midnight with the stars and you
Oh, le bébé est vexé, à en juger par la tronche qu’il tire. Tu t’amuses de sa moue en lui ébouriffant rapidement la tignasse, comme pour planter un peu plus le couteau dans la plaie en te la jouant tata insupportable. C’est pas méchant, et elle le sait tout autant que toi, alors sa réaction t’inquiète peu.
Quand elle te parle de sa tendance à tout faire trop vite, tu souffles du nez en prenant un air amusé et fais de ton mieux pour ne pas recracher ta gorgée au passage.
Elle a beau ne pas aimer se faire comparer à une enfant, l’entendre raconter son enthousiasme et sa précipitation dès son arrivée lui donne un air de bambin en soif d’aventure, et c’est plutôt attendrissant à voir.
Au fond, vous êtes deux gamines blessées, qui gèrent leurs sentiments confus comme elles le peuvent. Toi, tu te laisses mourir, et elle, elle a la bougeotte.
Et de la même manière que toi qui finis par reprendre du poil de la bête, elle pense à ralentir le rythme. Ça doit être ça, ce que tous les habitants de l’au-delà doivent accomplir pour être en paix : trouver le bon tempo, tout simplement.
“J’te taquine, hein. T’as accompli plein de trucs depuis que t’es arrivée, pour être honnête, j’pensais que t’étais là depuis plus longtemps, tellement t’as l’air sûre de toi.”
Et justement, la rose se reprend pour revêtir son masque social une énième fois, venant même à te promettre de ne plus flancher devant toi. Ça te donne l’impression de devoir la rassurer à nouveau, mais c’est loin de te déranger : tu serais prête à le lui répéter un million de fois, si c’est ce dont elle avait besoin.
“J’aime bien cette Lolly aussi, tu sais.”
Tu appuies tes paroles en la désignant d’un geste rapide de la tête, histoire qu’elle comprenne bien que tu parles de son persona actuel. Bien sûr, la Lolly du bar est d’excellente compagnie, et tu es ravie de continuer la soirée avec elle.
Mais cette Lolly est touchante, et inspirante à sa manière. Elle est crue, honnête, et désormais, tu sais qu’elle t'est reconnaissante. Et, ça, c’est la plus belle chose qu’on pourrait t’offrir.
Vous finissez vos bières à l’unisson, comme pour officialiser la fin de votre conversation, pour clore ce chapitre. Tu pourrais t’en reprendre une, mais pour être honnête, t’en a pas vraiment envie, ce qui est assez rare pour le noter.
Elle te propose une manucure, et tu te contentes de hocher la tête en riant. Y’a pas vraiment matière à travailler, tes ongles sont de taille aléatoire en fonction de ceux que tu as machinalement rongés et cassent pour trois fois rien, mais tu t’imagines bien que quelqu’un avec un sens aigu de l’esthétique comme Lolly pourrait pondre un résultat convenable, si ce n’est plus.
De toute façon, tu t’en fiches un peu, et tu sais qu’elle aussi. Un prétexte pour transformer cette nuit pleine d’émotions en soirée pyjama est tout ce dont vous avez besoin.
Un plaid autour des épaules, un sourire béat sur les lèvres et un clignement des yeux adouci par l’éthanol, on pourrait croire que tu lui offres un
“je t’aime” à la manière d’un félin.
Parce que le dire serait trop autoritaire, trop franc, trop dur, au moins pour toi.
Alors tu la regardes, juste pour une poignée de secondes. Tu l'admires. Tu l’aimes silencieusement, et t'espères qu’elle s’en rend compte. D’un amour platonique, d’un amour discret, mais d’un amour sincère.
Elle, et toutes les autres versions de Lolly.