It sounded like a good idea {Libre

Depuis trois-cents quatre-vingt treize ans, Kiyomi se promène dans le monde des morts et connaît un peu près tous les coins où se balader. L’un de ceux qu’elle préfère est le centre équestre ; peu de monde y vient et elle peut passer du temps en compagnie des chevaux qui se sont fait à sa présence à force de passage et d’amadouement à l’aide de foins et carottes. Trois siècles d’efforts récompensés.

Maintenant, dès qu’elle arrive, ils s’approchent près des barrières afin de se laisser caresser sans montrer un signe de crainte. Leurs oreilles ne se couchent pas vers l’arrière, ils ne lui lancent plus des regards de travers, méfiants et prêts à s’échapper au moindre geste brusque. Ils attendent, broutent et font leur vie, sans se soucier de cette bipède qui traîne parfois dans leurs jambes.

Vêtue d'une tunique beige et d'un short en jean large, elle sifflote doucement pour signaler sa présence, s’avance d’une jument à la robe pie bai. Elle lui accroche un licol et attrape la longe pour la sortir du près. L’animal secoue la tête dans tous les sens, accélérant le pas jusqu’à trotter gaiement jusqu’à la zone de pansage où la blondinette vient l’attacher.  Elle s'éloigne pour récupérer des brosses, s'amuse à décrasser l'animal à l'aide de l'étrille, du bouchon et de la brosse douce, rendant son poil plus propre. Personne n'aime être couvert de crasse et il en va de même pour les animaux.

Pendant qu'elle démêle ses crins avec un peigne, Kiyomi observe l'oeil paisible de Calypso et se met à penser tout haut.

Ce serait bien d'être bops à cheval, je devrais proposer l'idée...
 
Avec un peu de chance, le chef acceptera. Ils auront vraiment la classe sur leurs chevaux, se promenant dans les rues. Et si quelqu'un commet une infraction, ils l'attraperont rapidement, un peu de galop et hop ! La criminalité diminuera encore plus vite. Quelle bonne idée. Pour une fois qu'elle en a une.

Le pansage de l'animal se termine avec ses sabots, Kiyomi repose le dernier pied par terre et se tourne vers la jument pour serrer son encolure dans ses bras. Au garrot, elle fait un mètre soixante-seize, Calypso est un beau gigantesque bébé docile et qui a une passion en particulier... Dès qu'elle en a la possibilité, elle vient léchouiller le visage de Kiyomi, lui laissant une trace de bave de sa joue à son front. Ses sourcils se froncent, un peu écoeurée, elle essuie son visage contre les manches de sa veste.

La prochaine fois, je prends Ginger...

La jument se moque presque, lui montrant sa dentition et secouant la tête, fière de sa bêtise. Kiyomi défait le noeud qui maintient la longe et s'apprête à la reconduire au pâturage. Elle n'a jamais essayé de monter, elle aime s'occuper d'eux, simplement. Cependant, si elle n'apprend pas à monter à cheval, impossible d'être un boolicier cavalier. Elle ne risque pas grand chose ; elle est déjà morte.

Inconsciente, elle grimpe sur un muret pour être à hauteur de l'animal. Une fois qu'il est suffisamment proche, elle lâche la longe, pose ses mains sur son dos, ne sait pas trop comment s'y prendre, elle se laisse glisser, s'allonge, les pieds dans le vide et les bras aussi. Comme un vulgaire sac à patates.

Silencieuse, quelques gouttes de sueur commencent à glisser le long de ses joues. Elle tend les jambes pour trouver appui sur le muret mais la jument s'en éloigne et son mètre cinquante sept ne l'aide guère à toucher le sol. Son visage pâlit plus que de raison, elle ravale sa salive et tente de garder son calme. Si elle hurle, crie ou s'agite, elle risque fort de s'éclater la tête contre le sol.

... Qu'est-ce que je fais maintenant...?

Souffle t-elle, sans la moindre trace de panique dans sa voix. Tant que l'animal ne part pas au trot ou au galop, elle devrait pouvoir rester sur son dos.

... Y'a quelqu'un..?... Personne hein...

Le cheval, le cheval c'est génial qu'ils disaient. Finalement, les bops à cheval, ce n'est pas pour tout de suite. Faudrait qu'elle trouve un moyen de descendre quand même.