Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
Généralement, l’ascenseur démoniaque était le moyen préféré des spectres pour se rendre d’un étage à l’autre dans l’Agence Azazel. Même s’ils se rendaient rarement à destination dès la première tentative, c’était toujours plus rapide qu’emprunter les escaliers. Seuls les fantômes les plus endurcis avaient le courage de se livrer à une descente — ou pire, une ascension! — aussi éprouvante. Ou ceux qui avaient eu une mauvaise expérience avec ce foutu ascenseur. Eux aussi préféraient l’éviter. Shirley faisait partie de ce deuxième groupe… Depuis que cet ascenseur de malheur l’avait retenue prisonnière avec cette petite peste et qu’il avait menacé à maintes reprises de s’écraser, elle s’était promis de ne plus y remettre les pieds. Par précautions. La jeune femme avait fini par prendre plaisir à escalader ou descendre ces marches en colimaçon : la plupart du temps, c’était très tranquille. Toutefois, il fallait un peu d’endurance… ce qu’elle n’avait pas du tout, pour tout dire.
La jeune lémure grimpait les 66 marches pour se rendre à la cantine. Il devait être aux alentours de midi et elle commençait avoir un peu faim. Et comme Lascaux était dépourvu de l’électricité, conserver de la nourriture chez soi était plutôt compliqué. Shirley détestait devoir sortir de son appartement pour manger un bout parce qu’elle n’aimait guère croiser les autres résidents de l’agence, mais elle ne s’en plaignait jamais. La brune se contentait d’espérer silencieusement qu’on ne la regarderait pas de travers ou que personne ne lui adresserait la parole.
Plus haut, des pas retentirent dans la cage d’escalier. Il y a quelqu’un… en déduisit Shirley. Celle-ci devina rapidement que les pas descendaient et que l’inconnu et elle se croiserait inévitablement. Mince. Pour s’assurer de ne pas incommoder cet étranger, elle longea de très près la rampe pour dégager le passage le plus possible. Avec un peu de chance, on ne la remarquerait pas.
L’étranger s’avérait être une étrangère. C’était une belle brune qui devait avoir une dizaine d’années de moins qu’elle physiquement. Dès que la Canadienne l’aperçut, elle dévia son regard et essaya de se faire le plus discrète possible pour ne pas attirer inutilement son attention. Malgré tous ses efforts pour se faire invisible, elle n’y arrivait pas : Shirley pouvait presque sentir le regard de la demoiselle sur elle. Il la détaillait avec attention. Du mieux qu’elle pouvait, Shirley essayait d’en faire abstraction et tracer son chemin.
—Et bah ma vieille tu t'es pas loupée, t'es passé sous un camion ?
La voix la fit sursauter, elle rata une marche mais se rattrapa de justesse à la rampe sur laquelle elle se repliait pour se faire toute petite. Hein? Généralement, ses bandages éveillaient la curiosité de ceux qu'elle croisait, mais rares étaient ceux qui osaient la confronter. Surtout de cette façon. Le visage de Shirley avait pris une teinte écarlante. À la fois paniquée et embarrassée, elle se retourna vivement vers son interlocutrice pour lui répondre.
—O-o-oui. Justement.
Les images qu’elles avaient revues deux ans auparavant dans le bureau de Joshua surgirent à nouveau dans son esprit. Des frissons d’effroi remontèrent son échine. Sa petite voiture avait été cruellement emboutie. Le camion avait percuté avec violence le flanc gauche de la Honda qui avait tenté vainement de s’échapper de cette collision inévitable et s’était retrouvée à moitié sous le camion. Sa conductrice aussi, par le fait même.
Shirley secoua la tête pour chasser ces images horrifiques de sa tête, puis releva avec difficulté son regard vers son interlocutrice.
—Ce n’est pas très poli de dire des choses pareilles à des inconnus… Tu pourrais froisser quelqu'un... remarqua-t-elle sur un ton frêle qui était tout sauf réprobateur.
Shirley s'efforçait de soutenir le regard de son interlocutrice pour ne pas perdre le peu de crédibilité qu’elle possédait. Sa timidité faisait bien trop souvent d’elle quelqu’un qu'on prenait difficilement au sérieux. La jeune femme n’attendait pas des excuses, simplement la confirmation qu’elle serait plus prudente en s’adressant aux gens à l’avenir…
—Oui je pourrais, répondit-elle simplement.
Prise au dépourvu, la brune échappa un petit « euhh » incertain, incapable de trouver quoi que ce soit à répondre. Celle-ci ne savait pas si elle appréciait ou non la jeune femme qui se tenait sur une marche plus haute et qui lui souriait presque moqueusement. Son manque de subtilité l’exacerbait, mais il y avait un petit quelque chose chez elle qu'elle appréciait. Cette étrangère n’avait pas froid aux yeux et disait ce qu’elle pensait, chose qu’elle n’avait jamais réussi à faire, même de son vivant. Et elle l’admirait un peu pour ça.
Le regard de l’inconnue se posait sur elle, sur ses bandages. Son manque de retenue l’agaçait, mais Shirley s’efforçait de ne rien laisser paraître. Incapable de supporter ce regard indiscret, la brune se contenta de baisser pitoyablement la tête en attendant que cette curiosité lui passe. Shirley espérait que la jeune femme finisse par se désintéresser et ne lui pose pas plus de questions sur ce que dissimulait les bandelettes de tissus. Mais elle est tellement mal élevée… C’est inévitable…
Soudain, l’inconnue passa un bras autour de ses épaules et la pressa contre elle. Étant peu à l’aise avec le contact physique en général, les joues de Shirley tournèrent rapidement au rouge alors qu’elle tenta mollement de se dégager de cette étreinte inattendue.
—Eh bas ma grande on va faire quelque chose pour ça.
Quelque chose pour ça? De quoi se mêle-t-elle? Trop tard, la jeune demoiselle entraînait déjà la Canadienne dans les escaliers avec elle. Celle-ci ne lui laissait pas le choix.
—Froisser est une chose, aider en est une autre, allez viens.
—N-non, je n’ai pas besoin d’aide…! protesta faiblement Shirley.
Malgré tout, elle se laissait entraîner, impuissante face au comportement imprévisible de cette étrangère.
—Qu’est-ce que tu veux..? Qu’est-ce que tu veux faire…?
|
|