Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
Zgoing ! Pssshoo ! Voilà les sons qui s’échappent des radios des danseurs de rock’n’roll croisés près du parc Yoyogi. Joshua le traverse d’un pas guilleret et rejoint de nouveau la ville. Sur le chemin, il fait bien sûr quelques selfies avec ses sujets, regonflant ainsi son égo comme on insuffle de l’air dans un pneu à plat.
C’est jour de congé. Pas de morts à accueillir aujourd’hui, la Faucheuse prend le relai, et pas besoin de le dire deux fois pour voir Joshua s’envoler hors du bureau, prêt à prendre Tokyo d’assaut. Ce soir, il ira en boîte, c’est sûr, mais pour l’instant une petite balade dans la ville suffit à lui redonner le sourire et le goût des petites choses. Un des derniers pétales de cerisiers lui tombe devant le visage, et c’est aussitôt la joie de pouvoir voir la vie s’écouler. Enfin, la mort. Être dehors, quel pied, tout de même.
Comme à son habitude, son regard papillonne et les lubies s’enchaînent ; au fil de sa promenade, il achète quelques takoyaki au poulpe, des chichis, et pour finir une sucette goût cerise qui le ravit. Il discute avec des passants, rit, met des tapes sur des épaules, coupe la parole, repart. Lépidoptère joyeux, le roi butine d’activité en activité, jusqu’à tomber sur son prochain caprice.
Et le voici : une petite échoppe de garagiste lui fait de l'œil, le soleil se reflète sur les pièces de métal dans la devanture et l’éblouit. C’est un signe ! Comme un clin d'œil forcé ! Joshua s’y précipite, sucette toujours en bouche, admirant les bécanes alignées dans le garage.
« Trop classe… » murmure-t-il.
Quand il se déplace, le Lémure le fait à pied, en mouche, ou en métro ; il n’a jamais vraiment pensé à se procurer un moyen de transport… Mais quand même, une moto ça serait carrément classe. Il n’aurait nulle part où la mettre, par contre, et n’a pas le permis. Mais c’est classe. Une belle moto rouge vif, avec la forme d’un frelon, comme un jeune Great Teacher Onizuka…
Il n’a pas encore fini de s’imaginer vrombissant dans Tokyo qu’il aperçoit alors la garagiste au travail. Enthousiaste, il la hèle :
« C’est vous qui fabriquez tout ça ? »
Pas un bonjour, pas une politesse, c’est bien le roi.
La garagiste est une petite femme à la chevelure bleue flash - peut-être une Chimère, ou peut-être simplement une excentrique - dont les yeux sont cachés par une paire de lunettes de protection. Lorsqu’elle relève celles-ci, Joshua rencontre son regard aussi violet que le sien, et sourit.
C’est avec une certaine verve qu’elle l’accueille en bonne commerçante, sourire à l’appui ; et ses dents pointues sont aussi dévoilées au roi, qui ne s’en formalise pas le moins du monde. Au contraire, il est toujours content de rencontrer les physiques originaux de certains morts, et travaille d’ailleurs à bâtir une société où ceux-ci peuvent évoluer sans risquer les regards maladroits et les commentaires blessants. Il n’est pas prêt de faire remarquer ses extravagances.
Ravi de l’accueil, il reporte son attention sur les bécanes, admirant leurs reliefs et leurs courbes ; séduit par leur allure. La garagiste propose d’acheter celle qui l’intéresse.
« Qui m’intéresse ? répète-t-il, songeur. Eh bien, la belle rouge me fait de l'œil mais… Non, il ne vaut mieux pas. »
Sans y avoir été invité, il explique tout de même plus en détails : il voit d’ici la tête de la Faucheuse s’il débarque avec un tel engin à l’Agence ; il n’a même pas le permis, un tel délit pourrait lui faire gagner des travaux d’intérêt général et le transformer en assistant garagiste pour cette même jeune femme, s’il craque.
En lui-même, il admet que d’un autre côté, il aurait vraiment fière allure sur l’une de ces machines top cools. Mais non, la raison l’emporte pour une fois ; la décision est prise : pas de moto. Ça n’empêche pas de reluquer, cependant.
« Par curiosité, elles coûtent combien ? » s’enquiert-il finalement. Juste pour savoir s’il aurait les moyens.
Indiscipliné, il se permet aussi de toucher les carrosseries, y laissant de belles traces de ses doigts collants.
Repris par la jeune femme, il se confond en excuses, sincèrement. Le coup de clé à molette n’y est pas pour rien, c’est ainsi qu’il réalise que ce qu’il fait est déplacé ; désolé, il baragouine un léger « oops » avant d’essuyer les traces à l’aide de sa paume tout aussi collante, étalant le sucre plus que le nettoyant.
Malgré tout satisfait de sa réparation, il se retourne vers la garagiste, tout sourire :
« Mon permis ? Non non, comme je disais, je ne l’ai pas. Je n’ai même pas le permis voiture ! Je fais travailler les petites mouches et je me déplace en volant ; ou à pieds, ça fait les jambes. » Il désigne ses mollets pourtant peu musclés, laissés visibles par son pantacourt en jean, et preuve qu’il n’est pas si sportif que ça.
Le permis ne lui manque pas, habituellement, et il n’a pour ainsi dire pas le temps de le passer - ou plutôt, il préfère consacrer ses rares moments de liberté à l’apprentissage des langues ou à l’étude de la société ; tout ce qui lui permet d’être meilleur dans son job. Les moyens de transport, c’est plus accessoire… D’habitude.
Son attention se reporte vers les bécanes et, le renoncement devenant difficile, il songe au prix annoncé. Il a les moyens bien sûr, comme il l’avait projeté, et cela confirme qu’il est fait pour ces machines ; mais non, il n’est pas question d’acheter. Il se contente simplement de rêver, et comme il est bon de laisser vagabonder ses pensées vers de petites folies inaccessibles, parfois… Dès lors, il cherche à les prolonger, rallongeant le moment en grappillant de quoi se divertir :
« C’est possible de voir celles d’occasion quand même ? Voire de les essayer ? »
Son œil brille, se voyant déjà cheveux au vent chevauchant une moto l’espace d’une heure ou deux, juste pour satisfaire sa lubie. Alors, indifférent à l’agacement qui point chez la garagiste au cheveu azuré, il abuse.
La voir se pincer le nez inquiète un instant le roi par rapport à son odeur corporelle - c’est vrai qu’il fait très beau et chaud, aujourd’hui - mais un discret smell check de ses aisselles le rassure. Toujours frais.
« Dites-moi aux dernières nouvelles vous êtes bien Roi non ? »
Alors elle l’a reconnu ! Le visage du brun s’illumine encore plus, si c’est possible, il est ravi de se trouver en présence d’un sujet fidèle. On ne le reconnait pas forcément, les rencontres se faisant trop rapidement, souvent dans le noir pour favoriser le film morbide montré à chaque arrivant ; et, pour le monde des morts, Joshua n’a pas un physique si particulier, un japonais en costume parmi d’autres… Le fait que la jeune femme le remette est pour lui preuve qu’elle est une admiratrice. Comme le montre d’ailleurs le regard insistant qu’elle lui adresse !
Il n’entend pas le reste des réprimandes, se fixant surtout sur sa renommée, qui flatte son égo. L’agacement de la femme lui échappe également, tout bonnement incapable de lire son ton et ses expressions. Elle enchaîne :
« Mais techniquement rien ne vous empêche d’en acheter une, pour l’exposer ou dans l’optique de passer votre permis plus tard. »
Et elle lui demande s’il est toujours intéressé.
« Hrm… L’exposer, répète-t-il en pensant tout haut. Passer mon permis… Non, non, je n’aurais jamais le temps, et c’est trop fastidieux. »
Ne l’oublions pas, le Roi préfère utiliser son temps libre pour des activités qui le font vibrer, qu’elles soient utiles… ou plus frivoles. Le code de la route n’en fait pas partie, il n’est pas prêt à s’en embarrasser.
Un petit silence s’attarde après sa remarque terriblement discourtoise : il le brise aussitôt par une pirouette, réaxant la conversation sur sa petite personne sans plus de cérémonie.
« Et vous, un petit autographe peut-être, pour la peine ? »
S’il avait un stylo sur lui, il l’aurait signé sans même attendre de réponse, toujours persuadé d’être en terrain conquis.
« Ou un selfie ? Avec les motos derrière, ce serait trop dar ! »
Ni une ni deux, voilà qu’il approche la jeune femme de lui pour mieux se placer pour la photo imaginaire. Elle n’a plus qu’à sortir son téléphone et frimer auprès de tou.te.s ses ami.e.s, se dit-il tandis qu’il envahit honteusement son espace personnel.
Joshua ne s'attend pas à une telle réaction. D'abord, il la sent troublée - peut-être d'être si proche de la royauté ? S'il identifie clairement la gêne, il n'en décèle pas bien la cause, jugeant qu'elle a tout d'une fan un peu timide. En réalité, la jeune femme brûle de colère, et il ne tarde pas à en avoir la preuve lorsqu'elle se saisit d'un outil pour le menacer.
Malgré sa position de premier plan, Joshua n'a que rarement été en danger. Quelques bagarres à la sortie des bars, quelques spectres mécontents qui visent le nez à la sortie de son bureau, et… cette fois où il a rencontré cette vieille Chimère et, en état d’ébriété, il n’a pas su reconnaître les signes. Parfois, ses oreilles sifflent encore en écho de ce cri térébrant. Mais cette fois, ça n’a rien à voir, n’est-ce pas ?
De toute façon, elle a la clé en main, il n’a pas le temps de bien réfléchir : bruyamment, il s'exclame :
« Woh, calme-toi ! »
Il lève les mains en l'air dans une attitude défensive, grimace à l’appui. Le roi est réellement effrayé, mais que risque-il vraiment ? Une bosse ? Voyons, il est ridicule de se mettre dans des états pareils, Joshua, se dit-il, rationnel. Un peu de courage ! Mais... si c'est une Chimère… Le cri lui revient en mémoire. Il secoue la tête pour le dissiper ; non, il est plus expérimenté maintenant, il sait reconnaître une Chimère enragée, et on n’en est pas là.
D'ailleurs, il n’a pas conscience que c’est plutôt lui, le danger, aux yeux de la mécanicienne.
« Je voulais seulement t’aider ! » se justifie-t-il, jugeant qu’un selfie avec sa personne royale aurait apporté du prestige à la petite boutique.
Mais il lit dans les yeux furibonds de la mécanicienne qu'il n’en est pas question. Lui aussi recule lentement, les deux spectres se séparant prudemment comme deux fauves au poil hérissé. Le roi se rapproche de l’entrée, mais il n'est pas encore prêt à partir. Les mains bien en évidence, il tente une dernière approche :
« Je signe la moto et on repart du bon pied ? Elle prendra de la valeur c’est sûr ! »
La clé brille dans le soleil de l’après-midi, menaçante.
|
|