La pauvreté de ses mots n’avait pas le prix et les moyens de sa riche douleur. Elle cherchait à endolorir une blessure qu’elle prétextait maintenant comme superflue. Sur le coup, Cassian pensa à relever aux nouveaux venus qu’elle atténuait les choses mais il regarda la concernée d’un air désappointé dans son impuissance la plus suprême. Il était debout et destiné à scruter du coin de l’oeil cette scène si peu anodine et donc si peu consultable pour le jeune homme. La femme au corps ouvert par une éventuelle plaie, il ne réagissait pas pour autant et ne dévoilait pas ce qui semblait naturel et critique d’insister sur.
Une indifférence qu’on aurait jugée d’évolutive puisqu’elle se portait plus sur une notion de distance où le jeune homme commençait à faire luire ses pupilles bistres pour les maquiller d’admiration constellée. Et pourtant, les paillettes n’étaient que du strass dans ses yeux si mornes de sens. Forcément, il ne pouvait éprouver de la vénération pour Shirley mais tout au moins enviait il des parts d’elle n’étant pas encore bandées mais bien intactes.
Sa capacité à mentir pour sauver les autres plutôt qu’elle-même relevait du courage que Cassian n’aurait probablement jamais. Le mensonge, il ne l’utilisait qu’à des fins individuels alors que les siens étaient bons et usées avec tempérance. La larme feutrée sur le coin de sa paupière inférieure recueilla tous les efforts dont il était incapable de formuler alors que plus bas, se dressait une figure vivante d’un mutisme louable. Inutiles mensonges désarmés par un coeur pur ; la bienveillance l’emporte toujours sur le mal.
S’il avait prononcé quelques insistances auprès de ces infirmiers, c’était réduire tout ce que Shirley tentait d’entreprendre et donc moudre en poussière le diamant qu’elle avait poli jusque là. Trop précieux pour qu’il le touche, il ne l’avait jamais connu, ce courage limpide qui coulait dans ses veines pourtant et sans doute ouvertes, laissant sourdre le sang, trop généreux.
Elle se sacrifiait pour ne pas déranger plus que ça les deux infirmiers, pour ne pas retarder le départ que Cassian espérait depuis un moment. À cela, le jeune homme n’en retira aucun sourire mais plutôt une moue triste puisqu’il se rendit compte qu’il ne pouvait même plus chercher à être généreux face à un tel modèle d’humilité en personne.
Ca ne servait à rien d’aller plus loin, il ne pourrait pas la vaincre ou même chercher à imiter sa victoire ou à se l’attribuer sur ce terrain là. Elle était grande gagnante en ce qui concerne l’esprit pieux et dévoué. Cassian n’était probablement pas religieux mais elle, si, cherchant à se donner plus de coups qu’elle en avait pour mieux finir au paradis.
Le zombie ne voyait pas l’éclat à quoi correspondait le paradis. Lui était toujours coincé dans ce placard, la porte et sortie bloquée par deux imposantes personnes. La lumière qu’il pouvait apercevoir depuis leur dos faisait un horizon mais peut-être trop synthétique pour pouvoir y croire. Ce qu’il méritait n’était qu’un monde d’apparences composé de plastique qu’il ne pouvait même pas façonné comme il le souhaitait. En quoi était ce bon de retrouver un monde aussi corrompu vous faisant croire à une réalité inexistante ?
Et il avait fini aussi corrompu que ce monde alors que certains, venaient en aide à des blessés et des blessés cherchaient à sacrifier leur peau pour des plus vilains comme des zombies.
C’était la fatalité qu’il devait accepter et embrasser à jamais. Et pour autant, il ne pouvait pas la laisser embrasser un sol aussi poussiéreux à jamais. Quand bien même cela fut vain et que d’autres personnes s’étaient érigés en rempart au-dessus d’elle pour lui venir en aide, il estima que ce dernier geste l’aiderait et prouverait qu’il pouvait s’en sortir aussi.
Il tendit sa main synonyme des premiers secours mais à la fois in extremis pour lui-même. Ce fut comme le dernier espoir qu’il jeta dans le fond d’un ravin pour attraper la main, non pas celle physique de Shirley mais la main des dernières chances et de se racheter d’avoir été trop cruel.
Il tira la jeune femme en question et parvint à la lever mais, subjectivement parlant, dans son propre monde des songes qui brouillaient à jamais ses yeux d’antan noirs, ce fut comme si elle l’avait attrapée mais que ses doigts, hésitants d’avoir confiance en un tel monstre, lui avait échappé au dernier moment pour se laisser glisser dans les abysses.
Une fois relevée, leurs paumes se séparèrent aussi vite qu’elles entrèrent en contact. La paume refroidie et narcotique du jeune homme n’était pas un pacte signé avec le Diable mais peut-être pire. Il l’avait forcé à se redresser alors qu’elle n’avait rien demandé.
Même ses derniers espoirs pour vouloir bien faire avaient été trop égoïstes. Une telle contagion qui inondait les artères de la bénédiction et l’entraver dans les offrandes les plus simples. Sa main une fois relâchée, il la porta au niveau de sa figure, comme un masque pour couvrir la lèpre en des temps trop anciens. Il fut si gêné par tant de honte et de disgrâce que son visage en devint aussi blême, ravagé par la maladie des remords accumulés.
— Pardon.
Hélas, même un mot ainsi n’aurait pas suffit pour ternir cette mauvaise réputation qu’il s’était forgé en inhalant la poussière de l’endroit. Toute la noirceur de ce placard l’avait sans doute encore plus illuminé qu’il n’y croyait, pour le faire devenir aux yeux d’une unique mais suffisante personne, quelque chose d’encore plus laid.
Même sa paume n’était qu’à peine vaniteuse pour prétendre éclipser une pleine lune bourré de cratères et de défauts, ne le rendant plus aussi lisse. Et ce fut ainsi que comme cette astre auquel on le compara, il s’éclipsa, en prenant encore la fuite.
Même la mort n’avait pas été un échappatoire satisfaisant.