Les yeux d’Amb se mirent à briller innocemment.
Un escargot de compagnie ? Kazuki devait être un génie, ou quelque chose de ce genre.
-« Oh oui alors ! J’ai hâte ! »Il était tout heureux de cette nouvelle idée aussi surprenante que pertinente.
Lorsque son ami lui avait demandé quel métier il voulait faire, l’enfant avait stoppé ses trépignements pour les troquer contre un air sérieux avec yeux plissés inclus :
-« … Je ne sais pas. J’aimerais bien faire de la cuisine ! Ce serait chouette, de faire des gâteaux pas sucrés que tous les enfants de la Terre aimeront ! Comme ça, ils ne s’abîmeront plus les dents, c’est super ! Et puis, j’aime bien cuisiner … »Il décida au fond de lui-même qu’il devrait absolument retourner à l’école, puisque Kazu semblait y tenir particulièrement, cela devait être quelque chose de très important pour lui. D’après ses dires, il l’aiderait, en plus ! Plus aucun problème ne semblait résider.
Quand on lui demanda pourquoi le métier barman conviendrait à son camarade, Amb fit une tête étonnée, comme si la question n’avait même pas lieu d’être :
-« Ben, parce que tu as la classe ! Et tous les barmans ont la classe !... C’est bien que tu n’aimes pas l’alcool, c’est vrai que c’est mauvais pour la santé, mais c’est aussi très mauvais pour les relations qu’on a avec les autres. Je le sais, parce que le père d’une… amie, avait des petits problèmes avec ça… »Le petiot avait déjà bu de l’alcool, enfin, un fond de verre, une petite gorgée, qui avait suffi à lui irriter la gorge pour toute une soirée. Clairement, il n’aimait pas le goût, il ne risquait donc pas d’en reboire, mais il préférait éviter de dire à son ami qu’il avait auparavant goûté au fruit défendu, et se contenta d’hocher la tête pour signifier qu’il agréait à ses paroles.
Après le glissement très esthétique qu’avait effectué Amb sur le parquet (dorénavant brillant) du corridor, et qu’il ait tenté, vainement, de fusionner avec un pauvre mur qui était un jour passé par là, et depuis, était resté, il se rendit compte que finalement, Kazuki était sur le canapé.
-« Oh, oui, ça va… »Un peu étourdi, l’enfant se frotta la tête.
-« Je ne fais pas assez attention, pardon. On m’a pourtant répété qu’il ne fallait pas courir le nez en l’air dans les couloirs. Le pire, c’est que je l’avais vu ce pauvre torchon. Imagine, si il ressentait des sentiments, il aurait eu tellement mal, par ma faute, parce que je n’aurais pas fait attention… Oh non… »Amb se mit à couiner à un volume très bas, et commença à pleurer.
Impossible, ce petit.
Dorénavant assis sur le canapé, il se tint presque immobile comme une statue, un peu perturbé dans son attitude stoïque par les hoquets que sa tristesse provoquait. Bon, il était aussi certainement fatigué.
Il faisait de son mieux pour ne pas bouger, parce qu’il ne voulait surtout pas être mis dans du papier bulle, il serait trop serré, et l’oppression, c’est oppressant.
-« Je connais tous ces jeux, et le Monopoly, c’est trop long. Les cartes, il y a pas de dessin, c’est pas drôle. Je préfère le truc serpent-échelle-machin. »Lorsqu’Amb était extrêmement fatigué, il bridait moins ses émotions, donc il exprimait clairement ce qu’il voulait et ne voulait pas.
Cela pouvait être déroutant, pour ceux qui ne s’y attendaient pas, néanmoins, le gamin faisait en sorte de ne pas se retrouver dans cette situation devant des spectres qu’il ne connaissait pas, ou peu, afin d’éviter tout choc psychologique dû à un changement de comportement abrupt.
-« Oui Kazu, j’ai compris, tu es gentil ! Merci grand frère ! »Il saisit le dé dans ses petites mains, mais au lieu de le lancer, décida finalement de se lever et de s’étaler dans les bras dudit Kazuki.
-« Je suis trop content ! C’est trop bien ici ! »Ensuite, il resta sur les genoux de son ami, et lança le dé tranquillement, faisant avancer son pion du nombre de cases inscrits sur l’objet cubique, puis tendit ce dernier à son pote, avec un sourire curieux.
Il soupira deux secondes plus tard, à peine, et descendit finalement des genoux de Kaz pour aller s’allonger dans le canapé.
-« Ohlàlà, c’est incroyable, je suis fatigué. Comme, vraiment, fatigué. Tu sais Kazu, je crois qu’un jour, j’irai escalader une montagne, et en haut, je planterai un drapeau avec un escargot dessus. T’en pense quoi ? Eh dis, c’est quoi ton plus grand rêve, grand frère ? »Les pensées s’échappaient toutes seules de la bouche d’Amb. Peut-être que se cogner contre un mur avait fait débloquer un truc dans son cerveau.
Bah, tant pis, ça passerait, un de ces jours.