En trois-cent années de vie - ou de mort - Célestin avait presque oublié un détail concernant les plus jeunes : ils grandissent, et vite. D’autant plus dans ce monde étrange où la croissance des jeunes doit se faire via ces éternelles potions.
C’est ce dont il s’est rappelé ce matin, en voyant que les pantalons de son fils, parfaitement à sa taille voilà deux semaines, lui arrivaient désormais aux chevilles. Son père les a alors retroussé -
tu porteras un pantacourt pour la journée, lui a-t-il dit - et s’est décidé d’aller lui acheter de nouveaux vêtements, en plus de ses potions de croissance et de pousse des dents. Le gamin va sur ses sept ans, il serait grand temps que ses premières dents de lait ne tombent -
ici, c’est la Petite Souris ou la Fée des dents ?Il mettra quelques ossements sous son oreiller.
Ce sera bien suffisant.
Ce sont donc ces préoccupations qui l’ont poussé à abandonner momentanément sa petite maisonnée de banlieue :
des achats pour son gamin. Il a déjà quelques sacs de vêtements, et une liste de potions sur un bout de papier, comme une liste de courses.
Il ne les fait pas lui-même.
Il en est incapable. Il sait chanter, et c’est déjà bien.
Il y a bien une petite foule au milieu des grands boulevards de cette ville hors de toute mesure. Célestin slalome, se fait bousculer quelques fois, fronce les sourcils et reste le nez collé à son bout de papier. Tu finis pourtant par l’arrêter, les mains sur ses épaules - alors il lève vers toi son regard, tu es grand pour un gamin.
Ou peut-être pas, il oublie parfois, Célestin.
“Vous êtes perdu ?”Question logique.
Et il remarque que tu sembles ailleurs.
Il ne comprend la raison, la réelle raison, que lorsque tu plantes tes crocs dans sa chair. Évidemment,
ça fait mal, un mal de chien qui lui arrache un cri de surprise et un gémissement avant qu’il ne parvienne difficilement à te repousser loin de lui.
Tu as peut-être pris le plus petit, mais pas le plus mince.
“Ah mais il est complètement fada lui ou bien ?! Vas donc t’nourrir ailleurs, l’idiot !”Un français parfait, teinté d’un accent provençal.
Que tu le comprennes ou pas, il fallait que ça sorte.
Il accompagne ses paroles de gestes, un doigt qui tourne sur sa tempe tandis qu’il te fixe, le papier qui volette entre ses doigts et une moue difficilement plus agacée sur les traits.
“Aagh ça fait un mal de chien…”Il masse la morsure, non sans te lancer un regard assassin.
Résumé
427 mots
Célestin insulte Liam dans la langue de Molière mais la finesse en moins