Pour raconter une histoire, il faut non seulement un bon conteur, mais aussi un bon public. Un public attentif, enthousiaste, qui fasse pleinement parti de l’ambiance de l’histoire. Et sa nouvelle amie était définitivement bon public, ce qui remplit Peter de joie. S’il avait l’habitude de voir des grands yeux émerveillés posés sur lui, cela ne rendait le moment moins appréciable, d’autant plus qu’elle semblait particulièrement innocente pour son âge. Ça le changeait des enfants traumatisés par les adultes, et par la vie en générale en fait, dont il avait à s’occuper tous les jours. Elle, elle est … Une sorte de grande enfant. Ou plutôt, une enfant qui n’a jamais grandi à l’intérieur. Et ça, ça lui faisait très plaisir.
Finalement, une fois ses cabrioles finies, il attendit sa réponse, ou plutôt ses réponses, espérant enfin en savoir un peu plus sur sa nouvelle amie. Il était heureux d’avoir fait bonne impression, avec le côté un peu héroïque voir cliché de sa présentation. Mais après tout, quant on est un personnage de conte, comment en faire trop ? Et son amie… éclata de rire, plutôt que de répondre à ses questions. Pas un rire moqueur, ni un rire forcé, mais un rire franc et pur qui fit apparaitre un grand sourire sur le visage de Peter, qui secoua la tête légèrement. Et voilà l’image de la légende sérieuse et supposée badass qui s’écroulait. Un badass, ça ne rit pas ! Mais quand on est Peter Pan, ça n’a rien de choquant de rire. Il n’est pas non plus le Capitaine Crochet ou Barbe Rousse. Son image, heureusement, n’allait donc pas en être dégradée aux yeux de la jeune fille. Evidemment, ça pouvait paraitre un peu futile, de vouloir préserver son image en face de quelqu’un. Mais Peter avait surtout peur de décevoir s’il n’était pas à la hauteur de son personnage. Et clairement, il ne pouvait pas se permettre de décevoir la personne en face de lui. Et celle-ci profita sournoisement de son moment de distraction pour non seulement lui prendre son bâton, mais aussi pour lui caresser la joue avec le poing, à la surprise de Peter qui se toucha la joue doucement juste après, un peu surpris et rougissant légèrement. Après une seconde, il comprit qu’elle lui avait enlevé de la boue de sa joue. Et lui qui voulait soigner son image, voilà qu’il se faisait nettoyer le visage. Il se permit un éclat de rire, remuant la tête. Eh, il avait essayé. Mais la fille n’en semblait pas moins impressionnée ou enthousiaste. Elle semblait même amusée. Il se permit donc un éclat de rire, se moquant de son propre ridicule en se frottant la tête.
Il fit donc un pas en arrière avant de faire une courbette exagérée, saluant son public, avant de répondre avec un grand sourire.
« J’espère qu’il m’allait bien ! »Il avait probablement des traces de boue dans son dos et dans ses cheveux. Il commença d’ailleurs à jouer avec ses mèches blondes, rendues un peu plus sombre et compactes à cause de la pluie. Un tout petit peu de boue, mais rien de grave. Il préféra se concentrer sur la personne en face de lui, qui mit quelques instants avant de prendre la parole, prenant visiblement très à cœur sa présentation. Enfin, il était mal placé pour dire ça, au vu de son numéro d’escalade précédent.
Monsieur.
Monsieur.
Il tiqua sur le mot. Il n’était pas un monsieur, mais un enfant ! Admettons, un adolescent physiquement. Mais en aucun cas un monsieur ! Si l’usage du mot n’était évidemment pas sérieux, il leva malgré tout un sourcil sur le moment, par réflexe. Mais, évidemment, il n’allait pas non plus réagir dessus, d’autant plus qu’il avait enfin une opportunité d’en savoir plus sur elle, la dénommée Poppy. Elle semblait curieuse, vouloir partir à l’aventure, complètement adorable et être quelqu’un de profondément bon. Enfin, à première vue. Peter remercia mentalement Disney pour le film sur Peter Pan, qui lui a permis d’avoir une bonne image pour la jeunesse plutôt que celle un peu tordue du livre originel.
Peter pensa à répondre, mais elle eut d’un coup un regain d’énergie, pointant le bâton en sa direction, sans qu’il n’y aille rien de menaçant derrière. Et elle enchaîna les questions sur sa vie, sans faire de pauses. Curieuse, en plus de tout ça ! Que demander de plus ? Peter commençait vraiment à voir du potentiel en elle. Pas qu’il jugeait les autres enfants sans potentiel, attention ! Mais ils étaient pour la plupart renfermés sur eux même, à vouloir jouer les adultes et faire les grands sans s’intéresser aux choses autour d’eux … Mais Poppy, elle, elle avait le profil d’une aventurière. En fait, elle était un peu comme lui. Avec moins d’expérience, évidemment, mais… Mais elle avait l’innocence, l’ingénuité qu’il aurait aimé pouvoir garder pleinement et entièrement.
Alors, lorsqu’il sentit une once de tristesse dans le regard de Poppy, il se sentit personnellement touché. C’est qu’il est empathique, le Peter. Alors, il préféra s’occuper directement de ça. Par expérience, et par curiosité.
« Je parle de celle dans le monde des morts. Et… Est-ce que tout va bien, Poppy ? »Il s’approcha, pour la regarder dans les yeux avec un grand sourire qui cachait difficilement qu’il se faisait du souci pour elle. Mais au vu du nombre de personnes dont il avait eu à s’occuper… Il savait à peu près comment réagir.
« Tu sais, si on arrive ici, c’est que… On n’a pas eu une vie très très drôle, sur terre. Bon, où qu’on a été mordu. Mais… Dans tous les cas, c’est toujours un sacré gros choc. Je peux comprendre que tu ne souhaites pas m’en parler, et je ne vais pas insister si tu me dis que ça va aller. Mais… Si t’as besoin d’en parler. Je parais peut-être un peu bête parfois, mais je pense pouvoir au moins t’aider un peu quand ça va mal. Alors si ça ne va pas bien, ou si tu as des problèmes avec ta nouvelle, du moins je suppose, condition… N’hésite pas. D’accord ? »Maintenant, il faut lui redonner le sourire ! Il se pencha légèrement dans sa direction, avant de tapoter du bout du doigt le nez de sa nouvelle amie.
« Boop. »
Si ça pouvait aider à la faire se sentir mieux, il n’avait aucune raison de ne pas le faire ! Et, afin de tenter de la faire se sentir un peu mieux, il répondit aux questions ensuite, pour changer de sujet, bien qu’ayant été clair sur le fait qu’ils pouvaient en parler si elle le désirait.
« Alors… Pour répondre à tes questions, effectivement, Clochette est là ! Mais c’est une fille un peu solitaire, même si elle vient pour raconter des histoires à l’entrepôt quand je le demande gentiment. Mais, qu’est-ce que l’entrepôt ? Si tu veux, c’est un peu comme l’île des enfants, mais ici, au Japon ! Imagine un grand entrepôt, peuplé uniquement par des enfants, géré par des enfants ! Il y a des jeux, on peut dessiner sur les murs, faire du sport, faire tout ce qu’on veut ! Vivre là-bas, c’est comme vivre dans un parc d’attraction ! Et puis et puis et puis, t’as des toboggans partout, et des paillettes, et des balançoires ! Et tu peux y aller quand tu veux ! »Sur le coup, il s’était un peu emporté, mais il était vraiment excité d’en parler. Après tout, c’est sa maison, une bonne partie de son boulot, et potentiellement l’un des meilleurs endroits pour vivre sur terre. Et s’il pouvait donner envie à Poppy de venir le voir de temps en temps là-bas… Eh, ça ne pourrait pas faire de mal.
« Tu sais, Poppy, t’as le profil parfait pour une aventurière ! Tu m’as l’air déterminée, courageuse, curieuse, et je n’ai aucun doute sur tes capacités à te faire des amis partout dans le monde ! Peut être que sur le plan physique, tu devrais t’entrainer un peu, à la limite. Mais ça, c’est plutôt facile ! De plus, on part rarement seul à l’aventure, donc tu peux toujours trouver des gens pour faire, bah… Tout ce qui est compliqué à faire quand on n’a pas beaucoup de force. Si tu te demandes, être pirate, c’est drôle au début, mais on se lasse rapidement du bateau. En plus, les pirates, c’est rarement gentil. En plus, sans vouloir te vexer, je ne suis pas un pirate. Enfin, j’espère. J'suis plus proche d'un ... D'un aventurier ! Ou d'un super-héros !»Il marqua une pause. Dans le livre, il est EFFECTIVEMENT à un moment un pirate. Après avoir tué le capitaine crochet. Et commencé à devenir méchant. Définitivement, la version Disney le mettait plus en valeur.
« Dans tous les cas, je sens un graaaaand potentiel en toi ! Et je ne dis pas ça pour te faire plaisir ! Tu sembles avoir toutes les qualités requises. Tu disais que tu voulais l’être plus jeune… Mais aujourd’hui, est-ce que c’est toujours le cas ? Est-ce que, au fond, tu ne rêverais pas de la grande Aventure, avec un A majuscule ? De voir tout ce que tu n’as probablement pas eu le temps de voir, de ton vivant ? D’apprendre tout ce que tu n’as jamais eu le temps ou les moyens d’apprendre ? Et pas comme à l’école, hein ! Apprendre en s’amusant, en vivant des choses ! »Il accompagna le tout de grands gestes avec les bras, lançant probablement des gouttelettes sur Poppy, ce qui ne changeait pas grand-chose avec la pluie. Il était peut-être un peu trop énergique, mais c’était clairement le genre de sujet qu’il aimait, et qu’il aimerait faire partager ! Après, évidemment, il n’allait pas la forcer ou quoi que ce soit. Mais ça serait bête qu’elle fasse comme tout ceux qui passent leurs vies à Tokyo, sans jamais sortir ou s’intéresser au monde autour d’eux. Peter savait convaincre, et surtout ouvrir les possibilités aux yeux de la jeune fille. Ses yeux pétillaient d’excitation, et ses bras restèrent en suspend quelques secondes en l’air, comme si sa phrase restait, elle aussi, en suspend dans l’air. Ou comme s’il demandait un câlin de la part de quelqu’un. Peut être de la pluie, qui commençait à s’intensifier un peu, tandis que les nuages se teintaient au loin de noir. Mais le froid de la pluie n’allait pas suffire à refroidir son enthousiasme !
@Poppy Albert