Excuuuuuse me princess
@Yozora Miyanaga695 mots
Le soleil est voilé par les nuages, et pourtant, il fait toujours atrocement chaud : bref, c'est l'été, et tu ne cesseras jamais de t'en plaindre. L'avant-veille, tu n'étais pas loin de prendre un malaise lors de ta participation à un marché en plein air. Tu ne décollais pas de ta chaise pliable et tu avais mal à la main à force d'agiter ton éventail en papier ; tu faisais peine à voir, à se demander si tu n'as pas repris le travail trop tôt.T'es-tu toujours senti aussi vieux ? Outre tes cinq siècles, tu entends par là physiquement, alors que tu n'es pas censé prendre de l'âge. La faute pourrait facilement être jetée sur ton hygiène de vie désastreuse. Mais cette dernière, tu la mènes depuis si longtemps sans jamais avoir vraiment relevé les problèmes de santé que ça te cause... Ça t'étonnerait que soudainement, ce soit ça qui te pèse. Tu regardes pensivement ta bague au moment de tirer sur ta cigarette électrique. Tu relâches la vapeur dans un soupir fatigué. Ça doit être ça, bien sûr.
Autour de toi, tout semble pareil. Et les évènements à venir sont prévisibles. Par exemple, août annonce la nécessité de préparer un stand pour les festivités organisées lors de l'O-Bon. Comme chaque année. Parfois, il t'arrive même de croire que le temps recule, en particulier quand Tomoe réapparaît dans ton champ de vision. Tu prends de plein fouet le décalage entre ces instants où de l'extérieur, tu perçois le quotidien comme désespérant de redondance, et où de l'intérieur, toute ta vision de l'existence subit un changement de perspective forcé par ton accident.
Désabusé, tu t'étires en faisant craquer ta colonne vertébrale contre le dossier de ta chaise de bureau, puis tu refermes ton carnet de notes tout juste rempli en entier pour le balancer dans ton tiroir ; où tu découvres que tu n'en as plus de "rechange". Peut-être en reste-t-il quelque part dans le fourbi de ta chambre, et sur cette pensée, tu t'apprêtais à regagner brièvement l'étage de ton appartement quand tu entends l'alarme de ton portable depuis le fond de ta poche.
La mention "Yozora" s'affiche sur ton écran quand tu le regardes pour couper le rappel. Ah, oui, c'est vrai, aujourd'hui sera peut-être un poil moins ordinaire, finalement. Ton ex-apprentie, partie – juste avant de se faire virer de toute manière – après une fâcheuse altercation, redevenue ton apprentie après qu'elle ait présenté ce qui ressemblait à des excuses, devrait franchir la porte de la boutique incessamment sous peu, si elle n'est pas en retard.
Toi, en tout cas, tu vas l'être, puisque tu n'as pas renoncé à aller te chercher un nouveau cahier, et que ça va te prendre presque trente minutes comme tu t'es laissé distraire par... d'autres trucs. Dont la recherche frénétique dans tes anciennes notes du profil que tu avais dressé de la jeune femme, justement. Histoire de te refaire une idée claire de sa personnalité qui de mémoire, était spéciale. Par la suite, tu retournes tous tes tiroirs pour retrouver ta flûte en bois mort. Au cas où.
Quand tu redescends finalement, Tomoe ressort de l'atelier en t'ayant entendu dans les escaliers, pour t'annoncer qu'elle a dit à la "princesse" – elle a un sourcil levé en prononçant le titre – d'aller t'attendre dans la salle de repos. Plateau de fioles en tout genre dans les bras, elle s'éloigne ensuite pour aller s'enfermer dans une autre pièce... Probablement parce qu'elle préfère travailler dans le silence. Et qu'elle pressent que cette première leçon ne sera pas des plus calmes.
Tu chasses donc toute trace d'ennui et de lassitude pour apparaître avec un masque beaucoup plus espiègle dans l'encadrement de porte de la salle de pause, où tu t'attends par conséquent à trouver ta "nouvelle" disciple.
— Salut, alors, motivée ? T'as de quoi prendre des notes ? Il va falloir revoir quelques bases, maintenant que tu viens suivre ta première leçon avec moi en tant que vraie nécromancienne, minaudes-tu, non sans prendre plaisir à rappeler que lors des tous premiers cours qu'elle a voulu suivre, elle n'était encore qu'une Lémure qui soutenait mordicus qu'elle pourrait quand même faire des potions.