L'amour, c'est toi en fait (tw: harcèlement de rue)

La perte de contrôle totale lorsque les deux éléments se déchaînent simultanément. L'un s'emballe alors que l'autre part comme une balle. Essayant vainement de maîtriser le premier qui s'agite vers la direction nord, il ne peut pas poursuivre l'autre qui court plein sud. Tout ça à cause d'un idiot d'automobiliste qui a décidé de klaxonner devant eux. Chūken a voulu poursuivre la voiture, aboyant de ton saoul alors que son frère, plus peureux, prend la fuite.

Toute la rue assiste à ce remue-ménage sans pour autant y apporter une quelconque aide. Ein a beau être rapide, on pourrait le rattraper par la laisse. Les appels de Phineas après son chien ne le font pas revenir. Aussitôt qu'il le peut, il essaye de rattraper l'animal en fugue, mais seulement après avoir su calmer l'autre boule de nerfs. Et ce n'est clairement pas mince affaire.

Même si le garçon est déjà en sueur après cette mauvaise séance cardio imposée, son corgi reste heureusement en vue, toujours en ligne droite. Aucun virage sur sa course, seulement un obstacle puisque maladroit, il bute dans les jambes d'une joggeuse malchanceuse, interrompant son sport matinal. Phineas craint déjà le pire : Devoir s'excuser auprès de quelqu'un. Parler à quelqu'un.

« Ein, je t'ai dit au pied ! »

Même au pied du corgi, Phineas n'arrive visiblement pas à se faire respecter aujourd'hui. Désobéissant au possible, le toutou se décide à lécher la joue du cadavre de cette jeune femme. Et malheureusement pour elle, son sauveur n'est autre que Phineas qui, comme première parole, gronde un peu trop gentiment son animal de compagnie. Disons qu'il ne peut pas en vouloir longtemps à cette boule un poil poltronne...

Seulement après, il constate enfin les dégâts et s'excuse platement. Il voudrait vraiment écourter ça. Avant de réellement la rencontrer. Reprenant son chien qui n'en démord pas de la couvrir de bisous, il comprend peut-être un peu mieux pourquoi Ein semble si attaché. Nez à nez avec la blonde, Phineas rougit brutalement. Il ne peut pas s'en empêcher, avant de se trouver des excuses.
Cette fille est trop canon. Il va hésiter à rebaptiser son chien Cupidon...
Est-ce que c'est ça le coup de foudre ?

Jogging matinal, tout ce qu'il a de plus banal. Terri le reconnait, retrouver ses habitudes de vivante lui fait du bien. C'est un peu comme si rien ne s'était arrêté finalement. On l'a juste arrachée de force à son milieu de vie, à ses ami-e-s, à son pays, ses études… mais sinon, tout est pareil hein. Ou elle essaie de s'en convaincre – la musique à fond dans les oreilles, beaucoup plus forte que ce qu'elle n'aurait osé de son vivant – à quoi ça sert de protéger ses tympans quand son corps est déjà incinéré sur terre ?

Courir, donc, et écouter de la musique pour étouffer la voix cynique à l'intérieur de sa tête. Se concentrer sur sa respiration. Voilà, comme ça. Elle regarde droit devant elle, elle navigue dans son propre espace, sa bulle, c'est bien le cas de le dire : elle n'entend rien, n'a aucune idée du chaos qui éclate derrière elle ou la menace qui fonce à toute vitesse droit sur ses jambes.

Terri n'a pas le temps de comprendre ce qui se passe. Un rush d'adrénaline passe dans tout son corps alors qu'elle se sent tomber (encore) sur le gravier. Son corps au sol, écrasé, non pas par un véhicule, mais une adorable boule de poils. Mais son cerveau ne fait pas la différence alors qu'elle fige, comme un chevreuil sur une autoroute. Son casque auparavant sur ses oreilles s'est écrasé au sol à côté d'elle. Elle peut entendre quelqu'un rappeler le chien, mais l'information n'est pas traitée immédiatement. Il lui faut encore quelques secondes au sol – et les léchouilles sur son visage – pour comprendre.

Et tout le stress, toute la panique ressentie à ce moment précis se dirige vers l'adolescent qui, visiblement, est le gardien de ce chien.

« MAIS ÇA VA PAS ?! IL FAUT TENIR SES CHIENS EN LAISSE C'EST DANGEREUX Y'A PLEIN DE GENS QUI COURENT ICI ! »

Le reste s'étouffe dans sa gorge. Terri prend conscience de sa respiration. Elle est en train d'hyperventiler. Elle expire, longuement, lentement. Faut se ressaisir, aller, mais l'impression d'un danger imminent continue à faire trembler son corps et l'empêcher de se lever et partir dignement.

Quelle bonne idée, le jogging matinal.

Frénésie plus indomptable encore que l'animal pour que lui-même, si poltron, vienne se carapater derrière les jambes de son propriétaire. Même ce dernier effectue un mouvement de recul, mais pas la fuite qu'il aurait privilégié en d'autres circonstances. Aujourd'hui c'est un main tendue pour la plus malchanceuse. Sauf que ses phalanges serrent déjà contre la laisse de son autre chien. Pas besoin de remarque contradictoire sur le fait qu'elle puisse s'être trompée.

De toute évidence, Phineas n'oserait jamais donner tort à cette fille. Elle doit avoir raison : ça ne va pas ; il ne sait pas ce qu'il a. Son cœur palpite toujours sans que la course effrénée soit la responsable. Tour de passe-passe entre les enrouleurs, il propose son autre main afin qu'elle puisse se relever avec moins de difficultés. L'idée qu'une autre s'agrippe à la sienne. Des étincelles pétillent déjà. C'est naïf. Comme un feu d'artifice, ça pourrait être fascinant comme douloureux. Ses doigts se déplient puis se replient comme pour mieux sentir cette drôle de sensation. Alors, il ne fuit pas, restant dans l'instant pour y goûter.

« Il s'appelle Ein. C'est mon chien. Il est un peu peureux mais désolé, il avait l'air d'un peu trop t'apprécier... Je peux comprendre. Enfin je veux dire, t'as l'air sympa donc il a trouvé quelqu'un pour se protéger. Il ne fait pas de mal, si tu veux le caresser… »

Mais le chien ne décampe pas sa cachette, cloué derrière les grandes jambes de celui qu'il estime comme le vrai protecteur. Tête timorée face à la bombe alors que Chūken tire encore, bien sûr, quitte à ne plus avoir de mou. Il est impatient. Et probablement que tout le monde est impatient que ça se termine. Sauf Phineas qui ne décompte pas les secondes qui auraient pu s'écouler. Des instants de blanc trop gênants qu'il finit par interrompre brutalement, sans foutue transition.

« Moi c'est Phineas. Enfin, tu peux m'appeler Phin. »

Et il ne décoche que ça. Enfin dire qu'il n'est pas embarrassé, c'est faux. Juste pas de la même manière parce qu'il évite au maximum de balbutier mais ne peut pas s'empêcher de finir si rouge que ça se voit qu'il est si mauvais pour flirter. Enfin si seulement on se rendait compte que c'était du flirt. Lui-même n'est pas sûr, comme il n'est pas certain de s'être inquiété de son état.

« Je peux t'emmener à la clinique. Elle doit pas être si loin. Tu peux marcher ? »

Pas sûr de s'en être préoccupé assez, il en fait désormais trop. Inspectant ce qu'il peut pour détecter quelconque égratignure. Aussi bénine soit-elle, c'est toujours une excuse pour au moins gratter des minutes supplémentaires.

Sous le choc encore, le corps de Terri est une masse fantomatique tremblante. Elle se sent à la fois étrangement légère et pourtant clouée au sol. Son regard parcourt machinalement ses alentours, ne faisant déjà plus attention au garçon près d'elle. Pas d'autobus. Pas d'étudiant-e-s comme elle pressé-e-s de sortir à la fin des cours. Pas de rassemblement inquiet autour de son corps inerte. Non. Juste elle – tremblante – et lui, ses chiens, et sa voix qui ne cesse de bourdonner dans ses oreilles.

Elle n'est pas morte. Pas morte encore. Et elle ne s'est pas terriblement fait mal, ce serait ridicule, c'est pas un corgi qui va l'abattre. Parce que c'est que ça. Un corgi, un garçon maladroit et bavard. Terri secoue la tête, redescend du mieux qu'elle peut sur terre.

Tu peux marcher ?

« Hein ? Oh, oui, je crois. »

Seuls mots qu'elle a compris de sa tirade – s'il savait. Mais les pensées de Terri sont ailleurs après son accès de colère ; d'ailleurs on dirait que ça lui est passé et qu'elle n'a plus autant envie d'étriper le coupable dans l'affaire. Quand elle attrape sa main, le tremblement ne cesse pas – c'est embarrassant. Elle serre plus fort pour essayer de le faire cesser, sans trop d'égard pour la main de son « sauveur ». Ou son équilibre – car Terri réalise en voulant se lever que, oh ciel, sa cheville enfle à vue d'œil.

« Oh non, non, non, non, non. »

Les dents serrées, un sifflement paniqué lui échappe. Ça, cette bosse disgracieuse, la dégoûte au plus au point. Et la panique reprend.

« Je peux pas marcher, je pourrai pas marcher, oh god, je peux pas, il faut une ambulance, non, un taxi, n'importe quoi ! »

Tout cela en serrant maintenant le bras entier de Phineas qui n'a rien demandé.

L'espoir s'est évanoui avant que sa main ne puisse être saisi. C'était trop tôt et maintenant c'est trop tard. Il ne peut plus retirer ses doigts joints aux siens. Il ne s'y attendait pas. Ainsi, la couleur de ses joues, non de son visage entier, vire au cramoisi. Un espèce de sourire grimacé confondu entre la gêne et l'enivrement décore ses lèvres et l'interdit quelques instants d'accorder des paroles utiles. Alors qu'à cet instant, justement, on attend de lui d'être réactif.

Maladroitement et en rythme avec le son de la panique, il part en quête de son téléphone dans sa poche pour composer le numéro des ambulanciers. Un peu drastique comme solution surtout dans le monde des morts. Mais la terreur de l'inconnue devient désormais la sienne ; elle lui transmet. Ce n'est plus sa main à laquelle elle s'accroche mais son bras entier qu'elle agrippe de toutes ses forces ; il en manquerait de s'évanouir. Elle a de la poigne mais surtout, c'est beaucoup plus de contact qu'il en espérait et la machine à vapeur a besoin de lâcher du lest. En même pas trente secondes, ça fait beaucoup. C'est trop pour lui.

« Oui. Allô ? Oui c'est euh- J'vous appelle parce que je suis. Enfin non pas moi, c'est une fille. Elle a un truc à la cheville. Une énorme bosse ! »

Il déteste les appels téléphoniques en plus, et bien pour une raison. En réponse, il se fait incendier pour les déranger pour si peu, si bien que ça s'entend depuis le combiné que l'autre personne hurle et automatiquement, iel raccroche pour avoir été dérangé.e pour si peu, prétextant que les services d'urgence ne sont pas faits pour ça.

Le regard peiné, il s'en retourne vers la blonde toujours accrochée à lui avec férocité. Le rougissement comme les sueurs qui l'envahissent sont tenaces, Phineas déglutit et s'essaye à un rictus rassurant même si la situation est catastrophique. Enfin, du point de vue des deux concerné.e.s parce qu'en fait, pour spectateur.rice.s, ça n'a pas l'air grand chose pour daigner s'en inquiéter.
Dans la foulée, il réussit à joindre un taxi qui dit arriver dans dix minutes.

Donc elle va devoir marcher. Mais comment ? Elle a l'air d'en faire des caisses mais il oserait pas la contrarier à nouveau donc il lâche juste un sourire contraint, malgré l'étreinte autour de son bras.

« Bonne nouvelle, le taxi arrive... dans pas trop longtemps. Mauvaise nouvelle, faut marcher jusqu'au parc là-bas. J'ai pas pu négocier. Désolé. Mais je... Je vais t'aider à marcher ! Tiens toi à moi. »

Laisses dans une main, il change la position de son bras pour enlacer celui de la blessée et la maintenir. C'est fait maladroitement, c'est la position la plus adéquate pour elle. Mais là, il est un peu au paradis. Ses chiens et une si jolie fille, mais qui n'a rien demandé.

« Je peux pas connaître ton prénom ? »

Non, elle n'a rien demandé. Elle veut juste rester une inconnue pour lui, c'est sûr.

Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

Le gars devant elle est inutile. Mais incroyablement inutile. Il peut pas faire venir une ambulance ? Mais quel imbécile. Il peut pas négocier non plus avec un taxi ?? Quelle cause désespérée. Terri est en DÉTRESSE et elle se retrouve avec un arbre pour l’aider. Et quoi encore, elle va devoir lui épeler tout le reste de la marche à suivre ? La colère se mêle à nouveau à la peur. Et c’est peut-être une chance pour l’adolescent qu’il se bouge avant que Terri se mette à lui crier dessus. Enfin presque.

« AIE AIE AIE FAIS ATTENTION MA CHEVILLE MA CHEVILLE »

Très honnêtement, beaucoup de plus de peur de mal tandis qu’elle se relève avec l’aide du garçon. Debout sur une jambe, ça va. Y’a que son cœur qui bat la chamade pour des raisons toute à fait contraire à l’autre. Et maintenant faut marcher ? MARCHER ? Mais quelle plaie. Terri étudie avec panique comme elle va pouvoir mettre un pied devant sans actually mettre un pied devant l’autre quand l’autre lui demande… son prénom ?

« Ça va j’ai pas frappé ma tête en tombant j’connais encore mon prénom et t’as dix doigts. On avance ? »

Réponse sèche, mais faut bien comprendre : Terri n’a qu’une seule envie, que des mains compétentes la prennent en charge le plus rapidement possible. Qu’il se concentre un peu là aller, un pied devant l’autre pour lui tandis qu’elle sautille. Ah c’est vraiment pas facile et elle craint par malheur de glisser à nouveau. Et si elle se brisait les DEUX chevilles ? Non non non. Elle s’accroche plus fermement à ses épaules. Si elle tombe elle aura un pilier – si au moins il peut lui servir à ça hein. Mais alors qu’ils font leur chemin, elle commence à remarquer la rougeur du garçon.

« Oh mon dieu regarde toi me dis pas que t’es déjà épuisé on est encore super loin du parc. »

Pas si loin mais c’est l’idée.

Même avec toute la subjectivité qu'il peut concentrer en lui, c'est évident qu'elle en fait trop. Sincèrement, il est un peu désolé qu'elle soit tombée suite à la fuite du chien mais c'était pas aussi accidentel. La preuve, tout le monde les dévisage plus maintenant qu'elle lui hurle dessus. Et être autant rabaissé le met dans l'embarras le plus complet. Il ne peut pas être plus rouge, il ne peut pas plus suer que ça et non, ça n'a rien à voir avec l'épuisement. En tout cas, pas physique.

En définitive, il ne croit pas à la simulation mais il ne va pas contrarier « la demoiselle », comme il ne peut que l'appeler, une seconde fois. Qui sait comment ça pourrait empirer s'il osait ne faire, ne serait-ce qu'un commentaire ? Non, il ne bronche pas et avec une énorme résilience acquis avec le temps, il encaisse toutes les critiques à son égard. Parce que quelque part, elle n'a pas tort : il aurait pu mieux faire plutôt que devoir les déplacer.

Elle a besoin d'un taxi, d'une ambulance. Pas d'un gars empoté, qu'elle raconte. Mais la sueur qui perle n'est pas d'épuisement et il compte bien lui prouver. Bon, au vu de la configuration, c'est un peu compliqué mais il va essayer. Il la relâche prudemment, le regard toujours enamouré. Quand bien même elle exagère, il est bien trop tendre.

« Désolé, désolé... T'as entièrement raison. Enfin t'inquiète pas, moi ça va. Je suis pas épuisé, j'ai juste chaud... Fais chaud au printemps, maintenant, non ? »

Stupide fait de la banalité pour chercher à gratter quelques mots. Bref, faut qu'il arrête de se trouver des excuses. Ou plutôt de chercher à faire la discussion. Le seul moyen de prouver sa valeur, c'est par l'action. Le dos se courbe, il l'invite à prendre place.

« T'inquiète pas, j'suis solide. Grimpe, tu toucheras pas le sol. Ou plutôt... Montez à bord, mademoiselle. Je vous emmène au parc en Phin'Express ! »

Même ses animaux de compagnie le regardent d'un air interrogateur. Les laisses dans les deux mains maintenant, est-ce qu'il compte vraiment prendre ses toutous pour des chiens de traineau ? Au vu du ton blagueur qui ne lui va pas du tout, on ne sait pas s'il plaisante pour détendre l'atmosphère (raté) ou s'il est complètement dingue. L'amour peut rendre fou, qu'on dit, donc il y a des chances que la seconde proposition soit la plus valide. Au mieux, il s'épuise comme annoncé. Au moins, ça donnera une raison pour expliquer toute la vapeur...

Espérons que la jeune fille ait plus de conscience que lui pour savoir qu'iels vont se torcher en même pas vingt secondes à ce train.

Ils avancent à un train de tortue, mais ils avancent. Terri aurait de quoi être contentée. Aurait. Mais elle est toujours plongée dans sa frustration. Vraiment c’est pas comme ça qu’elle imaginait sa journée se dérouler. Renversée par un corgi, il fallait le faire. Renversée. Ça lui rappelle de mauvais souvenirs. Mais plus ils avancent, plus les flashs commence à s'estomper. Oh, elle est toujours sur les dents, y'a pas de doute, et ses nerfs sont en furie. Seulement elle sait qu'elle n'est pas en danger. Elle ne subit que l'aftershock. Et le malheur de s'être tordu une cheville. C'est amplement suffisant pour râler.

Le garçon, quant à lui, fait de son mieux malgré ses caprices. Terri devrait être reconnaissante, mais elle est beaucoup trop concentrée sur tout ce qui ne va pas pour même penser à le remercier. Alors quand tout à coup il s'arrête, elle s'apprête à lui lancer un tonnerre de reproches. Mais elle se retient. Et pour la première fois, peut-être qu'elle aurait dû crier et l'insulter, ça aurait été la réaction appropriée.

En fait, ça lui prend peut-être une seconde de trop avant de comprendre ce qu'il fabrique. Devant elle. Dos courbé. Oh.

Montez à bord, mademoiselle. Je vous emmène au parc en Phin'Express !

Bouche bée, Terri ne comprend pas exactement la sensation qui passe dans tout son corps. C'est comme une douche froide et gluante. Ses dents se serrent, elle grimace sans même se rendre compte. Elle est mal à l'aise. Elle est CLAIREMENT mal à l'aise. Pourtant, est-ce qu'elle a vraiment le choix ? Elle s'est pété la cheville, l'avancée côte à côte n'était pas très efficace, et il faut se rendre au parc…

Elle déglutit, ravale le dégoût qui l'a paralysée un instant.

« O-ok, bouge pas… »

Sautillant sur son pied valide, elle s'approche du garçon. Elle pose ses mains sur ses épaules, cherchant un peu de stabilité avant de se lancer. Il ne faut pas y penser, il ne faut pas y penser. Elle expire. Saute sur son dos, ses jambes encerclant sa taille.

Et maintenant, on prie.

Une plume si délicate alors si légère, qu'il pensait. Non, Phineas ressent soudainement un lourd poids s'écraser contre son dos. Par son seul pied valide, elle a osé lui bondir dessus sans ménagement. Mais que peut-il lui dire ? Certainement pas qu'elle pèse sur la balance, ça serait carrément déplacée et il a tout de même un minimum de politesse pour ça.
Le dos s'affaisse d'un coup : ça se voit, ça s'entend. Le garçon souffle d'un bon coup mais les chiens l'ont entendu grincer des dents et à l'unisson, aboient contre la supposée assaillante, comme si ça allait changer quelque chose.

Et bien, contre toute attente, ça change toute la donne puisqu'encore. Même si immobile, il peut la retenir ainsi, il doit en plus dompter les fauves qu'il tient par la laisse. Les deux animaux souhaitent s'en prendre à la passagère mais finissent par  surtout entourer le garçon à force de courir autour, en un temps éclair. Il suffit qu'il fasse le fier plutôt que régler la situation. Il suffit d'un pas, pour que le tout s'écroule comme un château de cartes à peine entamée. On pourrait dire qu'il avance, mais c'est surtout trop près du bitume. Ou plutôt contre. Face contre terre, son nez déjà épaté s'écrase complètement sur le trottoir, saignant avec le choc, cela va sans dire. Et le dos en vrac puisque les jambes de la joggeuse toujours menottées par ses bras. Au moins, il a amorti la chute de sa malencontreuse partenaire de fortune. Il a mal mais essaye de ne pas trop s'en plaindre. Parce qu'il a pas le droit, c'est un garçon. Et parce que ça pourrait être pire, il pourrait finir avec quelque chose de cassé à son tour. Enfin, son ego fragilisé parce que là c'est vraiment la plus grosse honte qu'il se prend. C'est pire que se prendre un râteau de sa part ; enfin, on peut dire qu'elle lui en a déjà mis une bonne dizaine, au bas mot.

Geindre, ça reviendrait à énerver davantage les chiens qui chouinent le deuxième trépas de leur maître. Elle ne mérite pas ça alors qu'elle a accepté de grimper. Non pas sans équivoque, ça a demandé réflexion mais il n'y croyait pas. Probablement que ça n'aurait pas dû arriver tout court. Les passant.e.s se décident enfin à accourir mais c'est tout ce qu'il souhaitait éviter. Néanmoins, ça vaudrait mieux pour le bien de la première blessée. Pense-t-il vraiment à la soigner, ou à essayer puis échouer, de flirter avec elle ? Il faut dire que dans les deux cas, il n'a ni contact pour la joindre à nouveau, ni appliquer le moindre pansement.

« Non, non, ça va tout va bien, j'ai rien de cassé ! »

Qu'il ose leur dire alors qu'au vu de la situation, alors qu'elle, si, depuis le départ !

Phineas est encore plus bloqué qu'auparavant, ses bras encageant toujours les bas de jambes puisque les mains tiennent encore les laisses. Sans compter la fille assisse sur son dos et qui ne peut pas se relever avec deux chevilles prises au piège et l'une endolorie. Comme s'il allait lui demander de se redresser, il n'est pas aussi goujat ! Aucun des deux ne peut bouger et il faut bien que quelqu'un intervienne mais décidément pas la raison de l'adolescent, trop enamouré pour refuser qu'on lui vole et le sépare de sa belle rencontre.