Avec mes sincères salutations - [Lucy & Esperanza]

"Mieux vaut être seule que mal accompagnée", mais alors qu'attendait-elle pour fuir? L'espagnole se contente de hocher de la tête en agréément. C'est surtout qu'elle n'aime pas venir accompagnée, et préfère repartir avec quelqu'un bras.

Bon, le croustillant vient. Les affaires de coeur des autres, leurs petits tourments sentimentaux, ça c'est un nectar dont on ne se lasse jamais. La commère tend l'oreille, intègre et note. Elle-même préfère les zombies avec leurs attraits sanglants cachés, mais avait su se faire indulgente parfois. Enfin, elle suppose que Lucy ne parle pas de convoitise charnelle.

"Moh, ne prétendez pas ne pas être jalouse, enfin." Elle a quand même parlé de le partager, le choix des mots en dit long aux yeux de la lémure. "C'est tout naturel de vouloir nos amours au plus près de nos coeurs."

D'aucuns diraient que ce genre de rhétorique peut mener à des relations toxiques, elle ne les écouterait jamais. La toxicité est son domaine, sa zone de confort. Ce sont les autres qui en souffrent, alors comment la moraliser?

"C'est bien simple: faites une scène. Imaginez quelque chose, une situation où sa présence vous aurait épargné une douleur ou un embarras. Préférentiellement, il faudrait que ça le fasse passer pour quelqu'un de négligent, comme s'il avait pu prévenir le désastre à l'avance."

Venaient déjà quelques idées pondues par la machinerie fourbe qu'est l'esprit de l'artiste, pour l'heure elle les garde à elle-même. Peut-être que l'amoureuse transie saurait fabriquer les siennes.

"D'ailleurs, je suis actrice de théâtre, vous savez? Je peux absolument servir de... "machiniste", s'il le faut."

Il suffirait d'un costume, ou d'un masque. Rien qui ne soit inaccessible, vraiment.

Quoi, personne n'aime les moitiés trop jalouses? Esperanza ricane ouvertement, s'amuse de voir Lucy oser formuler ce genre d'inepties. Ça ne mérite même pas de réponse, même pas de commentaire, ni d'enseignement. Elle la fixe simplement dans les yeux, spasmes aux lèvres. Tu crois ça, vraiment? L'innocence de la jeunesse...

Mais elle cesse de se gausser quand la zombie rejette son idée -pourtant brillante- au nom de la rationalité, de la sécurité. L'artiste s'embrase soudainement, exprime visiblement sa frustration. Et croyez-le ou non: c'est une émotion sincère.

"Mais enfin, trésor! Tu crois qu'il retiendra la leçon parce que tu lui parles gentiment?!" La méthode est franchement débattable, mais son efficacité un peu moins. Esperanza sait fournir des solutions, seulement c'est souvent les pires. Ou des problèmes supplémentaires. "Et quid de l'aventure? Quid de la spontanéité?!"

Elle émet un claquement de langue exaspéré, revient à sa position initiale. Elle n'est pas tellement en colère envers Lucy que l'opportunité manquée de causer une belle scène. Digne de confiance, oui, c'est le terme.

Mais le sujet change, tout rêve d'un feu d'artifice s'éteint. Les jeunes ne savent plus s'animer, dirait la lémure. Leur manque un sens du grandiose, l'étincelle qui anime les complots comme les tragédies. Elle se comprend elle-même, puisque personne d'autre ne semble le faire. La fomenteuse ravale sa déception, redevient plus sociable et amène pour répondre à la question posée.

"Plus que tu ne pourrais le croire, chérie..."

De cette question vient une conclusion tout à fait simple: Lucy est plutôt jeune. Perdue, inexpérimentée, encore incertaine de ce qu'elle est elle-même. Demander conseil à Esperanza, cependant, tiendra toujours de l'erreur.

"Et laisse-moi t'épargner la peine: il ne faut jamais abaisser ses standards. Tu ne feras que te permettre des histoires creuses, qui déjà finiront mal, mais en plus se dérouleront encore moins bien." Elle vient de l'inventer. Elle se donne des airs de grande soeur, prétend prodiguer une sagesse, c'est une facade. L'artiste ne s'est jamais interdite de découvrir personne, a toujours suivi ses passions sans les questionner, quoi qu'il en coûte. Cependant, elle cerne assez cyniquement l'esprit de sa camarade pour lui servir ce qu'elle réclame. "Il ne faut simplement pas désespérer. Vous avez dit vous-même que l'on se tient mieux seule que mal accompagnée, hm? Cherchez la perle rare quelle qu'en soit la peine."

Et elle trinque encore. Horrible menteuse qu'elle est. Mais quelque chose la taraude, plusieurs fois déjà la dame lui a demandé son avis et ses conseils. Ça mérite d'être soulevé, certainement.

"Mais je me dois de demander, très chère. Vous vivez dans une période d'incertitudes, n'est-ce pas? Vous semblez rongée de doutes. Qu'est-ce qui vous trouble vraiment, par delà les babillages habituels?"

Ça pourrait tout juste devenir croustillant...

Adorable. La petite baisse la tête, semble se confier, ouvra sa carcasse à secrets pour le plus grand plaisir d'Esperanza. Ô joie, ô allégresse, ô que son sourire de requin s'étend d'oreille à oreille pour la laisser savourer le récit. C'est qu'il y a une extase à voir les gens s'humilier, se rendre vulnérable, une joie compréhensible par quelques âmes complices.

"Moh, tu te prends pour une impostrice, pauvre chose." Un diagnostic franchement hâtif, douteux. Mais qui suffit à la lémure. "Je saurais bien te conseiller, mais ça ne fera pas plaisir à entendre."

Elle finit sa flûte, la pose sur la sorte de table entre les deux. Quelqu'un s'occupera de la ramasser, pas son problème. Surtout, il lui fallait un bras libre pour prendre l'épaule de Lucy, la tirer légèrement comme pour la réconforter. Elle a tant besoin d'aide, après tout, tant besoin d'un guide sain et de bon conseil.

"Tu sais trésor, si ton couple te stresse... Peut-être que ce n'est simplement le destin qui vous l'interdit." Elle aurait pu invoquer n'importe quelle autorité céleste ou imaginaire, le destin lui était venu naturellement, à voir si ça prendrait. Elle enchaîne, avec assurance et un air grave. Sérieuse. "Je crois que le mieux pour toi, c'est de prendre tes distances. Laisse-le un temps, cherche d'autres amours, retourne-lui quand tu auras plus confiance en toi. Ce sera douloureux -je sais- mais c'est nécessaire. S'il te ronge autant, votre amour ne peut être que malsain."

Une histoire qui ne peut que finir mal. Une sorte de tragédie fataliste, une mort certaine de l'amour. Parfait. Absolument jouissif. Exactement le genre de conte qui lui fait enfin ressentir un fond de bonheur. La joie maligne.

La jeune ne veut pas des conseils de son ainée, et que le diable la prenne! Esperanza est frustrée, ne cache franchement pas son agacement, prend ses airs d'autorité un peu fausse.

"Moui, allez, à d'autres. Si tu tiens tant à t'obstiner dans l'erreur, qui suis-je, ô sotte moi, pour mieux savoir?"

Elle n'a plus de champagne à siroter dédaigneusement, alors se contente de fixer l'horizon avec un regard désabusé et las. Pourquoi lui demander des consils, si c'était pour les ignorer? Certains n'aiment entendre que ce qui leur plaît, selon toute vraisemblance. C'est une insulte à son intelligence, sans doute aucun, mais la lémure épargnera l'ingénue. Elle ne sait juste pas à qui elle parle.

"Oui, voilà. Aie confiance en toi, ça règlera probablement tout le reste."

Elle est caustique, acide. Cette soirée manquera de dramaturgie, parce que l'esprit borné de Lucy ne s'ouvre pas à la poésie du chaos. Quelle déception, comment sauver tel gâchis?

"Excuse-moi de te penser plus jeune, peut-être suis-je dans l'erreur, mais je trouve vraiment que plus les siècles passent, moins vous apprenez à vous aventurer. Ne restent que des gens prudents, tout craintifs, c'est path... décevant."

Que les vérités soient dites, pour une fois. Encore faudrait-il lui faire remarquer que c'est surtout son esprit tordu qui lui fait croire que tous sont étaient aussi spontanés qu'elle, de son vivant. Rien n'est moins sûr.

Oui, évidemment. Lucy se prétend coupable de bravoure, partante pour l'aventure. C'est absolument adorable, Esperanza lève un sourcil lassé. La petite doit être tout à fait courageuse, oui, mais seulement quand elle ne risque rien. Et puis pourquoi cette obsession de coller la lémure, si elle n'applique ses conseils ni ne suit ses intuitions? Que veut-elle?

"J'en dis merde."

Le changement brutal de ton est volontaire, ça amusera toujours l'espagnole de choquer ou brusquer. Mais plus qu'un énième jeu, c'est aussi la vérité. Elle souffle pensivement, s'accoude et pose son visage sur son poing.

"Ne le prend pas mal, chérie, mais tu es d'un ennui" Une autre vérité, mais aussi un aveu. Elle aurait adoré s'amuser de la zombie, que ce soit cruel ou non. Mais comprenez-là: Y'a-t-il seulement un bouffon véritablement drôle qui ne sache rire de lui-même? "J'entends seulement que tu veux bien te donner à la chance et au destin pour ce qui n'a pas d'importance: grand bien te fasse."

Si elle n'était pas immensément puérile, la lémure se lèverait d'elle-même pour aller chercher meilleure compagnie. Mais ce serait dans son esprit admettre une défaite, alors elle reste sur ses appuis. Et son siège.

"Je ne sais pas, parle-moi de choses exaltantes, dévoile tes passions, montre-moi quelque chose qui vaille mon attention."

Elle agite les mains en parlant, fait de grands gestes pour exprimer qu'elle attend de grands concepts. Si sa seule cohorte ce soir se réduirait à des pantins creux, elle rentrerait profiter de la solitude, cette dernière est au moins poétique.