Morte en colère

Derniers préparatifs (urgent). Ou pas.
Cela fait maintenant une heure et très exactement vingt trois minutes que tu tournes en rond à la recherche de Miu. Tu as un paquet de six petits suisses sous la main et plus trop de temps à perdre. Tant pis, tu abandonnes la mission, tu reviendras un autre jour. Ses colocataires t'ont dit qu'elle serait sans doute à l'agence aux côtés du roi des Lémures pour lui donner ses compotes mais une fois à l'étage du bureau, aucune Miu à l'horizon et la nouvelle année va bientôt commencer. Une fête t'attend ! Ça aussi tu as oublié. Encore une fois, personne ne saurait dire ce qu'il t'est passé par la tête pour avoir l'idée folle de décider à une heure si tardive de la soirée (du moins pour un 31 décembre) de partir voir Miu. En particulier pour simplement lui offrir sa dose de ptits suisses alors que tu as un évènement de prévu.

Go to the party !
Abandonnant donc la mission, tu te diriges vers l'ascenseur afin de retrouver les appartements au sous-sol. C'est ici que la fête se passe bien que tu as to-ta-le-ment oublié l'étage et même le nom de l'endroit. Improvisation. Au moins, tu es déjà sur ton 31. Le 31 décembre (joke). Lunettes noires toujours sur ton nez, cheveux blonds plaqués en arrière et eau de cologne soigneusement appliquée. Seuls les mini-yaourts sous ton bras te font défaut.
En attendant l'ascenseur tu poses tes yeux sur la demoiselle à tes côtés. Ses cheveux roses t'intrigue un peu. La tête qu'elle affiche aussi. Elle semble porter un regard rempli de jugement sur presque chaque personne passant dans le hall. Sans doute une nouvelle morte ? Non. En fait c'est certain. Une nouvelle morte. Tu souris bêtement, gloussant silencieusement. C'était sans doute elle qui avait pesté dans le couloir tout à l'heure vu son air furax. La sonnette familière tinta et les personnes sortirent. Difficilement puisque la jeune fille leur barrait le passage. Tu entras à ton tour et, toujours souriant tu demandas l'étage à la demoiselle. En japonais d'abord. Puis en anglais, voyant que visiblement elle ne comprenait pas ce que tu disais.
Pendant que la machine s'enterre, tu te retourne vers elle.

« C'ton premier jour ici ? C'pas top de mourir un jour de fête j't'avoue. C'est ça qui t'fous en rogne ? T'inquiètes, ici aussi on sait s'amuser. C'quoi ton ptit nom ? Moi c'est Yûdai. »

Hé Lise ! Comme dans Elise, la Lettre à Elise. Haha ! Trop cool.
Pas du tout. On pourrait croire que tu te moques d'elle mais absolument pas, d'ailleurs tes gloussements semblent tout à fait naturels et convainquant. Tu l'observes soulever tristement une mèche de cheveux, reprenant rapidement un air grave et sérieux. Ouais ok, toi aussi t'aurai eu trop les boules d'avoir ta magnifique coupe de cheveux défoncée par La Mort aujourd'hui. D'ailleurs tu grimaces en repensant à ta propre mort et donc, ton arrivée ici, en pyjama, puant le vomis. Très classe. Vraiment.

« Aller, c'pas trop affreux non plus, tu rentres chez toi, tu prends une douche et zou ! Go to the party ! Tu mimes une danse rapidement. J't'emmène avec moi s'tu veux. Tu déprimeras demain ok ? Tes ch'veux sont roses et trop classes, on s'en fou d'la forme sérieux. Ils brillent ! Comme les miens t'as vu. »

Le mec beau gosse.
Une fois encore tu joues le mec beau gosse. Enfin pas vraiment puisque tu le penses pour de vrai. Quoiqu'il en soit, tu passes rapidement une main sur ton crane, souriant de toutes tes dents d'un air idiot pour lui montrer tes beaux cheveux blonds. Remarque, ça peut éventuellement la faire rire. Ou le contraire. Cette jeune fille vient de mourir, enfin Yûdai ! Un peu de bon sens.

« J'ai des p'tits suisses. T'en veux ? »

Ah.

« Tu crèches où au fait ? »

L'ascenseur sonne.

Ah. Un problème se pose.
Cette charmante demoiselle n'a écouté que d'une oreille le roi des lémures et maintenant voilà t-il pas qu'elle n'a aucune idée de l'endroit où elle va emménager. Tu l'entraînes en dehors de l'ascenseur, finalement, l'entrée en fanfare à cette petite fête va être retardée... Espérons que t'arrive là bas avant le décompte de la nouvelle année haha ! Quoi qu'il en soit, toujours de bonne humeur tu lui refourgues un p'tit suisse et une petite cuillère sortit de ton derrière. Ah non pas qu'elle sorte directement de là mais tu en avais emportés deux en prévision de manger quelques yaourts avec Miu. Elle venait donc de la poche arrière de ton pantalon.

« Aller, tiens, savoure. Après on ira toquer aux portes pour emprunter des affaires et t'refaire une beauté ok ? Puis d'main, tu retourneras là bas. »

Tu vas t'assoir par terre dans le couloir de l'immeuble, sur le pallier de ces inconnus pour ouvrir ton propre p'tit suisse. Avant ça, tu tapotes la place à côté de toi, l'invitant à te rejoindre au sol. Après tout, le ridicule n'a jamais tué personne et surtout pas toi. De toute façon, vous étiez tous les deux déjà mort. Ça règle la question.

« J'sais à quel point ça peut être effrayant ou frustrant d'mourir alors qu'on l'voulait pas. J'comprends c'que tu peux r'ssentir. Comment ça t'es arrivé ? »

Tu as étrangement l'air moins idiot en disant ça.

« Arriver ici, c'comme si tu changeais d'école en cours d'année. Nouvel environnement, nouveaux potes, nouvelle vie... » tu ajoutes ça l'air pensif.

Good girl.
C'est tout à fait ce que tu voulais entendre. Tu voulais la rassurer au début mais puisqu'elle le prenait comme tel, c'est aussi bien. Pour surmonter tout ça, il faut être fort.

« Yeah, t'as raison Beauté. C'est ça qu'on veut ! »

Tu checkes son poing sans même attendre qu'elle te présente le sien pour un "brofist" des familles et écoute l'histoire -rapide- de sa mort. Alors comme ça un sanglier l'aurait percuté ? T'en déduis qu'elle devait être en voiture même si elle ne l'a pas précisé. Dans ce cas, la bête devait être elle aussi quelque part dans ce monde mais tu doutes fortement que Lise soit ravie de le savoir. Elle aurait sans doute envie de le tuer une deuxième fois.

Sauf que...
Tu pinces tes lèvres. En effet, ce n'est pas tout à fait pareil. Des détails non négligeables changent la donne. Nos proches, pour la plupart -et vu son âge, sûrement l'intégralité-, ne partent pas avec nous.

« Ouep', t'as raison. » Tu pousses un petit soupire en prenant une bouchée du yaourt. « Y'a qu'les vampires qui sont habilités à r'tourner dans l'monde des vivants mais t'peux pt'être te consoler en t'disant qu'tu les r'trouveras forcément un jour ou l'autre et que, en attendant, tu peux découvrir ce monde ci. Ça va aller. »

Tu reprends une cuillère de lactose. Hm, délicieux !

Mh.
Tu déglutis bruyamment ton yaourt en hochant la tête. Oui, des vampires...? Et après ? Elle voulait en devenir un ? Ça allait être compliqué sachant qu'elle était désormais morte et que être un vampire signifiait mourir. Enfin. Tu crois que ça se passe comme ça, tu ne t'es pas attardé sur les détails.

« Bah Lise-chan... Bien sûr qu'ça existe les vampires ! J'suis pas expert là d'dans par contre mais j'crois qu'un vampire c'est un être humain mort en étant mordu par un autre vampire. Du coup comme t'es d'jà morte, t'peux pas en devenir un. » Tu commences à racler ton p'tit suisse. « Par contre j'en connais quelques uns et t'peux sans doute leur poser des questions. S'ils veulent y répondre. »

Tu rigoles à cette dernière phrase en léchant ta cuillère. De toute façon c'est comme partout ailleurs. Y'a des gens cools et gentils tout comme y'en a des moins sympas. En parlant de gens moins sympas....

« J'sais aussi qu'y'a d'autres genre d'personne, des zombies, qu'ont un rapport avec l'monde des vivants mais j'en sais pas plus si c'n'est qu'c'est pas très légal ou très correct. Bref, on a pas l'droit en tant qu'mort de communiquer avec "en bas". Pis en plus 'paraît qu'ils dégagent une forte odeur de décomposition c'est dégueu et pas ultra chic ! Franch'ment évites. »

Tu hausses les épaules en la regardant.