La théorie du linge sale

Il a l’air tellement content que tu acceptes de manger ce qu’il prépare (aussi que tu fasses l’effort de parler japoais), et en même temps, tu n’es tellement pas difficile. D’accord, ce ne sera sans doute pas aussi bon que les petits plats de maman ou ceux de la grand-mère au pays, mais ça reste une invitation sympa.

Serviette beaucoup trop grande enroulée, adieu caleçon mickey dans la machine. T’apprends que tu t’es fourvoyé. Ah oui, le contexte, tu n’y avais pas pensé. Tant jeune arrivant, tu ne connaissais pas encore toutes les subtilités de ce pays. Un « ooooooh » qui comprend mieux, tu ris encore à ces excuses.

« Ça va. » Tout va bien. C’est ok. « Je comprends. » Qu’il ait été surpris de ton arrivée. En plus, tu avais commencé à parler anglais par réflexe alors que tu devrais sérieusement te forcer à parler japonais. Tu n’aurais pas su où te mettre non plus à sa place – pendant quelques secondes, après tu aurais retrouvé ta jovialité naturelle. Alors pour ne pas réitérer la faute, et aussi pour t’entraine, te voilà à tenter de caser le peu de mots ou de faire le peu de phrases que tu peux former de manière spontanée.

Personne ne s’attendrait à voir débarquer quelqu’un, ici, à la laverie. Et tu peux comprends cette envie que le Japonais a eue de se retrouver ici en plein nuit.
Il se sent seul ? Ou parce qu’il veut être tout seul ? Tu ne sais pas trop. Il n’a pas eu l’air de te rejeter ou d’écourter vos échanges. Tu en déduis que c’est parce qu’il se sent seul, lui. Tu as quelques secondes de latence où tu essaye de retrouver le mot « seul » ou « solitude » en japonais. Tu finis par chercher la réponse sur ton traducteur.

« Maintenant, t’es pas seul. » Tu lui tapotes l’épaule amicalement, oubliant que ce n’était pas la meilleure démonstration d’affection à faire à un Japonais. Mais il avait une tête un peu triste, t’as pas pu t’en empêcher.

Finalement, tu l’accompagnes dans sa descente vers le sol. La musique ? Non tu ne connais pas celle-là. Ce n’est pas le genre musical que tu écoutes en général, mais ca commence bien. Tu secoues la tête pour lui signifier que non, et tu tapes à nouveau sur ton clavier.

Les notes continuent, c’est sympa, les paroles aussi. C’est calme pour toi, et tu fermes les yeux en tapotant du pied au sol au rythme de la musique.

Quelle merveilleuse façon de commencer la journée.