Il fait beau non ? [PAST]

Un son inconnu et pourtant si familier. Un rêve et la rengaine de cette voix brisée qui finit par s’éteindre, comme noyée. Un rêve, un rêve qui se répétait sans cesse au point de la tétaniser. Et ce son qui se répétait sans cesse. L’abandon porté à sa personne après tant d’efforts pour lui plaire. Et encore une fois, ce son, ce rire moqueur qui lui disait : “Je te laisse tomber pour elle.”

Ce même rêve qui se répétait, chaque nuit, à chaque fois que la petite souris s’endormait. Emportée par un Morphée cruel qu’elle n’appréciait vraiment pas. Ainsi, éveillée tard dans la journée car elle ne s’était endormie que quand le soleil s’était éveillé, elle avait voulu prendre l’air pour oublier, si possible littéralement puisque sa mémoire lui faisait défaut, ce mauvais souvenir.

Elle était sortie une fois coiffée et habillée. Comme à son habitude, des vêtements qui ne mettaient pas ses formes généreuses en valeurs. Un gros gilet en laine et un pantalon large avec des bottes usées. Swann avait remarqué qu’avec ces vêtements, on portais moins d’attention à elle. Et c’était tout sauf déplaisant pour la belle apeurée de tout contact.

Alors que les nuages et le vent invitaient l’humidité et la mauvaise ambiance d’une pluie froide et cassante. La jeune femme marchait dans le parc à cerisiers, regardant autour d’elle en bougeant son nez et ses oreilles de rongeur. Il n’y avait pas à dire, prendre l’air était le meilleur moyen qu’elle avait trouvé jusqu’ici, du haut de ses quelques mois de mort, pour calmer ses mauvaises pensées. Elle ramassa avec un petit sourire une fleur de cerisier, qu’un arbre avait égaré sur le sol, pour la sentir.

Prenant une grande bouffée d’air, elle souriait de nouveau quand l’eau des cieux commença à s’abattre sur sa chevelure blanchatre, de plus en plus fort. Ses oreilles bougèrent dans tous les sens avant de se plaquer sur son crâne, en arrière tandis qu’elle furetait du regard pour trouver un endroit où s'abriter. La chimère repéra un gros arbre plus loin et couvra sa tête de sa capuche et courut vers son abri naturel, s’appuyant contre ce dernier en frottant énergiquement ses bras pour se réchauffer un peu. Décidément elle avait la poisse.

Peu de temps après cela, un autre habitant du royaume des morts vint s'abriter sous l’arbre.Un homme, beaucoup plus grand et impressionnant qu’elle qui plus était. Son coeur s’accéléra alors qu’elle se crispait un peu. Elle n’osa ni le regarder, ni lui parler. Il fallait dire qu’elle ne faisait pas la maligne du haut de son mètre quarante-sept. Ainsi, elle baissa simplement le regard vers le sol, cachée sous sa capuche et se réchauffant comme elle pouvait. Mais après quelques instants dans le silence, ce fut l’inconnu qui brisa la “glace”.  Il se tourna vers elle et remit ses cheveux en arrière. Elle sursauta et n’osa pas le regarder, encore une fois.

“ Excusez-moi jeune demoiselle, auriez-vous un briquet par le plus grand des hasards ?”, demanda-t-il de sa voix grave ....d'homme.

Elle avala sa salive et tourna la tête, la levant pour croiser son regard avant de rougir et de détourner le regard. Peureuse, elle secoua négativement la tête. Depuis son arrivée, elle évitait les hommes et s’en méfiait. Ils cherchaient beaucoup trop souvent à se jouer d’elle. Et aussi polli était-il, elle ne pouvait simplement pas l’aider, elle ne fumait pas, et n’était pas non plus une pyromane. De plus, en cette pluie, il aurait certainement eu beaucoup de mal à l’allumer, cette cigarette. Elle retira sa capuche pour laisser ses oreilles à l’air libre, depuis qu’elle était chimère, il était très agréable pour elle d’avoir quelque chose qui les recouvrait.

“J-je suis désolée, je ne fume pas et...il faut dire qu’avec cette pluie il aurait été difficile de l’allumer.”, tenta-t-elle, peu confiante. “Vous devriez rentrer chez v-v-vous, moi je vais res...rester ici.”

Elle avait dit qu’elle allait rester là. Swann se maudissait intérieurement. Elle avait toujours été la meilleure pour passer pour encore plus étrange qu’elle ne l’était déjà. Elle lui avait de rentrer chez lui, au chaud, conseil qu’elle devrait suivre aussi. Mais à la place elle lui avait précisé qu’elle allait rester sous la pluie. Enfin non, la souris n’avait pas spécialement envie de rester sous l’eau glaciale. Mais le fait était qu’elle n’avait pas envie de rentrer chez elle. Pour le simple fait qu’elle retrouverait sa chambre oppressante où elle se sentait si mal. Pour le simple fait qu’elle avait besoin de se rafraîchir l’esprit, et que si le temps pensait qu’il valait mieux qu’elle se rafraîchisse tout court, cela ne la dérangeait pas.

Les gouttes de pluie dégoulinant dans sa nuque la firent frémir. C’était agréable, comme désagréable dans le sens où elles lui laissaient un frisson de froid. Son odorat développé qui faisait bouger son petit nez faisait des siennes. La senteur de l’humidité la libérait, et il y avait cette petite odeur de tabac et de fumée...Elle avait retiré sa capuche pour découvrir ses oreilles, oppressées quand elles étaient couvertes. Elle entendait mieux ainsi, elle entendait la pluie battre à son plein. Le bruit de la pluie sur l’herbe, les pavés, les feuilles...Et elle se rendit compte qu’elle partait encore dans ses pensées alors que son interlocuteur l’en arrachait en reprenant la parole. Swann tourna alors la tête vers lui, qui n’avait pas l’air très à l’aise.

“J'ai perdu mes clés d'appart et mon coloc ne rentre pas avant un moment. Et puis, je ne vais pas laisser une charmante petite souris comme vous seule sous la pluie …”

Si elle ne s’était pas déjà fait passée pour étrange, elle lui aurait proposé de crocheter sa serrure. Pas parce qu’elle était une quelconque voleuse dans une autre vie, mais parce qu’elle s'intéressait à tout et qu’un jour elle avait finit par se retrouver avec un livre de mécanique des serrures dans les mains. Et elle avait un peu d’empathie pour lui, elle même, semi-amnésique, oubliait beaucoup de choses. Elle se souvenait un jour avoir oublié où elle habitait dans sa vie antérieure. Mais ne voulant pas qu’il la regarde avec des yeux accusateur, elle ne dit rien, de toute façon, la suite de ses paroles l’a perturbèrent un peu.

Il lui avait glissé un petit compliment qui l’avait faite rougir, et elle avait un peu baisser le regard. On ne lui en faisait plus vraiment, des compliments, du moins depuis sa mort. Elle lui lança un petit “M-merci” à peine soufflé, avant de bouger ses oreilles de contentement. Il n’avait pas l’air vraiment méchant, mais il restait tout de même très entreprenant, et même sans sa méfiance certaine envers les hommes, cela aurait effrayé la souris. Ainsi, avec des yeux un peu apeuré elle écouta la suite. Elle ne pouvait pas trop s’avancer. Et même si elle restait tout de même un peu méfiante, elle ne pouvait pas le juger sans savoir.


“Si vous voulez, on va prendre un verre dans un bar au chaud ? Je vous le paye.”

Swann remua de nouveau les oreilles. N’était-ce pas une idée dangereuse ? Elle ne voulait pas qu’il se fasse des idées, ou qu’il tente quelque chose. Mais d’un autre côté, il n’avait pas l’air très dangereux et semblait simplement vouloir être gentil. De plus, rester dans le froid ne lui apporterait que de la maladie, alors qu’il lui proposait d’aller au chaud, et de lui payer un verre. Elle se tritura un peu les doigts. Bon, si elle acceptait cela n’engageait rien, elle prendrait une boisson chaude, et elle se tiendrait un peu écartée...Oui, voilà, elle ferait ça.

“Je...C’est vraiment gentil..Je veux bien ! Je ne peux pas résister à un chocolat ou un café avec ce déluge…”, elle eut un petit sourire timide. Elle détourna le regard et chercha des yeux où ils pourraient bien aller. Elle repéra un café avec une enseigne illuminée à environ trois-cent mètres. Elle le pointa du doigt et, avec un air déterminé, le nez et les oreilles bougeant, dit : “Trouvé ! Ce...ça vous va ?...Il va falloir courir un peu sous la pluie…”, Elle se regarda et se gratta la joue avec gêne. “Je suis pas très douée alors si vous voyez que je vous ralentis continuez, je vous rejoindrais.”

L’homme avait accepté la proposition de Swann, celle-ci en fut ravie, ayant eut peur qu’ils aient à se mettre d’accord durant de nombreuses minutes. Elle n’avait jamais été douée pour les négociation de toute façon. Suite à cela, il avait renié l’idée de la laisser derrière lui durant leur course et cela avait eut le don de faire sourire la petite souris. C’était gentil. Elle lui lança un regard reconnaissant, sans rien ajouter parce qu’elle n’aimait pas parler pour ne rien dire.

“On y va ?”, dit-il en lui tendant sa main. “Je comprendrais que vous refusiez mais, j’aimerais éviter de vous perdre sous cette pluie.”

Swann hésita, elle n’était pas très habituée à toute forme de contact, avec qui que ce soit et encore moins avec un homme. Mais, il n’avait pas totalement tort, de cette façon, ils auraient la certitude de ne pas se perdre de vue lors de leur course. Bougeant les oreilles, tout de même un peu craintif, elle prit sa main, la sienne était vraiment petite comparé à celle de son interlocuteur, elle s’en sentit honteuse mais n’osa rien dire, détournant le regard et lançant un : “A-Allons-y, vite.”

Quand l’homme fut prêt, ils se mirent à courir, Swann essayant tant bien que mal de suivre le mouvement avec ses petites gambettes. Ce n’était pas des plus aisé mais elle faisait de son mieux. Pourvu qu’elle ne tombe pas. Cela manqua d’arriver, mais elle réussit à garder l’équilibre grâce à la main de son interlocuteur. Finalement, ils arrivèrent sans trop d'accroc au café et y rentrèrent. Swann était trempée, ses cheveux collant à sa peau, et elle peinait à retrouver son souffle. S’appuyant sur ses genoux après avoir lâcher l’homme, elle posa un regard sur lui.

“C-ça va..?”, elle prenait de longues inspirations. “H-hum...allons commander...un chocolat ne me fera pas de mal..”

Il accepta la demande que Swann avait faite, voulant commander. Toujours avec cette politesse qui semblait le caractériser, il vint l’aider à s’installer avant de lui signifier qu’il allait commander. La petite souris hocha doucement la tête et appuya sa tête sur sa main, regardant autour d’elle. Il faisait bien meilleur ici, mais elle se sentait trempée et n’aimait pas beaucoup cette sensation. Elle espérait qu’il allait bien, elle l’avait vraiment sentit crispé quand ils couraient. Elle n’aurait pas sut dire si cela était à cause de l’effort ou autre chose. Mais toujours était-il que se retrouver dégoulinant de pluie et sentant l’humidité, ça ne plaisait en général à personne.

Finalement, le brun vint s’asseoir, lui expliquant que la commande allait arriver. Swann lâcha un petit soupire de soulagement, heureuse de pouvoir bientôt se réchauffer. Mais elle savait faire preuve de patience. L’homme lui demanda si elle n’était pas trop mouillée, la chimère n’y vit bien évidement aucun sous entendu, candide et innocente qu’elle était. Elle s’enquit plutôt de son état à lui.

“Non, enfin...si, mais tout autant que vous alors je n’ai aucune raison de me plaindre. Si vous n’étiez pas arrivé, je serais certainement restée sous la pluie encore un long moment.”, elle rit un peu timidement.

Après cela, un serveur vint leur apporter les boissons. Un chocolat qui sentait merveilleusement bon, aux vus du nez de Swann qui bougeait et de ses oreilles qui remuaient. Et certainement un café pour son interlocuteur, du moins à en juger par la couleur de sa boisson. Elle prit délicatement la tasse entre ses mains après avoir remercié timidement le serveur. La chimère souffla doucement sur le liquide chaud et en but une gorgée, un sourire sincère apparut sur son visage alors qu’elle se réjouissait.

“M...Merci pour la boisson.”, dit-elle à son compagnon d’infortune. Puis, elle se souvint de quelque chose, quelque chose d’important. Elle reposa doucement sa tasse et lui tendit sa main. “Je m’appelle Swann, et vous ?”

Il lui avait dit qu’il était normal de lui payer une boisson puisqu’il prenait son rôle de ‘sauveur’ à coeur. Swann avait sourit timidement. Il ne l’avait pas vraiment sauvée mais il était vrai qu’il lui avait empêché d’être de mauvaise humeur. Alors, elle ne l’avait pas reprit ou contredit, bien qu’elle ne croyait plus aux contes de fée. Elle s’était contenté de boire son chocolat avec un petit air amusé.

Il avait prit sa main pour la serrer doucement et Swann l’avait écouté lui dire qu’il se nommait Lyosha, mais qu’elle pouvait l'appeler Lyo si, en bonne souris, elle avait peur des félins. Elle avait doucement serré sa main et avait rit. D’un rire sincère. Ce n’était pas qu’elle en avait peur, au contraire elle les aimait, mais la nature avait fait qu’elle y était allergique et qu’elle ne pouvait pas s’en empêcher. Elle avait un peu rougit après quelques instants, ne souhaitant pas qu’il croit qu’elle se moquait de lui.

“Lyosha ira, je n’ai pas peur des chats, j’en suis juste allergique.”, elle baissa ses oreilles. “Ca doit être pour cela que j’ai été croisé avec une souris, j’ai entendu dire...q-que l’on était croisées avec un animal qui nous était semblable.”

Juste après cela, il lui avait demandé s’il pouvait la tutoyer. Elle avait doucement hoché positivement la tête avant de boire de nouveau dans sa tasse chaleureuse. Elle avait ensuite posé son regard rosé et plein de questions sur son interlocuteur. De quoi pouvait-elle lui parler à présent ?

“Que...que faisais-tu avant de te retrouver dans ce parc ?”, elle nettoya de son pouce le chocolat qui lui faisait une moustache. “Moi je me baladais simplement, je fuyais mes cauchemars.”

Elle n’en avait pas dit plus. La petite souris n’avait tout de même pas envie de raconter tous les détails de son existence à un parfait inconnu. Ainsi, elle était restée vague et l’observait de nouveau curieusement, attendant sa réponse, espérant qu’elle n’était pas trop indiscrète.