Ghost sheet
Les larmes se sont tues depuis plusieurs minutes déjà. Terri est à l'étape « fixer le plafond des yeux jusqu'à ce qu'il lui tombe sur la tête et qu'elle réalise que ce n'est qu'un mauvais rêve ». Sauf que ça ne vient pas. Ça ne vient jamais. Au plus remarque-t-elle une petite goutte d'eau qui perle dans les rainures de sa chambre – merci l'humidité ambiante. Incroyable qu'elle ne soit pas encore tombée malade. Ah, oui, c'est vrai, elle est morte, elle ne peut pas tomber malade (croit-elle).
Allongée sur son dos dans son lit depuis elle ne sait plus combien de temps, Terri sent ses muscles s'ankyloser. Et puis vient la faim, inévitablement, qui se manifeste par un grondement d'estomac et une sensation d'inconfort. Nooooon, elle a pas envie. Elle veut pas. Elle veut juste faire un avec son lit froid et humide. Mais son ventre continue à protester. Encore 2 minutes, et elle lui concède la victoire.
Alors elle se lève, et ce seul effort mérite à lui seul un gâteau au chocolat. Est-ce qu'il y a du gâteau au chocolat dans le frigo ? Et si oui, est-ce qu'elle peut en prendre ? Urg, il faudrait qu'elle demande. Elle a pas envie de demander. Bon aller. Le gâteau sera pour une autre fois. Objectif : attraper un sac de chips et rentrer se mettre à l'abris. Temps accordé pour la mission : 30 secondes. Elle se prépare, c'est-à-dire qu'elle s'enroule dans sa couverture de manière à ce qu'elle n'obstrue pas ses pieds et qu'elle la couvre jusqu'à la tête – hors de question qu'on voit ses cheveux de paille. Bien ajustée, elle lance un décompte dans sa tête. 3, 2, 1 elle ouvre la porte.
Le chemin entre sa chambre et le garde-manger se constitue d'une ligne droite et d'un virage à droite. C'est dans cet angle à 90 degrés qu'elle s'expose au regard du reste de la colocation – si elle squat le salon à ce moment-là – et qu'elle passe le plus rapidement possible. Comme si traverser l'endroit assez vite lui permettrait de se rendre invisible, comme un fantôme qu'elle imite presque à la perfection avec sa couverture sur la tête. À cela s'ajoute l'astuce de ne jamais regarder en direction du salon : si elle ne voit personne, on ne la verra pas non plus, astuce de l'autruche.
Arrivée dans la cuisine, elle ouvre le garde-manger. Oh malheur ! Oh revirement imprévu ! Il n'y a plus de chips ! Quoi prendre quoi prendre quoi prendre sans qu'on ne lui tombe dessus ? Vite le temps presse ! Et Terri est incapable de prendre une décision. Pas de snack sous la main, et elle n'est pas prête à manger de la farine crue. Changement de stratégie. Ouvrir le frigo et prier, prier pour que la silhouette qui s'approche derrière elle ne fasse pas attention à elle.