— Et mon fric, je l'aurais quand ?
Ce contact était à la fois si soudain et si fortuit mais au final, il aurait probablement pu le préméditer un jour ou l'autre. Après tout, le jeune homme ne pouvait sans cesse fuir les responsabilités et encore moins les obstacles qu'il rencontrait, devant lui.
À force de repousser l'échéance, ce qui se trouvait auparavant devant ses yeux avait fini par prendre une place vers l'arrière, bien plus dangereuse au bout du compte. À chaque moment, la silhouette imposante menaçait de prendre la forme d'une ombre imposante. C'est ce qui arriva, hélas, aujourd'hui.
Des griffes obscures attrapèrent le col de sa miteuse veste pour l'attirer face à une réalité à laquelle il ne voulait être confronté un jour. Des frissons perforèrent à peine son cou. Ils s'intensifièrent à mesure que les ongles d'une potentielle commination chatouillèrent sa nuque instable par les frémissements grandissants. Il se vit retourner, de force, par cette puissante poigne, l'ayant défié à un duel d'yeux désormais.
En reconnaissant la figure familière de ce nécromancien, désormais en face de lui, il associa son faciès au motif de son crime : Une somme incalculable d'ossements promis en crédits qu'il devait rembourser depuis déjà une éternité. Les vingts potions de ce charlatan étaient vendues à un prix exorbitant et malgré ça, il les avait achetées.
Ou plutôt empruntées.
Ou plutôt volées.
Les tressaillements auparavant présents dans sa nuque se transposèrent sur ses cordes vocales comme des spasmes. Il en fut presque incapable de s'exprimer. Lorsqu'il ouvrit la bouche face à ce nécromancien, ce ne fut pas pour déverser d'ultimes excuses mais uniquement un hoquet d'une surprise effarée. À vrai dire, il avait déjà vendu à son nouveau persécuteur un taux de justifications assez élevé si bien que celui-ci n'avait plus la modique valeur pour fonctionner davantage. Il n'était pas bête et savait qu'au bout d'un temps, tout s'use.
Il savait que, dorénavant, il ne pouvait plus reculer. En tout cas, il ne pouvait plus reculer de cette manière.
Profitant d'un certain relâchement dans le temps de cette emprise, elle ne fut capable que de capturer le bout de tissu qu'elle avait agrippé. Rien d'autre. Cassian avait déjà filé. Cette fois-ci, il n'avait laissé que pour monnaie son cardigan noir d'apparence si misérable qu'on pouvait penser qu'il l'avait juste enfiler pour sortir ses poubelles. Juste pour supporter un peu de froid dehors.
Pour le moment, il ne se fit pas ressentir sur son corps Cassian était déjà parti dans une fuite dans laquelle il serait très probablement poursuivi.
Il ne prit la peine de jeter un œil derrière lui, pour le moment, trop concentré dans sa fuite. Il aperçut juste à peine la devanture du bâtiment dans lequel il s'était vite recroquevillé : L'agence. Cependant, ce ne fut pas assez sain.
Le rythme de ses pas, trop lents, poursuivis par ceux de son bourreau, trop lourds sur sa conscience, désorienta les aiguilles du temps mais aussi celles de sa manière de pensée. Son sens de l'orientation était toujours misérable même s'il avait passé plus de dix ans ici ; il en devenait encore plus exécrable quand il était incapable de penser, imaginer ou même voir.
Sur sa route, il bouscula une femme qu'il ne prit le temps d'identifier. Rien ne ressortit d'elle. Aucune caractéristique alors que pourtant, chaque individu est différent. Mais Cassian n'avait jamais reconnu la notion d’identité, même le concernant.
Aussi étonnant soit il, elle était l'une des seules personnes se retrouvant à cet étage avec le nécromancien et sa victime. Cet épisode aurait pu rappeler à Cassian une triste rencontre car quasiment identique. Quasiment car l'américain n'était pas comme lui.
Il n'était pas indépendant. Il avait besoin des gens.
Ils ne chutèrent mais se rencontrèrent presque poliment car, lorsque le jeune croisa route, il toisa cette femme en agrippant à son tour ses épaules assez menues. Qu'importe qui elle était, tant qu'elle pouvait l'aider. Même pas il ne lui adressa un regard à proprement parlé. D'orbes hypocritement floues, il la fixa dans les yeux mais ne vit pas qui elle était, pour le moment.
— Hey ! Euh… Je sais qu'on se connaît pas mais aidez-moi, je vous en supplie.
Après cette rencontre, face à face, il osa se retourner un instant pour constater que la personne en furie lui courrait encore après. Plus elle avançait, plus son rire devint carnassier ou plutôt, plus on pouvait s'en rendre compte et voir ses babines se retroussaient au profit de ses canines trop inquiétantes.
Sa concentration était trop absorbée par cette personne lui conférant une angoisse désespérante si bien qu'il indiqua à l'inconnue d'un signe de la tête son problème, sans en dire plus, avec le souhait qu'elle comprenne.
— Promis, je ferai n'importe quoi après mais vite.