L’alcool se calmait un peu, au rythme de leurs pas. Il était le premier surpris de constater qu’il était capable de tenir une conversation normale. Il ignorait si William avait fait exprès de ne pas répondre à sa question sur ses origines, le blond se disant qu’elle était peut-être un peu trop personnelle. Il ne la relancerait pas, préférant parler de sa vie actuelle –qui n’était pas fameuse- à son appartement. Lors de sa petite blague sur les vampires, il apprit qu’ils n’étaient pas sujet aux brûlures du soleil, même s’ils agissaient de nuit pour leurs… Meurtres. Enfin, chasse, comme disait l’anglais. C’était plus classe, assurément. Il était vrai qu’avec la technologie actuelle, surtout à Tokyo, tuer n’était pas une tâche aisée. D’autant plus qu’il fallait effectivement que l’existence des vampires soit tut aux yeux des vivants. Pas facile, comme conditions. Il acquiesça doucement, ne sachant quoi rajouter de plus de toute manière. Il continuait d’apprendre.
Il évoqua sa vie recluse, le fait de ne pas sortir de peur de montrer son corps décomposé à la vue de tous. Il n’était pas à l’aise, malgré le fait qu’il essayait de ponctuer ça par une petite blague. Comportement puérile qu’il avait souvent, lorsque les sujets qui le touchaient d’un peu trop près étaient abordés. Il se mordit la lèvre inférieure, écoutant attentivement le point de vue de William. Hum… Il avait de quoi redire, à tout ceci. Etre fier de ce qu’il était, hein ? Un froncement de sourcil. Clairement, son visage démontrait son désaccord. Il n’était pas prêt d’assumer ce corps qui partait en lambeaux. Et, encore, sa transformation était plutôt lente et pas trop dégueulasse, quand on prenait un peu de recul. Ces jours décharnées lui donnaient un certain… Style. Question déguisement pour Halloween, il était parfait d’ailleurs.
« Pour être franc… Je n’ai pas été dupé. C’était mon idée et j’aurais tout fais pour y parvenir. Et le nécromancien qui m’a aidé eh bien… Il n’y croyait pas, au départ. Il m’a même mis en garde. Mais comme on était de jeunes fantômes, on ne savait pas, pour la zombification. On s’est dit qu’on ne pouvait pas être plus mort que mort. » Un léger rire moqueur passa le seuil de ses lèvres. Ce qu’il pouvait être idiot et ignare, quand il s’y mettait. C’était tellement pitoyable.
« Ça m’a pas vraiment réussi. Après… Je me sens un peu naze, j’abuse de sa culpabilité pour avoir mes potions à l’œil… Je sais que c’est mal. Mais j’étais tellement en colère. » Cela faisait un temps maintenant, qu’il se disait qu’il agissait mal envers Rizzen. Après tout, sa condition de zombie n’était pas de sa faute, mais bien celle du blondinet. C’était lui qui était allé à sa rencontre, lui qui l’avait convaincu de l’aider, lui qui avait balayé tous les doutes pour avoir cette fichue potion. Et voilà où il en était.
« Le retour de karma… » Son regard se perdit dans le vide, alors qu’il poussait un soupir.
« La transformation des potions ne me dérange pas. Ce n’est pas le truc le plus agréable à subir, mais c’est toujours mieux que de me voir défiguré. J’essaye d’éviter de prendre les potions la nuit vu que je suis sensé dormir. Par contre ce soir j’en ai bu une avant de sortir, donc pas d’aspect zombie à venir avant de bonnes heures. » Et cela lui convenait parfaitement. Être différent des autres était une chose, ressembler à un cadavre ambulant en était une autre. Il lui faudrait du temps pour accepter son corps et tout ce qui allait avec. Heureusement, pour l’instant, il n’avait pas fait de rêve… Il serait assez traumatisé quand ça arriverait.
Cela faisait deux fois que William évoquait les chimères. Pour autant, le blond n’avait aucune idée de ce que cela pouvait être. Dans sa tête, il imaginait des êtres avec une tête de lion, d’aigle et de bœuf ainsi qu’une queue de serpent. Un peu comme les Méga Chimaira dans le jeu vidéo Final Fantasy X, oui. Pour autant, il n’osait poser de question, même s’il savait que son interlocuteur lui répondrait. A ses yeux néanmoins, il était assez passé pour un con. D’autant plus que le sourire de l’anglais quant à la possibilité de se promener dans Tokyo un autre jour semblait lui plaire. Le blond recouvra son sourire pour le moment, malgré cette conversation sur « comment vivre bien en tant que zombie ». Il avait encore beaucoup de progrès d’acceptation de soi à faire, à n’en pas douté. Mais de toute évidence, ses problèmes ne se résoudraient pas ce soir.
Pour l’heure, il avait surtout envie d’en griller une. Il laissa William en piquer une dans son paquet avant de la lui allumer et de s’attarder sur la sienne. La première latte le libéra d’une tension qu’il ressentait à travers tout son corps. Il n’aurait pas pensé que le manque de nicotine puisse subsister dans le monde des morts… Mais maintenant le tabac ne pouvait plus le tuer. Cette pensée le fit rire brièvement alors qu’au final, son interlocuteur revenait sur sa question sur les origines.
« Je suis jamais allé en Angleterre. En même temps, j’ai quitté qu’une fois le Japon, et c’était pour un mariage. Mais Londres… Ça faisait partie de nos projets de vacances, avec mon mec. » Combo gagnant. En l’espace de deux phrases, il avait parlé de Mira, Seto et Seiya, avec un naturel déconcertant. Il grimaça en s’en rendant compte. Il avait parlé au passé, bien qu’il avait n’avait pas catégorisé Sei comme un ex… Parce que pour lui, en plus profond, leur histoire n’était pas terminée. Il ignorait s’il aurait le cran de lui jurer fidélité jusqu’à ce qu’il meurt, à son tour… Et encore, là, il n’était même pas sûr qu’il arrive dans ce monde. Il se mordit la lèvre inférieure. Pourquoi il avait parlé de lui, d’abord ?
Ils sont encore beaucoup trop ancrés en toi.
« Désolé. » Il se sentait mal d’avoir attiré une nouvelle fois le sujet à lui
. « En tout cas… Ça doit être bien différent de Tokyo. C’est… Exotique ? » Il se perdait dans ses réflexions, perturbé par son propre comportement. Il cherchait à tourner à nouveau la conversation sur William, mais il devait avouer qu’il n’était pas très doué.