vraiment ce que je t’ai dit. Genre, que tu me parles de ta vie, de tes problèmes, tout ça. Ça me fait plaisir, pour de vrai.”
Tu marques une pause. Le dire à voix haute t’émeut un peu, pour être honnête.
“Je sais que c’est pas facile, crois-moi, je connais ça, mais… J’sais pas. J’suis contente que tu sois assez à l’aise avec moi pour discuter de ce genre de trucs. Genre, ça me rend… Fière, tu vois ? De toi, hein, pas de moi.”
Il est clair que ton discours est loin d’être poétique, vu le temps que tu prends pour trouver tes mots. T’es maladroite dans tes compliments, mais tu fais de ton mieux.
Elle mérite amplement de les entendre, après tout.